Les mécanismes neuronaux du stress et de la dépression sont intrinsèquement liés. Comment tout cela s'orchestre-t-il ? Quels sont les vrais liens que nous connaissons entre stress et dépression ? Et grâce à cette connaissance, que pouvons-nous faire pour nous en défaire ?


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    Pour bien comprendre les liens subtils qui unissent stress et dépression, il faut d'abord savoir de quoi on parle. Le stress est un mécanisme de défense de l'organisme. L'hypothalamus, maison mère de nos émotions et de nos hormones, prévient le cerveau lorsque le niveau d'hormones du stress, telles que le cortisol, augmente dans le sang. S'ensuit une cascade de mécanismes complexes au sein de nos neuronesneurones qui vont faire aboutir trois actions possibles : le combat, la fuite ou la pétrificationpétrification. Si le stress est vital pour survivre à des dangers, lorsqu'il est chronique il détruit notre cerveau à petit feufeu. La dépression n'est pas une question de volonté. C'est une maladie réelle dont on connaît encore mal les causes physico-chimiques. Elle entraîne le malade dans un état quasi végétatif, altérant ses liens sociaux, professionnels, personnels et son envie de vivre. C'est le premier facteur de risquefacteur de risque de suicide. 

    Le stress : un enfant capricieux

    Afin de mieux appréhender ces mécanismes complexes, racontons une histoire. Imaginons le cerveau comme deux jeunes parents qui viennent de donner naissance à leur premier enfant. Ce dernier jouera le rôle du stress. Pendant les premières années de la vie, si l'on en croit les témoignages de nombreux parents, avoir un enfant est un véritable parcours du combattant. Aucun répit n'est possible. Et quand il y en a, il est loin d'être suffisant. Et bien voilà comment les messagers chimiques du stress agissent sur le cerveau. Ils le harcèlent, ne lui laissent pas le temps de se reposer, ce qui permet à la dépression de se développer aisément. La plasticité des neurones diminue, ces derniers sont altérés par ces surstimulations et cela peut donner lieu à des cercles vicieux dangereux. 

    Le stress harcèle votre cerveau, ne lui laisse pas assez de répit, ce qui engendre une perte de plasticité neurone qui conduit à la dépression. © ipopba, Fotolia
    Le stress harcèle votre cerveau, ne lui laisse pas assez de répit, ce qui engendre une perte de plasticité neurone qui conduit à la dépression. © ipopba, Fotolia

    Comment s'en sortir ? 

    Les cercles vicieux se forment selon la stratégie « de coping », ou stratégie « pour faire face » (en psychologie), que l'on va mettre en place pour répondre à un problème donné. Les dangers sont le déni, l'isolement et les droguesdrogues. Explications. 

    Le déni nous enferme d'autant plus dans le problème étant donné que l'on refuse de le voir et de l'accepter comme étant une réalité. Cela étant, on ne peut pas avancer et encore moins guérir. L'isolement entraîne la sécrétionsécrétion d'hormones qui entretiennent cette sensation de mal-être là où bouger, voir du monde, se changer les idées, générera des émotions et des sécrétions hormonales positives. Enfin, les drogues alimentent le cercle vicieux du stress chronique et de la dépression. Si boire un verre, fumer une cigarette ou consommer des stupéfiants nous soulagera de ce stress sur le moment, la pratique nous enferme dans une boucle qui rend cette dernière seule détentrice de notre bien-être. La culpabilité nous ronge, on se sent faible et incapable, la dépression se fait d'autant plus sentir, le stress revient de plus belle et la consommation ne fait qu'empirer. Dean Burnett, neuroscientifque donne trois phrases clés pour essayer de vaincre ces mécanismes de défense qui ne sont que des leurres : « Affrontez vos peurs. Soyez plus actif. Regardez ce que vous buvez. » Si vous avez besoin d'aide, consultez un médecin et entourez-vous de personnes de confiance. Surtout, sachez que vous n'êtes pas seul(e) et que vous n'êtes pas faible.


    Dépression liée au stress : le développement des neurones en cause

    Un stress subi dans les premières années de la vie peut avoir des répercussions sur la personne une fois devenue adulte. Selon des chercheurs américains, ce serait le résultat d'un développement neuronal altéré.

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer, publié le 3 décembre 2018

    Des chercheurs de l'université de Brown (États-Unis) ont étudié des souris mises en situation de stress dans les premiers jours de leur vie. Une fois rendues à une vie plus apaisée, seules les femelles ont montré des signes de troubles du comportement. Un peu comme on peut l'observer chez l'être humain. La dépression et l'anxiété ainsi que les autres problèmes liés au stress touchent deux fois plus de femmes que d'hommes.

    Pour comprendre, les chercheurs ont examiné le cortexcortex orbitofrontal de leurs souris. La partie du cerveau responsable de la prise de décision, liée spécifiquement à la compréhension des émotions et au respect des règles. Ils y ont trouvé, chez les souris femelles initialement stressées, un déficit en neurones et plus spécifiquement, en interneuronesinterneurones à parvalbumine. Comme chez des patients déprimésdéprimés.

    Selon l’étude des chercheurs de l’université de Brown, le cerveau des petites filles soumises à un stress pendant les premières années de leur vie se développerait différemment de celui des autres, les prédisposant à la dépression. © Greyerbaby, Pixabay, CC0 Creative Commons
    Selon l’étude des chercheurs de l’université de Brown, le cerveau des petites filles soumises à un stress pendant les premières années de leur vie se développerait différemment de celui des autres, les prédisposant à la dépression. © Greyerbaby, Pixabay, CC0 Creative Commons

    Un développement guidé par le stress

    Les chercheurs se demandent maintenant quel mécanisme bloque le développement de ces interneurones. Et ce, d'une manière ciblée sur un seul sexe. Peut-être les populations spécifiques de neurones sont-elles plus ou moins sensibles du fait de changements hormonaux précoces ou sous l'influence de gènesgènes spécifiques au sexe, de calendriers de maturation cérébrale différents ou encore d'attention inégale portée par la mère.

    « Le stress des premières années ne brise pas le cerveau, mais l'encourage à un développement différent », explique le professeur Kevin Bath. Les enfants qui grandissent en zone de guerre développent ainsi un cerveau plus attentif au danger. Mais ces traits peuvent leur devenir dommageables, une fois revenus à une vie plus sereine. Et les travaux des chercheurs de l'université de Brown pourraient aider à trouver des solutions pour réduire l'impact du stress sur le cerveau en début de vie.


    Dépression liée au stress : une histoire de neurones et de récepteurs

    Des souris dépourvues des récepteurs à la corticostérone, l'hormone du stress, dans certains neurones se sont montrées bien meilleures pour lutter contre la dépression. Cette découverte constitue une piste intéressante pour développer de nouveaux médicaments contre les troubles de l'humeur.

    Article du CNRS paru le 23/01/2013

    Chez les vertébrésvertébrés, le stress déclenche une libération rapide d'hormones glucocorticoïdes, la corticostérone chez les rongeursrongeurs ou le cortisol chez l'Homme. Cette hormone modifie l'expression de nombreux gènes de façon à ce que l'individu puisse répondre au mieux à la cause du stress. Cependant, un stress chronique ou excessif peut conduire à la dépression, à l'anxiété et à des troubles du comportement social. Comprendre les mécanismes impliqués est un enjeu important pour le traitement des maladies psychiatriques liées au stress.

    Les chercheurs soupçonnaient déjà que l'apparition de symptômessymptômes dépressifs causés par le stress mettait en jeu aussi bien l'hormone du stress que les neurones à dopamine, libérant ce neurotransmetteurneurotransmetteur central dans le contrôle de l'humeur. Pour mieux comprendre cette imbrication, des scientifiques du CNRS, de l'Inserm et de l'UPMC ont soumis un groupe de souris à des attaques répétées par des congénères plus forts et agressifs. Leurs conclusions sont publiées dans Science.

    Pas de récepteur à la corticostérone, moins de stress

    Résultat : au bout d'une dizaine de jours, les souris présentaient des signes d'anxiété et une forte aversion sociale. En effet, devant un congénère nouveau, les rongeurs agressés préféraient éviter tout contact. Cette aversion sociale est considérée comme un marqueur de la dépression.

    Chez les souris, les récepteurs à corticostérone des neurones à dopamine sont impliqués dans la dépression. Est-ce semblable chez l'Homme ? © Rama, cc
    Chez les souris, les récepteurs à corticostérone des neurones à dopamine sont impliqués dans la dépression. Est-ce semblable chez l'Homme ? © Rama, cc

    Les chercheurs ont reproduit l'expérience, mais cette fois avec diverses lignées de souris chez lesquelles le récepteur de la corticostérone était absent dans certaines populations de neurones. Ils ont ainsi découvert que les souris dépourvues de ce récepteur dans les neurones sensibles à la dopaminedopamine ne développaient pas d'aversion sociale. Bien qu'anxieuses à la suite d'attaques répétées, elles ne fuyaient pas pour autant le contact avec leurs congénères. Ces rongeurs étaient donc plus résilientsrésilients, c'est-à-dire plus résistants au stress, que les souris « sauvages ».

    La dépression implique les neurones sensibles à la dopamine

    En réponse à une agression, on observe toujours une libération de dopamine. Or, les scientifiques ont remarqué que chez les souris dépourvues du récepteur de la corticostérone dans les neurones sensibles à la dopamine, cette libération était fortement diminuée. Chez une souris normale, ces cellules nerveuses particulières contrôlent donc, par un mécanisme de rétrocontrôle, la libération du neurotransmetteur. 

    Pour montrer que ce relargagerelargage de dopamine cause le développement de l'aversion sociale, les chercheurs ont bloqué l'activité des neurones producteurs de dopamine. Ainsi, chez les souris agressées, l'intérêt pour leurs congénères était restauré. L'activité dopaminergique est donc cruciale pour l'apparition d'une aversion sociale.

    Cette étude montre le rôle important de l'hormone de stress dans l'apparition d'une aversion sociale induite par des traumatismes répétés. Plus généralement, elle dévoile en partie les mécanismes neurobiologiques et la cascade de réactions qui sous-tendent l'apparition de dépression. Ces résultats pourraient mener à de nouvelles pistes thérapeutiques pour traiter la dépression en révélant des cibles alternatives pour des médicaments, notamment au niveau du système dopaminergique.