Deux médicaments expérimentaux se sont révélés d’une efficacité redoutable contre le virus Ebola lors d’un essai clinique en République démocratique du Congo. Chez les patients récemment infectés, le taux de survie s’élève à environ 90 %. Une réussite telle que l’étude sera arrêtée pour que tous les participants soient soignés par ces traitements.


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    L'espoir d'un traitement du virus Ebola se dessine, deux médicaments ayant augmenté significativement le taux de survie de patients dans le cadre d'un essai clinique en République démocratique du Congo, ont annoncé les autorités sanitaires américaines, qui ont co-financé l'étude. La phase actuelle de cette étude, initiée en novembre dans le pays africain, sera arrêtée afin que tous les futurs patients reçoivent ces traitements ayant démontré des résultats positifs, ont ajouté les Instituts nationaux de santé américains (NIH).

    Les traitements REGN-EB3 et mAb114 « sont les premiers médicaments qui, dans le cadre d'une étude scientifique solidesolide, ont clairement montré une diminution significative de la mortalité chez les personnes atteintes du virus Ebola », a souligné auprès de l'AFP Anthony Fauci, directeur de l'Institut américain des maladies infectieuses et des allergies, qui fait partie du NIH.

    Chez les patients traités rapidement, le taux de mortalité chute à 6 % avec le REGN-EB3 et 11 % avec le mAb114.

    Parmi les quelque 500 personnes dont les données ont été analysées (sur un total de 681 participants), la mortalité est tombée à 29 % avec le REGN-EB3 et à 34 % avec le mAb114, a détaillé Anthony Fauci. Chez les patients infectés récemment et traités suffisamment rapidement, le taux de mortalité chute respectivement à 6 % et 11 % pour le REGN-EB3 et le mAb114. Pour les personnes ne prenant aucun traitement, le taux de mortalité est compris entre 60 et 67 %. Ces deux traitements sont des anticorps monoclonaux qui agissent en neutralisant la capacité du virus à affecter d'autres cellules.

    Les patients qui recevaient deux autres traitements dans le cadre de l'étude, ZMapp et Remdesivir, pourront faire le choix de changer pour les deux médicaments précédemment cités ayant prouvé leur efficacité. Les taux de mortalité pour le ZMapp et le Remdesivir étaient respectivement de 49 % et 53 %. Les autorités américaines ont ajouté que l'analyse définitive des données récoltées serait réalisée fin septembre ou début octobre, et que les résultats complets seraient ensuite publiés.  

    Passer d'une maladie terrifiante à une maladie guérissable

    Selon Jeremy Farrar, directeur de la fondation britannique Wellcome Trust, cette avancée sauvera « sans aucun doute des vies. Plus nous en apprenons sur ces deux traitements, et la façon dont ils peuvent compléter la réponse sanitaire des autorités, dont la vaccination et la recherche des personnes ayant été en contact (avec les patients malades), plus nous nous rapprochons de la possibilité de faire passer Ebola d'une maladie terrifiante à une maladie évitable et guérissable », a-t-il estimé.

    Malgré tout, selon Anthony Fauci, si cette étude démontre qu'il est possible de « radicalement diminuer la mortalité », l'accent doit avant tout être mis sur la préventionprévention. « La meilleure façon d'arrêter l'épidémie, c'est avec un bon vaccin, de faire de bonnes recherches de contacts potentiels, l'isolement, et en fin de compte, le traitement », a-t-il souligné.

    Une jeune fille se fait vacciner contre Ebola par une infirmière à Goma, en République démocratique du Congo, le 7 août 2019. © Augustin WAMENYA - AFP/Archives
    Une jeune fille se fait vacciner contre Ebola par une infirmière à Goma, en République démocratique du Congo, le 7 août 2019. © Augustin WAMENYA - AFP/Archives

    Le NIH, les autorités sanitaires de République démocratique du Congo et l'Organisation mondiale de la santéOrganisation mondiale de la santé (OMS) ont pour leur part félicité l'équipe ayant mené cette étude « dans des conditions particulièrement difficiles. C'est grâce à ce type de recherches rigoureuses, vite mises en place, qu'il est possible d'identifier rapidement et avec certitude les meilleurs traitements, et de les intégrer à la réponse d'urgence à Ebola », ont-ils souligné.

    Plus de 1.800 personnes sont mortes de l'épidémie d'Ebola dans l'est de la République démocratique du Congo depuis un an. Le virus est transmis à l'Homme par certains animaux sauvages, puis entre humains par contacts directs et étroits, via les fluides corporels d'une personne malade. Son « taux de létalité » est très élevé : il tue en moyenne environ la moitié des personnes qu'il atteint, selon l'OMS.


    Ébola : un traitement efficace après l’apparition des symptômes

    Article de Janlou ChaputJanlou Chaput, publié le 22/08/2013

    Alors qu'on ne dispose d'aucun médicament efficace contre la fièvrefièvre ÉbolaÉbola, un mélange d'anticorps vient de sauver la vie à trois macaques infectés par le filovirusfilovirus, alors que les premiers symptômessymptômes étaient déjà apparus. Une première qui offre un réel espoir de traitement.

    On ne plaisante pas avec le virus Ébola. Tirant son nom du fleuve éponyme traversant la ville de Yambuku (actuelle République démocratique du Congo), d'où est partie la première épidémie en 1976, ce filovirus est l'un des pires pathogènespathogènes jamais rencontrés par l'Homme. Lors de certaines épidémies, toujours localisées en Afrique centrale, il a tué jusqu'à 90 % des personnes contaminées. Plus de 35 ans après sa découverte, il n'existe toujours aucun traitement contre la fièvre hémorragique et les diarrhéesdiarrhées violentes qu'il entraîne.

    Sur cette image, on comprend pourquoi le virus Ébola appartient à la famille des filovirus. S'il est quasiment synonyme de mort, l'espoir d'un traitement partiellement efficace permettrait de sauver des vies humaines. © Cynthia Goldsmith, CDC, DP
    Sur cette image, on comprend pourquoi le virus Ébola appartient à la famille des filovirus. S'il est quasiment synonyme de mort, l'espoir d'un traitement partiellement efficace permettrait de sauver des vies humaines. © Cynthia Goldsmith, CDC, DP

    Transmis par contact avec les fluides biologiques (sang, salivesalive, etc.), voire par aérosolsaérosols, il se multiplie très vite dans le corps et sature tous les organes et le système immunitaire, ce qui empêche l'organisme de réagir et de l'éliminer. Après cinq jours ou plus d'incubation, les premiers symptômes apparaissent. Parce qu'il dégrade tous les organes, des hémorragies aussi bien internes qu'externes se manifestent. Le patient est dans un état de grande faiblesse, et finit le plus souvent par s'éteindre.

    En octobre 2012, une équipe de chercheurs de l'US Army Medical Research Institute of Infectious Diseases (USAMRIID), dirigée par James Pettitt, publiait une étude dans Pnas, dans laquelle les scientifiques mettaient en évidence qu'un cocktail d'anticorps monoclonaux peut sauver tous les macaques infectés s'il est administré dans l'heure suivant l'infection. En réalité, les anticorps se fixent au virus et finissent par l'éliminer. De plus, ils reconnaissent également les cellules infectées, amenant le système immunitairesystème immunitaire à se débarrasser des brebis galeuses. Mais lorsque le délai passe à 48 heures, le taux de survie descend à 67 % (quatre singes sur six). L'efficacité chute donc au cours du temps.

    Trois macaques sauvés d’une infection à l’Ebolavirus

    Un résultat pour autant intéressant, bien que réalisé sur un faible échantillon de primatesprimates, mais qui ne colle pas forcément avec la réalité clinique. Car la maladie n'est diagnostiquée qu'après l'apparition des premiers symptômes. Ce traitement, composé de trois anticorps déjà connus individuellement pour leur efficacité contre le virus, peut-il soigner les malades avérés  ?

    Les anticorps monoclonaux sont des polypeptides en forme de Y dont les extrémités sont spécifiques à un antigène. Ainsi, les trois anticorps de ce médicament reconnaissent des régions particulières de l’<em>Ebolavirus</em> et contribuent à son élimination. © Anna Tanczos, Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0
    Les anticorps monoclonaux sont des polypeptides en forme de Y dont les extrémités sont spécifiques à un antigène. Ainsi, les trois anticorps de ce médicament reconnaissent des régions particulières de l’Ebolavirus et contribuent à son élimination. © Anna Tanczos, Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Affirmatif, nous précise leur dernière étude, parue dans Science Translational Medicine. Cependant, l'efficacité n'est que partielle. Dans cette expérience, 7 macaques ont été contaminés par le virus Ébolavirus Ébola Zaïre, la pire souche, celle tuant 90 % des patients. Entre 104 et 120 heures après inoculation, les premiers symptômes sont apparus et le médicament, affublé du nom de code MB-003, a été injecté par intraveineuse.

    Quatre des singes sont morts, les trois autres ont survécu. Un taux de survie de 43 %, soit une baisse d'efficacité en regard de l'expérience réalisée après 48 heures de contaminationcontamination, mais toujours mieux que les 10 % actuellement observés lors des épidémies. Deux des survivants n'ont présenté que des symptômes modérés, le troisième ayant subi toute la virulence du pathogène.

    Un potentiel traitement crédible contre la fièvre Ébola

    Point important : il semblerait qu'aucun animal n'ait manifesté un quelconque effet secondaire. Une donnée intéressante et importante dans le cas d'une applicationapplication chez l'Homme, car c'est bel et bien le but. Malgré tout, des tests d'innocuité restent encore à réaliser chez le primate avant de passer à des volontaires humains, une fois l'accord des autorités sanitaires obtenu.

    L'autre intérêt de ce traitement serait son coût de fabrication. Les trois anticorps (13C6, 13F6 et 6D8) sont synthétisés en série par des cellules de tabac. Les auteurs disent pouvoir fournir en deux semaines suffisamment de médicaments pour en apporter sur les lieux d'une épidémie, à un prix très abordable. Mais avant cela, il reste des années de tests préalables...