La flore bactérienne des Yanomami, en Amérique du Sud, porte des gènes de résistance à des antibiotiques alors que ces tribus n'y ont jamais été exposées. Les bactéries avaient donc la capacité de résister à ces médicaments bien avant qu’ils ne soient utilisés.

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    Les Yanomami n'ont jamais utilisé d'antibiotiques. Pourtant, les membres de cette tribu présentent tout de même des gènes de résistance. © Sam valadi, Flickr, CC by 2.0

    Les Yanomami n'ont jamais utilisé d'antibiotiques. Pourtant, les membres de cette tribu présentent tout de même des gènes de résistance. © Sam valadi, Flickr, CC by 2.0

    La plupart des études sur les micro-organismes qui forment le microbiote humain (comme ceux de la flore intestinale) portaient sur les populations occidentales. Mais, pour savoir comment notre mode de vie influence ces micro-organismes, il peut être intéressant d'étudier des populations éloignées de nos cultures modernes. C'est par exemple le cas des Yanomami qui mènent une vie semi-nomade de type chasseur-cueilleurchasseur-cueilleur dans la jungle amazonienne. Dans une étude parue dans Sciences Advances, les chercheurs se sont intéressés à une de ces tribus d'Amérindiens habitant dans une aire montagneuse reculée du Venezuela.

    Comme l'explique Gautam Dantas, l'un des auteurs de l'étude, « c'était une opportunité idéale pour étudier la manière dont les connexions entre les microbes et les humains évoluent lorsqu'ils sont libérés des influences de la société moderne ». Les chercheurs ont utilisé des échantillons de la cavité orale (28), de la peau de l'avant-bras (28) et des fèces (12) obtenus chez 34 personnes âgées de 4 à 50 ans, vivant dans un village de la région du haut Orénoque. Cette recherche a impliqué des scientifiques de la New York University School of Medicine, de la Washington University School of Medicine de Saint-Louis et de l'institut de recherche scientifique du Venezuela.

    Le premier résultat important de ces travaux est que les Yanomami présentaient la plus vaste collection de bactéries connues chez les humains : les populations microbiennes présentes sur la peau, la bouche et dans les intestins étaient bien plus diversifiées que celles trouvées chez des Occidentaux. Ceci rejoint d'autres preuves qui suggèrent un lien entre la diminution de la diversité des bactéries qui vivent dans ou sur notre organisme, l'alimentation occidentale et l'utilisation des antibiotiquesantibiotiques.

    La fréquence des résistances aux antibiotiques complique le traitement de certaines maladies humaines. © Global panorama, Flickr, CC by-sa 2.0

    La fréquence des résistances aux antibiotiques complique le traitement de certaines maladies humaines. © Global panorama, Flickr, CC by-sa 2.0

    Le microbiote présente naturellement des résistances aux antibiotiques

    Moins de 1 % des bactéries du microbiote peuvent être cultivées. Les chercheurs ont donc utilisé la métagénomiquemétagénomique fonctionnelle pour identifier des gènesgènes de résistance aux antibiotiques dans les échantillons. Ils ont ainsi trouvé près de 30 gènes de résistancerésistance. Beaucoup de ces gènes désactivaient des antibiotiques naturels mais certains permettaient aussi de résister à des antibiotiques semi-synthétiques ou synthétiques. Les gènes de résistance aux antibiotiques seraient donc une caractéristique du microbiote humain, même en l'absence d'exposition aux antibiotiques.

    Pour expliquer que des micro-organismes puissent résister à des médicaments qu'ils n'ont jamais rencontrés, les scientifiques évoquent l'existence de résistances croisées. Des gènes de résistance à des antibiotiques naturels pourraient conférer une résistance à des antibiotiques de synthèse proches, comme l'explique Erica Pehrsson, également auteur de ces travaux : puisque ces personnes n'ont pas été exposées aux antibiotiques modernes, leur seul apport possible en antibiotiques proviendrait de l'ingestioningestion accidentelle de bactéries du sol qui fabriqueraient des versions « naturelles » de ces médicaments, apparues spontanément. En effet, bien avant l'utilisation des antibiotiques en santé humaine, les bactéries du sol ont commencé à produire des antibiotiques naturels pour tuer des espècesespèces concurrentes. Et, en même temps, les défenses microbiennes ont évolué pour se protéger des antibiotiques que leurs concurrents bactériens fabriquaient...

    C'est ainsi que peuvent émerger des résistances contre chaque nouvelle classe d’antibiotiques : les mécanismes de résistance seraient une caractéristique naturelle de la plupart des bactéries qui attendent juste d'être activées par une exposition aux antibiotiques. Au cours des dernières décennies, l'utilisation importante des antibiotiques en médecine et en agricultureagriculture a accéléré ce processus, d'où le développement et la dispersion des gènes qui aident les bactéries à survivre à ces moléculesmolécules.