Le contrôle de la maladie de la dengue passerait par la maîtrise de son vecteur, le moustique. Il a été suggéré que la bactérie Wolbachia réduirait la capacité du moustique à répandre la maladie. Des chercheurs ont testé cette technique dans une ville d'Indonésie.


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    La maladie de la dengue est une infection virale transmise par les moustiquesmoustiques créant entre 100 et 400 millions d'infections par an, qui se répand dans des zones urbaines et semi-urbaines des zones sous climatsclimats tropicaux et subtropicaux. Elle est causée par le virus DENV qui existe sous forme de quatre sérotypes différents, impliquant que l'on peut être infecté quatre fois.

    La maladie présente des symptômes d'allure grippale, causant de sévères douleurs au niveau des muscles et des os, et qui peuvent s'aggraver jusqu'à être mortels, les explosions de cas surchargeant les hôpitaux. Il n'existe ni médicament pour son traitement préventif ni vaccin qui protège spécifiquement contre la dengue. En revanche, la dengue se soigne avec des traitements basiques, et attraper l'un des quatre types nous immunise contre celui-ci pour toujours.

    Fiche maladie de la dengue. © elenabsl, Adobe Stock
    Fiche maladie de la dengue. © elenabsl, Adobe Stock

    L’interaction entre le moustique, la bactérie et le virus : déroulement de la mission

    Ce sont des moustiques-tigrestigres de l'espèceespèce Aedes aegypti qui ont été choisis pour être infectés par la bactériebactérie Wolbachia. Celle-ci ne fait aucun mal au moustique, mais occupe seulement les mêmes endroits de son corps que le virus de la denguevirus de la dengue. Celui-ci a beaucoup plus de mal à proliférer et se transmettre dans le cas où l'insecteinsecte pique quelqu'un car les deux entrent en compétition pour les ressources. En plus, Wolbachia est tenace et arrive à passer de génération en génération pour pouvoir proliférer. 

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    Pourquoi la progression du moustique-tigre représente un « risque sanitaire majeur » ?

    L'essai d'une technique de contrôle de l'incidenceincidence de la dengue a eu lieu à Yogyakarta, sur l'île de JavaJava en Indonésie, et les résultats de l'étude ont été publiés dans The New England Journal of Medicine. Les scientifiques ont utilisé cinq millions d'œufs infectés par Wolbachia et ainsi créé une population solidesolide de moustiques. La ville a été séparée en 24 zones, et les insectes ont été libérés dans 12 d'entre elles. 

    Vue sur la ville de Yogyakarta en Indonésie où a été mené l'essai. © Creativa Images, Adobe Stock.
    Vue sur la ville de Yogyakarta en Indonésie où a été mené l'essai. © Creativa Images, Adobe Stock.

    Les résultats ont montré 318 cas de dengue dans les aires non-traitées, et seulement 67 dans celles traitées, ce qui montre une réduction de l'incidence de 77 %. En outre, il y a eu une baisse de 86 % de personnes nécessitant des soins hospitaliers, car il y a eu 102 contre 13 hospitalisations. Compte tenu du succès de l'opération, les moustiques ont été lâchés dans toute la ville et le projet va se répandre dans les zones environnantes dans le but d'éradiquer la dengue dans la région.

    Les perspectives futures

    Dans le cas où l'intervention se ferait à une échelle plus importante, ciblant des grandes villes du monde, l'impact sur la prévalenceprévalence de la maladie serait encore plus important. Une fois Wolbachia installée, elle continuera à protéger les populations contre l'infection pendant un long moment. Cette méthode pourrait se voir appliquée pour d'autres maladies qui se transmettent par le moustique, telles que Zika, la fièvre jaune ou chikungunya. Différentes études explorent la piste de l'utilisation de la bactérie au Brésil, en Chine ou aux États-Unis comme indiqué dans l'article ci-dessous.

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    Expérience des moustiques génétiquement modifiés : les premiers résultats


    Contre la dengue ou le zika, des moustiques volontairement infectés

    Article de Marie-Céline RayMarie-Céline Ray, publié le 12/11/2017

    L'Agence de protection de l'environnement des États-Unis (EPA) va autoriser des lâchers de moustiques porteurs de la bactérie Wolbachia dans 20 États du pays et à Washington. Ces insectes ont été conçus par l'entreprise MosquitoMate pour éliminer le moustique-tigre et ainsi stopper certaines maladies.

    D'après un article paru sur le site de Nature, l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis (EPA) a approuvé l'utilisation d'une bactérie pour tuer les moustiques qui transmettent des virus comme la dengue, la fièvre jaunefièvre jaune ou le ZikaZika. Cette décision n'a pas été annoncée officiellement mais elle permettra à la start-upstart-up MosquitoMate, basée dans le Kentucky, de lâcher ses moustiques dans 20 États et à Washington DC.

    Ce nouveau moyen de lutte contre les moustiques a pour avantage de ne pas utiliser de produits chimiques toxiques. Il consiste à se servir de la bactérie Wolbachia pipientis contre le moustique-tigre, Aedes albopictus.

    Des moustiques-tigres mâles infectés par la bactérie Wolbachia

    L'entreprise MosquitoMate va ainsi élever des moustiques Aedes albopictusAedes albopictus infectés par la bactérie Wolbachia dans ses laboratoires ; puis, elle séparera les mâles des femelles. Seuls les mâles (appelés ZAP), qui ne piquent pas, seront relâchés dans les sites à traiter. Ils s'accoupleront avec des femelles et les œufs issus de la fécondationfécondation ne pourront pas éclore.

    D'après l'entreprise, au fil du temps, plus il y aura de mâles porteurs de Wolbachia relâchés, plus la population de moustiques-tigres va diminuer. Les moustiques seront lâchés dans des régions au climat proche de celui des zones où les moustiques ZAP ont été testés (Kentucky, New York, Californie), mais pas dans le sud-est des États-Unis, où l'entreprise n'a pas fait d'essais. Ce ne sera pas une première dans le monde, puisque des expériences similaires ont déjà eu lieu au Brésil et en Chine.


    Des bactéries pour contrer le paludisme

    Article d'Agnès Roux paru le 14 mai 2013

    Une nouvelle stratégie ingénieuse vient d'être mise au point pour contrôler l'épidémieépidémie de paludismepaludisme : infecter les moustiques avec des bactéries capables de bloquer la progression du parasiteparasite. En laboratoire, les bactéries se propagent rapidement d'un insecte à l'autre. Qu'en sera-t-il dans la nature ?

    Le paludisme touche aujourd'hui près de 220 millions de personnes et en tuent environ 600.000 par an dans le monde, en particulier dans l'Afrique subsaharienne. Afin de limiter son incidence, des équipes de recherche conçoivent des stratégies de contrôle de cette maladie. Le principe consiste à limiter le nombre de moustiques infectieux contenant le parasite Plasmodium pour diminuer le risque de transmission chez l'Homme. Cependant, la réalité n'est pas si simple, et toutes les tactiques mises en place jusqu'ici ont échoué.

    La fabrication d'insectes génétiquement modifiés produisant des substances mortelles contre l'agent infectieux était une piste prometteuse. Malheureusement, cette méthode n'a pas connu le succès escompté une fois les insectes relâchés dans l'environnement, car le gènegène d'intérêt ne s'est pas transmis efficacement aux populations de moustiques.

    Une nouvelle approche encourageante vient d'être développée par une équipe américaine de l'université d'État du Michigan. Leurs travaux sont publiés dans la revue Science et montrent comment, en infectant le moustique par des bactéries, on peut empêcher le développement du PlasmodiumPlasmodium dans une population de moustiques. Cette étude n'est pas la première du genre, puisqu'une étude similaire a permis de montrer l'efficacité d'une telle technique dans le contrôle de la dengue, une infection virale qui frappe les pays tropicaux.

    Le moustique <em>Anopheles stephensi</em>, ici avec l'abdomen empli de sang, est l'un des vecteurs du paludisme. © Hugh Sturrock, <em>Wellcome Images</em>, Flickr, CC by-nc-nd 2.0
    Le moustique Anopheles stephensi, ici avec l'abdomen empli de sang, est l'un des vecteurs du paludisme. © Hugh Sturrock, Wellcome Images, Flickr, CC by-nc-nd 2.0

    Des bactéries qui dopent la réponse immunitaire du moustique

    Les expériences se sont portées sur l'espèce de moustique Anopheles stephensi, qui sévit particulièrement en Asie. Les bactéries utilisées, du genre Wolbachiasont présentes chez de nombreux insectes. Elles possèdent la caractéristique intéressante de pouvoir enrayer le développement de différents parasites, comme le virus de la dengue et l'agent du paludisme.

    Au cours de leurs travaux, les scientifiques ont montré que ces micro-organismesmicro-organismes bienfaiteurs tuaient les parasites à la fois dans l'intestin et dans les glandes salivairesglandes salivaires, par lesquelles ils sont transmis à l'Homme. Selon leur hypothèse, elles agiraient en modifiant la réponse immunitaire de l'hôte. En effet, leur présence induirait la formation de dérivés réactifsréactifs de l'oxygène qui, à leur tour, inhiberaient la croissance du Plasmodium.

    Propagation bactérienne efficace contre le Plasmodium

    Mais l'action tueuse des bactéries ne suffit pas. Les auteurs ont dû s'assurer de la transmission rapide et efficace des Wolbachia aux autres moustiques. Car, une fois libérées dans l'environnement, les bactéries bienfaitrices doivent se propager dans la communauté des moustiques sauvages et limiter la propagation du paludisme.

    Pour leur étude, les scientifiques ont injecté des Wolbachia dans le tube digestiftube digestif d'embryonsembryons mâles et femelles. Ils ont ensuite accouplé les moustiques femelles adultes infectés par Wolbachia avec des mâles non infectés. Après 34 générations, les bactéries étaient toujours présentes à l'intérieur des descendants de ces insectes. Une autre expérience a permis de confirmer la diffusiondiffusion des Wolbachia dans une communauté d'insectes. Les chercheurs ont introduit les bactéries chez 5, 10 ou 20 % d'adultes femelles d'une population. Dans tous les cas, 100 % des moustiques contenaient les microbes protecteurs après huit générations.

    Ces résultats sont très encourageants. Néanmoins, comme pour les autres ruses mises en place contre le paludisme, il ne faut pas crier victoire trop vite. En effet, même si cette approche semble prometteuse et marche en laboratoire, les contraintes de l'environnement peuvent modifier la donne. Les chercheurs s'inquiètent également du développement potentiel de résistancesrésistances aux dérivés réactifs de l'oxygène par le parasite.