Quelques mois après le terrible séisme qui frappait Haïti en janvier 2010, une épidémie de choléra particulièrement violente touchait l’île, faisant plus de 7.500 morts. Pourquoi cette souche de Vibrio cholerae s’est-elle montrée plus virulente que ses cousines ? La faute à trois mutations qui changent le comportement infectieux de la bactérie.

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    Vibrio cholerae est une bactérie qui n'est pas systématiquement pathogène. Mais quand elle se montre symptomatique, elle peut emporter un être humain en quelques heures. © Zeimusu, Wikipédia, DP

    Vibrio cholerae est une bactérie qui n'est pas systématiquement pathogène. Mais quand elle se montre symptomatique, elle peut emporter un être humain en quelques heures. © Zeimusu, Wikipédia, DP

    Haïti, le 12 janvier 2010. Un violent séisme de magnitudemagnitude 7,3 frappe l'île des Antilles. Les dégâts sont colossaux, les victimes nombreuses. Malgré l'aide internationale, la situation sanitaire se dégrade. À partir du mois d'octobre, une épidémie de choléra se déclare. Deux ans plus tard, le bilan fait état de 7.500 victimes, à cause de cette maladie intestinale induite par la bactérie Vibrio cholerae.

    Cette souche qui sévit encore, surnommée altered El TorTor, descend d'une forme apparue en 1961 en Indonésie, à l'origine de la septième pandémie de choléra. Cette souche est plus virulente que ses cousines et peut emporter un Homme plus rapidement. De ce fait, elle ressemble davantage aux bactéries responsables des premières pandémies au début du XIXe siècle. Pourquoi ?

    Une étude de la Northwestern University (Evanston, États-Unis) vient d'analyser le génome d'altered El Tor et y a peut-être trouvé la réponse. Selon les scientifiques, trois gènesgènes à l'origine des toxinestoxines bactériennes ont muté et changent le comportement infectieux de Vibrio cholerae. Un résultat qui bouleverse la vision que les microbiologistes avaient de l'agent pathogènepathogène.

    Une souche de choléra qui n’infecte pas comme les autres

    Ce travail, publié dans mBio, a été dirigé par Karla Satchell, qui travaille depuis des années sur une toxine particulière de la bactérie, nommée MARTX. Celle-ci est indispensable au microbe pour bloquer le système immunitairesystème immunitaire et s'installer dans l'intestin. Pourtant, point de MARTX efficace dans la souche haïtienne, si l'on en croit les études. Une donnée étrange qui poussa la scientifique à s'intéresser de plus près au problème.

    À cause du séisme en Haïti, le pays a été en grande partie détruit et les conditions sanitaires ont empiré. Le bacille du choléra aurait été involontairement amené par des soldats népalais venus aider les populations. La bactérie se transmet alors bien souvent par l'absorption d'eau contaminée. L'épidémie aurait fait au moins 7.500 victimes. © <em>United Nations Photo</em>, Fotopedia, cc by nc nd 2.0

    À cause du séisme en Haïti, le pays a été en grande partie détruit et les conditions sanitaires ont empiré. Le bacille du choléra aurait été involontairement amené par des soldats népalais venus aider les populations. La bactérie se transmet alors bien souvent par l'absorption d'eau contaminée. L'épidémie aurait fait au moins 7.500 victimes. © United Nations Photo, Fotopedia, cc by nc nd 2.0

    Le génome de la bactérie a été scruté de près. L'analyse révèle quelques étrangetés intéressantes. D'abord, la principale toxine responsable de la diarrhée causée par le choléra a acquis des changements qui la rapprochent beaucoup plus des formes retrouvées dans les épidémies du début du XIXe siècle, connues pour leur agressivité. D'autre part, il y a bien cette mutation qui inactive MARTX.

    Comme cette protéineprotéine est indispensable à la survie du micro-organisme au sein de son hôte, les auteurs suspectent une troisième mutation, qu'ils n'ont pas identifiée et qui permettrait à la bactérie d'échapper au système immunitaire. Ces mutations changent donc inéluctablement le comportement de Vibrio cholerae, ce qui n'avait pas été envisagé jusque-là. En effet, les scientifiques pensaient que toutes les souches étaient dotées d'une même architecture de base et que seules quelques modifications pouvaient atténuer ou accentuer les symptômessymptômes, mais aucunement changer le mécanisme d'infection.

    Une épidémie qui viendrait de l’Himalaya

    D'autre part, ce travail confirme les résultats des autres études, qui avaient établi que la souche venait du Népal. En réalité, l'histoire raconte même que ce sont des soldats népalais venus porter secours à la population qui, involontairement bien sûr, auraient amené le pathogène. Avant d'arriver sur les hauteurs de l'Himalaya, altered El Tor serait partie d'Inde en 2007, puis se serait propagée au Bangladesh voisin et au Cameroun.

    Même s'il est presque impossible de distinguer cette souche de ses cousines, les quelques petites différences à l'échelle moléculaire entraînent de lourdes conséquences à l'échelle humaine. Ainsi, altered El Tor dispose de caractéristiques d'infection uniques qu'on n'avait encore jamais soupçonnées. Le mystère commence donc peu à peu à être levé.