Le cancer se développe à partir d'une seule cellule endommagée suite à l'accumulation d'erreurs génétiques dans plusieurs de ses gènes. La nature des altérations mais aussi l'ordre de leur survenue sont distinctes d'un cancer à l'autre : il existe ainsi plusieurs "chemins" susceptibles de conduire à un cancer.

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    Des chercheurs du CNRS et de l'INSERM à l'Institut Curie viennent de découvrir une nouvelle voie de développement tumoraltumoral dans le cancer du côlon, l'une des tumeurs les plus fréquentes (35 000 nouveaux cas par an en France).

    Cette voie totalement indépendante du gène APC, que l'on associe généralement à ce cancer, fait intervenir une mutation du gène k-ras.
    Ces travaux sont présentés dans la revue Gastroenterology d'août 2002.

    Le cancer est une maladie du fonctionnement même de nos cellules qui, progressivement, perdent le contrôle de leur prolifération, deviennent immortelles et se développent de manière anarchique dans l'organisme.

    Le point de départpoint de départ de ce processus est l'altération du matériel génétiquematériel génétique d'une cellule. Toutes les mutations ne sont toutefois pas susceptibles d'entraîner la formation d'un cancer. Un des gènes qui régulent les processus vitaux de la cellule (division, différenciation, réparation ou apoptose) doit être "touché". De plus, une seule mutation n'est pas suffisante pour transformer une cellule saine en cellule cancéreuse. Le cancer résulte donc d'une succession d'accidents génétiques.

    Mutations et cancer

    Le développement tumoral nécessite conjointement l'activation d'un oncogèneoncogène*, donnant lieu à une prolifération incontrôlée de la cellule, et l'inactivation d'un gène suppresseur de tumeursuppresseur de tumeur* qui déjoue la destruction par apoptose* des cellules endommagées.

    * Les termes suivis de * sont définis dans le glossaire dans les informations complémentaires.

    Afin de mieux comprendre ce processus long et extrêmement complexe mais aussi ouvrir de nouvelles voies thérapeutiques, il est crucial d'élucider les diverses étapes de la progression tumorale, depuis la mutation initiale jusqu'à la tumeur.

    En analysant les tumeurs du côlon d'un point de vue moléculaire, plusieurs gènes impliqués dans la cancérogenèsecancérogenèse ont déjà pu être mis en évidence :

    • le gène APC (Adenomatous Polyposis Coli), dont la fonction est encore mal comprise, muté dans 80 % des cancers du côlon ;
    • l'oncogène k-ras, acteur de la prolifération cellulaire, muté dans 50 % des cancers coliquescoliques ;
    • le gène DCC (Deleted in Colon Carcinoma), codant pour une protéineprotéine transmembranaire, altéré dans 70 % des tumeurs coliques ;
    • le gène suppresseur de tumeur p53p53, acteur clé de l'apotose, muté dans 70 % des cancers du côlon.

      Si des doutes persistent quant à l'ordre chronologique de la survenue des mutations, l'altération du gène APC est souvent décrite comme initiatrice de la cancérogenèse : une fois muté, il déclencherait la prolifération excessive des cellules, marquant ainsi le début du développement tumoral.

      A l'Institut Curie, l'équipe "MorphogenèseMorphogenèse et signalisation cellulaires" dirigée par le Pr Daniel Louvard (1) travaille sur la compréhension de ces phénomènes dans le cancer du côlon et s'intéresse en particulier à l'oncogène k-ras (voir informations complémentaires) afin de comprendre son rôle dans les événements conduisant à ce type de cancer.

      Une souris transgénique, modèle du développement tumoral

      Pour étudier l'impact d'une mutation du gène k-ras dans les cellules de l'intestin, Sylvie Robine (2) et Klaus-Peter Janssen, de l'équipe de Daniel Louvard, ont mis au point un modèle animal transgéniquetransgénique : des souris dans lesquelles a été introduit le gène k-ras muté.
      Par des raffinements techniques (en associant k-ras muté au promoteur du gène de la villine (3) qui ne s'exprime que dans les cellules intestinales), la protéine KRas issue du gène muté n'est donc exprimée que dans les cellules de l'intestin, ce qui permet d'obtenir un excellent modèle pour étudier le développement des tumeurs coliques. En outre, contrairement aux modèles mis au point jusqu'à présent, le gène k-ras muté est exprimé dans l'ensemble des cellules de la muqueusemuqueuse intestinale, des cellules souchescellules souches aux cellules différenciées.

      Au bout de quelques mois, 80 % des souris transgéniques développent des cancers intestinaux et ce en l'absence de toute mutation d'APC.
      Il s'agit d'une première puisque jamais auparavant des modèles transgéniques "ras" n'avaient développé de tels cancers. Ce qui avait conduit à un modèle génétique du cancer du côlon, désormais fortement compromis, où les mutations de k-ras ne pouvaient avoir lieu qu'après celles du gène APC (4).

      Le résultat des chercheurs de l'Institut Curie bouleverse ce dogme. Ceci tient au fait que, dans ce nouveau modèle, k-ras muté est exprimé dans les cellules souches, assurant le renouvellement de la muqueuse intestinale pendant toute la vie adulte. Cette particularité permet aux cellules exprimant l'oncogène de se maintenir dans l'intestin et d'acquérir les autres mutations nécessaires à la progression tumorale.

      Ce modèle murinmodèle murin vient très récemment d'être conforté par l'analyse génétique d'une centaine de tumeurs humaines, publiée par une équipe anglaise (5). Elle montre que, chez l'homme aussi, les mutations de k-ras (comme de p53) sont le plus souvent présentes dans les cancers colo-rectaux sans qu'aucune mutation d'APC ne soit détectée. Ces résultats, tout en témoignant de l'intérêt des modèles murins pour étudier la cancérogenèse, sont une nouvelle preuve à l'encontre du modèle APC.