Des chercheurs de l'université de Californie ont développé une technologie particulièrement efficace pour créer des populations de moustiques génétiquement modifiés pour résister au paludisme. La technique qui utilise le système CRISPR-Cas9 avait fait ses preuves chez la drosophile.

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    Le paludisme (ou malaria) représente un problème de santé majeur dans le monde : plus de 40 % de la population vit dans des zones à risque pour la maladie et il y a environ 300 à 500 millions de cas chaque année. La mortalité liée au paludisme est en baisse grâce aux différentes stratégies développées pour lutter contre ce fléau : médicaments, protections des individus, modification de l'environnement... Mais malgré ces progrès, le paludisme aurait causé environ 580.000 décès en 2014 dans le monde, touchant notamment des enfants, des femmes enceintes, et surtout en Afrique.

    Maladie parasitaire, le paludisme est transmis par différentes souches de moustiquesmoustiques, dont Anopheles stephensi, un vecteur présent en Asie mais aussi en Afrique. Ce moustique serait responsable d'environ 12 % des transmissions en Inde, essentiellement en milieu urbain, et de certaines épidémies récentes en Afrique.

    Depuis plus de dix ans, différentes équipes dans le monde cherchent à modifier génétiquement les populations de moustiques pour obtenir des insectesinsectes résistants au parasiteparasite du paludisme, le Plasmodium, et enrayer ainsi la propagation de cet agent. En 2002, déjà, une équipe de la Case Western University (Ohio) modifiait un gène du moustique, mais sans succès. En 2010, des chercheurs de l'université d'Arizona parvenaient à un bon résultat en injectant dans le moustique un gène qui y est déjà présent mais modifié pour augmenter son taux d'expression. Les moustiques résistent bien au parasite mais à condition que les deux versions du gène, issues du père et de la mère (les allèles), soient toutes les deux modifiées.

    C'est dans cette direction que la nouvelle recherche vient de franchir un pas important. Récemment, les biologistes Ethan Bier et Valentino Gantz, qui travaillaient sur des drosophilesdrosophiles, ont développé une nouvelle méthode innovante de modification du génomegénome qui a pour intérêt de générer des mutations sur les deux copies d'un gène : comme la modification est présente sur les deux chromosomeschromosomes d'une paire, elle se transmet à quasiment 100 % de la descendance. Cette technique de « réaction en chaîneréaction en chaîne mutagénique » (MCR, pour Mutagenic Chain Reaction) utilise le système CRISPR-Cas9CRISPR-Cas9.

    Les chercheurs ont alors mené un projet avec le laboratoire d'Anthony James qui travaillait depuis près de 20 ans sur des moustiques modifiés en vue de lutter contre des maladies. L'objectif de cette nouvelle recherche était donc d'appliquer aux moustiques Anopheles stephensi la méthode utilisée chez les drosophiles pour insérer des gènes antipaludisme.

    Les moustiquaires sont un des moyens de protection contre les moustiques. © USAID Kenya, Flickr, CC by nc 2.0

    Les moustiquaires sont un des moyens de protection contre les moustiques. © USAID Kenya, Flickr, CC by nc 2.0

    Des anticorps antipaludisme dans le moustique

    Du point de vue technique, l'enzymeenzyme Cas9 qui coupe l'ADN et un ARNARN guide sont injectés dans un embryonembryon de moustique. Le système cible un endroit précis dans l'ADNADN de la lignée germinalelignée germinale et insère les gènes anti-paludisme. En l'occurrence, il s'agissait de gènes d'anticorpsanticorps. Ces anticorps dirigés contre le parasite ont été obtenus dans le système immunitairesystème immunitaire de la souris lors d'une expérience précédente et avaient déjà été testés chez le moustique.

    Pour s'assurer que l'élément qui portait les anticorps bloquant l'agent du paludisme avait bien atteint son objectif sur l'ADN, les chercheurs ont introduit en même temps une protéineprotéine qui donne une fluorescence rouge dans les yeuxyeux. Résultat : près de 100 % de la descendance (99,5 % exactement) portait le gène désiré, un taux de réussite tout à fait remarquable.

    Pour Anthony James, professeur de biologie moléculairebiologie moléculaire, biochimiebiochimie, microbiologie et génétiquegénétique moléculaire, « ceci est une première étape importante. Nous savons que le gène marche. Les moustiques que nous avons créés ne sont pas l'étape finale, mais nous savons que cette technologie nous permet de créer efficacement de grandes populations ». D'après les auteurs, les souches obtenues avec cette méthode pourraient participer à l'éradication du paludisme.

    Cette étude qui souligne l'intérêt de la méthode CRISPR-Cas9 comme outil de manipulation génétique est parue dans la revue Pnas.