Alors que l’OMS vient d’estimer que le MERS-CoV n’était pas encore une urgence de santé publique de portée internationale, une étude canadienne suggère que les pèlerinages vers l’Arabie Saoudite et le Moyen-Orient en général pourraient constituer une menace de pandémie importante, surtout vers les pays pauvres.

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    Le coronavirus MERS-CoV continue à infecter régulièrement de nouvelles personnes en Arabie Saoudite. Ce pays accueille et accueillera encore un grand nombre de pèlerins musulmans. Faut-il craindre une pandémie mondiale ensuite ? Les avis sont encore un peu partagés. © NIAID, RML, DP

    Le coronavirus MERS-CoV continue à infecter régulièrement de nouvelles personnes en Arabie Saoudite. Ce pays accueille et accueillera encore un grand nombre de pèlerins musulmans. Faut-il craindre une pandémie mondiale ensuite ? Les avis sont encore un peu partagés. © NIAID, RML, DP

    Difficile de lire l'avenir, même lorsqu'on dispose de signaux indicateurs. En effet, les suites de l'épidémie de coronavirus MERS-CoV sont encore impossibles à prévoir, malgré les données épidémiologiques passées et les premières études fournies sur le pouvoir de contagion du pathogène. Pour l'heure, l'OMS comptabilise au 21 juillet 90 personnes infectées, réparties dans 10 pays, principalement au Moyen-Orient, parmi lesquelles 45 sont mortes. Avec un taux de mortalité avoisinant les 50 %, les inquiétudes sont vives concernant le MERS-CoV.

    Réunis par téléconférence sous l'égide de l'OMS, des représentants de huit des pays touchés (dont la France) se sont entretenus au sujet du coronavirus le 17 juillet dernier. À l'unanimité, il a été convenu qu'à partir des informations disponibles et des techniques classiques de prévision des risques, il ne fallait pas déclencher un état d'urgence sanitaire à l'échelle mondiale.

    Du moins pas encore. Car une étude parue dans Plos Currents Outbreaks laisse entendre que les risques de dissémination pourraient être plus importants que prévu, alors que des pèlerinages massifs sont programmés dès à présent et dans les mois à venir en Arabie Saoudite, principal territoire affecté avec 70 malades. Beaucoup des voyageurs attendus repartiront ensuite depuis l'épicentreépicentre de l'épidémie vers des territoires pauvres, dans lesquels les politiques sanitaires ne permettront peut-être pas de détecter assez tôt et de placer rapidement en quarantaine les éventuels malades.

    Des pèlerinages à placer sous haute surveillance

    Ce travail a été diligenté par Kamran Khan, un épidémiologiste affilié à l'université de Toronto et connu pour avoir conçu un outil web permettant de prédire l'expansion des maladies à partir des transports aériens, appelé BioDiaspora. Il est utilisé par les CDC américains (Centers for Disease ControlCenters for Disease Control and Prevention) ou l'OMS, entre autres pour estimer les risques de pandémie que représentent de forts regroupements de personnes, comme les Jeux olympiques ou les pèlerinages vers La Mecque.

    Le hajj, le célèbre pèlerinage musulman à La Mecque, concentre des millions de pèlerins. Les risques d'épidémie de MERS-CoV à la suite de ce rassemblement sont importants. Vigilance donc. © Al Jazeera English, Wikimedia Commons, cc by 2.0

    Le hajj, le célèbre pèlerinage musulman à La Mecque, concentre des millions de pèlerins. Les risques d'épidémie de MERS-CoV à la suite de ce rassemblement sont importants. Vigilance donc. © Al Jazeera English, Wikimedia Commons, cc by 2.0

    Il faut savoir que des croyants du monde islamique sont invités à participer à l'umrah, qu'il est possible de faire toute l'année mais qu'on considère opportun de réaliser durant le jeûne du ramadan (du 9 juillet au 7 août cette année). D'autre part, le célèbre hajj (13 au 18 octobre) qui se tient à La Mecque mais aussi à Médine, est une réunion annuelleannuelle à laquelle tous les musulmans qui en ont les moyens (physiquesphysiques et financiers) doivent participer au moins une fois dans leur vie. Cette année, trois millions de pèlerins sont attendus.

    Les autorités sanitaires mondiales craignent d'ores et déjà les conséquences de ces grands rendez-vous. Quant à Kamran Khan et ses équipes, ils se sont focalisés sur les voyages en avion effectués entre juin et novembre 2012 depuis l'Arabie Saoudite, la Jordanie, le Qatar et les Émirats Arabes Unis, pour estimer les risques d'expansion de l'épidémie à de nouveaux territoires.

    À défaut de savoir le guérir, prévenir l’infection par MERS-CoV

    L'expérience malheureuse du Sras devrait servir à mieux contrôler la situation cette fois-ci. Mais les résultats montrent qu'il y a malgré tout des différences. Si à l'époque les voyageurs partaient principalement vers des pays riches, dans lesquels les dépenses de santé par habitant sont élevées et donc la possibilité de détecter l'infection à temps plus grande, cette fois les pays pauvres pourraient être sévèrement touchés.

    En effet, l'analyse des données a révélé que deux tiers des pèlerins vivent dans des territoires modestes. En tout, un tiers des vols commerciaux au départ des quatre pays du golfe Persique précédemment cités rejoignaient l'Inde, le Pakistan, le Bangladesh, l'Afghanistan et le Népal. Or, les auteurs s'interrogent sur les moyens dont disposent ces pays pour détecter à temps le coronavirus MERS-CoV chez les personnes malades. Le virusvirus étant potentiellement capable de se transmettre d'Homme à Homme, les autorités sanitaires pourraient vite perdre le contrôle.

    Le monde de la recherche appelle à pister le virus depuis les pays du Moyen-Orient, avant le départ des passagers, plutôt qu'aux aéroports d'arrivée, les études précédentes révélant que ce premier procédé était plus efficace. Pour l'heure, on ignore encore l'origine de MERS-CoV. Les pèlerins peuvent donc être infectés par le coronavirus depuis un vecteur inconnu, ou par une personne de la région elle-même contaminée. Une nouvelle fois, le vieil adage rappelant qu'il vaut mieux prévenir que guérir prend tout son sens.