Si les algorithmes ne sont pas encore fréquemment rencontrés en cancérologie, ils sont inéluctablement promis à un bel avenir. Dans la fibrose hépatique, stade annonciateur du cancer du foie, ils sont déjà utiles, comme l'explique Thierry Poynard lors du congrès Eurocancer.

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    Les mathématiques, l'un des outils les plus merveilleux de l'Homme. Bien qu'elles inspirent la peur chez certains, elles constituent une aide fantastique à plusieurs titres. À tel point que les algorithmes statistiques pourraient devenir, dans un avenir pas si éloigné, une arme diagnostique et pronostique de plus en plus utilisée par les cancérologuescancérologues.

    Lors du congrès Eurocancer, qui se tient ce mardi 25 et mercredi 26 juin à Paris, tout le public venu assister à la présentation de Thierry Poynard, spécialiste d'hépatologie à la Pitié-Salpêtrière, semblait convaincu de l'importance que prendront les outils statistiques dans les années à venir. La recherche contre le cancer pourrait bien s'inspirer du Fibrotest développé par le médecin parisien, une technique qui s'impose peu à peu et remplace les biopsies invasives pratiquées jusqu'ici.

    Des biopsies dépassées par les mathématiques

    Jusque dans les années 1990, les prélèvements d'échantillons de foie étaient couramment pratiqués et étaient devenus la référence pour déterminer l'avancée des lésions hépatiques. Malgré tout, ils étaient loin d'être infaillibles : ils signalaient 25 % de faux positifs (tests positifs à tort) ou faux négatifs (tests négatifs à tort), des chiffres très importants.

    Cependant, toutes ces biopsies ont permis de mettre en évidence la dynamique de la progression des fibroses, étapes préliminaires à tout cancer du foie. En associant ces prélèvements avec l'analyse des paramètres sanguins, Thierry Poynard et ses collègues ont pu in fine déterminer les biomarqueurs qui caractérisaient chacune de ces phases.

    Alors qu'auparavant il fallait effectuer une biopsie (et donc prélever un échantillon de foie) pour déterminer d'éventuelles lésions hépatiques, le Fibrotest permet d'aboutir à des résultats plus précis par une simple prise de sang. © Sil63, StockFreeImages.com

    Alors qu'auparavant il fallait effectuer une biopsie (et donc prélever un échantillon de foie) pour déterminer d'éventuelles lésions hépatiques, le Fibrotest permet d'aboutir à des résultats plus précis par une simple prise de sang. © Sil63, StockFreeImages.com

    La difficulté réside dans le choix des moléculesmolécules ciblées, car elles doivent être suffisamment spécifiques. Dans le Fibrotest par exemple, les chercheurs ont opté pour la mesure de la bilirubine totale, qui peut révéler un état de fibrose avancé. Les gamma GTgamma GT sont des enzymesenzymes hépatiques qui marquent la présence d'une fibrose précoce. En revanche, les transaminases, bien trop sensibles, ne peuvent faire office de biomarqueurs. C'est de là qu'est né un test qui, par les statistiques, exprime les risques de déclarer la maladie et permet un meilleur suivi des patients afin de faire reculer la fibrose.

    Généraliser les algorithmes à tous les cancers

    Ces algorithmes ne sont pourtant pas infaillibles. C'est pourquoi il est recommandé de les utiliser en complément de modalités plus classiques, comme l'imagerie médicale, pour déterminer avec plus de précision l'avancée des lésions. Depuis quelques années maintenant, le Fibrotest s'impose comme la nouvelle référence en matièrematière de prévention du cancer du foie, au détriment de la biopsie, en France. Pour le conférencier, l'utilisation de cet algorithme pourrait diviser par deux la mortalité liée aux pathologies hépatiques.

    L'idée inspire évidemment les autres chercheurs, qui espèrent développer des outils mathématiques capables de leur fournir des informations précieuses sur les risques d'occurrence de cancer ou les chances de réponse aux traitements. Car l'hétérogénéité des tumeurs complique le travail des médecins, qui ne parviennent pas toujours à déterminer les thérapies les plus appropriées à chaque cas. En fonction des marqueurs circulants ou génétiquesgénétiques, l'idée serait de généraliser les algorithmes et de les affiner au fur et à mesure, pour aboutir à un traitement personnalisé et adapté à chaque cas.

    Mais la tâche est ardue, et elle s'avère aussi longue et méthodique que la mise sur le marché d'un médicament. Or, comme toujours, si beaucoup de candidats sont au départ, seule une petite partie finit un jour dans les pharmacies. La cancérologiecancérologie n'est pas encore à la pointe pour les algorithmes mathématiques. Mais inéluctablement, la lutte contre le cancer dans les années à venir passera par l'amélioration des diagnostics et des pronostics grâce à l'essor des tests statistiques.

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    Image du site Futura Sciences

    Parce que le monde de la recherche est parfois un peu obscur, Futura-Sciences veut être l'un des relais entre l'universunivers des spécialistes et le grand public. C'est à ce titre que nous sommes présents à l'événement Eurocancer, les 25 et 26 juin au Palais des congrès de Paris, le plus grand congrès francophone sur le cancer. Et nous ne sommes pas revenus les pages vides...