La cigarette électronique, de plus en plus à la mode en France, va faire l’objet d’une évaluation afin de déterminer l’intérêt d’un tel produit pour arrêter de fumer. Différents spécialistes s’inquiètent des risques potentiels d’une consommation régulière, car son introduction sur le marché est récente et l'on manque encore de recul.

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    La cigarette électronique est de plus en plus utilisée en France pour arrêter de fumer, mais nous manquons de recul pour estimer son efficacité. Des recherches permettront de déterminer l'intérêt d'un tel appareil pour le sevrage tabagique. © Jakemaheu, Wikipédia, DP

    La cigarette électronique est de plus en plus utilisée en France pour arrêter de fumer, mais nous manquons de recul pour estimer son efficacité. Des recherches permettront de déterminer l'intérêt d'un tel appareil pour le sevrage tabagique. © Jakemaheu, Wikipédia, DP

    L'engouement récent pour la cigarette électronique a conduit les autorités sanitaires à annoncer mardi une évaluation de ce produit de consommation courante qui suscite de sérieuses réticences chez les tabacologues. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a annoncé sur France Info avoir « commandé une enquête » à ses services sur l'e-cigarette, utilisée par un nombre croissant de personnes pour arrêter de fumer, aux fins d'une évaluation bénéfices/risques.

    La ministre a estimé qu'il fallait faire « preuve de prudence » face à ce produit qui aurait un demi-million d'amateurs en France, d'après les chiffres fournis par les fabricants. L'ampleur du phénomène reste toutefois difficile à évaluer, car une bonne part des ventes se fait sur InternetInternet et auprès de fournisseurs étrangers.

    Quelle efficacité pour arrêter de fumer ?

    Depuis l'interdiction de fumer dans les lieux publics, l'e-cigarette s'est imposée comme une alternative à la cigarette classique dont elle reproduit l'apparence, mais en émettant une vapeur inoffensive pour l'entourage.

    Inventé en Chine en 2005, l'appareil présente à son extrémité une diode simulant visuellement la combustioncombustion et contient une cartouche dont la solution s'échauffe au contact d'une résistancerésistance. Des flacons d'« e-liquidesliquides », composés de propylène glycol ou de glycérolglycérol, de divers arômes et éventuellement de nicotine, permettent de recharger la cartouche usagée.

    Son efficacité pour arrêter de fumer comme sa nocivité font toutefois l'objet d'un vaste débat chez les tabacologues. Si certains conviennent que l'e-cigarette est vraisemblablement moins nocive que la vraie cigarette, la plupart relèvent qu'ils ne disposent pas de suffisamment d'études à ce stade pour se prononcer.

    Réelle aide antitabac ? Bonne affaire pour les poumons ? Les questions autour de l'efficacité et de la nocivité de la cigarette électronique abondent. Et trouveront leurs réponses au terme d'une évaluation demandée par Marisol Touraine, ministre de la Santé. © Dawid Zagorski, shutterstock.com

    Réelle aide antitabac ? Bonne affaire pour les poumons ? Les questions autour de l'efficacité et de la nocivité de la cigarette électronique abondent. Et trouveront leurs réponses au terme d'une évaluation demandée par Marisol Touraine, ministre de la Santé. © Dawid Zagorski, shutterstock.com

    Un manque de recul criant

    « Nous n'avons pas assez de recul », reconnaît le professeur Bertrand Dautzenberg, spécialiste des poumons à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, qui souligne qu'il n'existe actuellement aucune étude sur des patients utilisant le produit depuis plus de six mois. « Ma recommandation est que si vous êtes un gros fumeur, c'est peut-être bien de passer à la cigarette électroniquecigarette électronique, mais ne l'utilisez pas trop longtemps », ajoute-t-il.

    Même réticence chez le docteur Yves Nadjari, cardiologuecardiologue tabacologue attaché à l'hôpital Cochin à Paris : « Si quelqu'un a réussi à arrêter de fumer avec la cigarette électronique, c'est bien, mais on déconseille aux gens de mettre un pied dans la cigarette électronique ». La tabacologue Nadia Lahlou renchérit : « Nous avons très peu de données sur son impact sur la santé à court, moyen et long termes. »

    La cigarette électronique, un médicament ?

    L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) recommande elle aussi depuis 2011 de ne pas utiliser les cigarettes électroniques, soulignant que selon leur concentration en nicotine, elles peuvent être considérées comme des médicaments ou des produits de consommation courante.

    Aucun fabricant n'a à ce jour déposé de demande d'autorisation de mise sur le marchéautorisation de mise sur le marché en tant que médicament, relève l'agence. Les cigarettes électroniques sont interdites à la vente en pharmacie, car elles ne figurent pas sur la liste des produits qui peuvent être délivrés par les pharmacienspharmaciens. « J'ai demandé à mes services de me dire très précisément de quel type de produits il s'agit », a indiqué Marisol Touraine mardi matin, sans préciser à qui l'enquête avait été confiée.

    L’e-cigarette pour commencer à fumer ?

    Pour le professeur Dautzenberg, il faudrait créer une « catégorie spéciale » pour les produits autres que le tabac contenant de la nicotine et interdire leur vente aux mineurs. Car la principale crainte des tabacologues interrogés est que la cigarette électronique devienne un produit d'initiation pour les jeunes. Le professeur Dautzenberg souligne que selon une étude récente réalisée à Paris, 64 % des jeunes de 12 à 14 ans qui avaient essayé l'e-cigarette n'avaient encore jamais fumé auparavant.

    Dès 2008, l'Organisation mondiale de la santéOrganisation mondiale de la santé (OMS) avait estimé que ces cigarettes ne pouvaient pas être considérées comme une thérapie légitime permettant d'aider les fumeurs pour le sevrage tabagique. Elles sont déjà interdites dans plusieurs pays, dont la Turquie, le Brésil, l'Argentine et Singapour.