L’information a circulé dans le monde anglo-saxon avant d’arriver en France. D’après les résultats d’une étude, la connaissance du génome est très largement insuffisante pour prédire l’apparition de maladies. Une nouvelle intéressante en soi... mais qui n’a rien de nouveau, et qui, surtout, repose sur un protocole contesté par des généticiens.

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    Une dizaine d'années après le déchiffrementdéchiffrement de l'intégralité du génome humain, la recherche biomédicale lance des promesses sur les thérapies du futur. Certains prétendent même qu'en étudiant l'ADN dans ses moindres détails, il sera possible de détecter les maladies que l'on est susceptible de déclarer dans sa vie. Génial, non ?

    Une étude parue dans la très sérieuse revue Science Translational Medicine met cependant en garde contre les perspectives merveilleuses qui ont pu être entrevues. Les chercheurs du John Hopkins Kimmel Cancer Center (Baltimore, États-Unis) se basent sur l'analyse au cours de la vie entière de 24 maladies déclarées (ou non) par un panel de 53.666 paires de vrais jumeaux (dotés donc du même patrimoine génétique).

    Pour la plupart des sujets, il n'a pas été possible de prédire quoi que ce soit. Les seules exceptions : les individus avec des antécédents familiaux pour certains cancers héréditaires très particuliers, susceptibles de les déclarer également. Pour le reste, on ne peut qu'établir des probabilités de présenter tel ou tel symptôme, mais rien de plus. Lire l'avenir dans les gènes relève de l'impossible, malgré ce que promettent quelques prospectus publicitaires.

    Des maladies, des gènes… et un environnement

    Aussi intéressante que soit cette nouvelle, elle n'a rien d'inédit. Un certain nombre de précédents travaux étaient parvenus à la même conclusion, et la plupart des généticiensgénéticiens ne contestent pas l'information. Une confirmation de plus alors ? On peut accepter l'idée. Sauf que cette étude provoque quelques polémiques au sein de la communauté scientifique. En cause : un protocoleprotocole jugé trop imparfait par des spécialistes.

    De nombreuses études sur la génétique recrutent des jumeaux homozygotes, ou vrais jumeaux, pour étudier l'impact de l'ADN sur certains critères. Ainsi, on peut observer l'impact du génome dans l'obésité chez des jumeaux adoptés par deux familles différentes, et considérer la part imputable à l'environnement et celle imputable aux gènes. Dans l'étude citée, cependant, la responsabilité de l'environnement n'a pas été considérée. © Michaelee, Wikipédia, DP

    De nombreuses études sur la génétique recrutent des jumeaux homozygotes, ou vrais jumeaux, pour étudier l'impact de l'ADN sur certains critères. Ainsi, on peut observer l'impact du génome dans l'obésité chez des jumeaux adoptés par deux familles différentes, et considérer la part imputable à l'environnement et celle imputable aux gènes. Dans l'étude citée, cependant, la responsabilité de l'environnement n'a pas été considérée. © Michaelee, Wikipédia, DP

    Effectivement, on peut s'interroger sur le fait qu'une étude qui prétend s'intéresser au génome n'a, à aucun moment, fait état de l'analyse de séquences ADN. Les auteurs sont partis du principe suivant : les jumeaux ayant un patrimoine génétique très semblable (identique dans les premières phases du développement embryonnaire mais susceptible de muter tout le long de l'existence) mais ne présentant pas toujours les mêmes maladies, il serait possible de déterminer l'impact du génome en regardant la fréquence avec laquelle les frères ou les sœurs développent des pathologiespathologies identiques.

    C'est alors considérer que la maladie ne dépend que de la seule séquence d'ADNADN, et négliger le rôle de l'environnement. Il paraît évident que deux enfants grandissant dans un même espace sont plus susceptibles d'être touchés par les mêmes pathogènespathogènes, ce qui constitue un biais dans cette étude, qui n'a pas été corrigé.

    La génomique ne peut rien prédire... mais reste très utile

    Des statisticiens émettent également des reproches sur le modèle mathématique utilisé. Celui-ci ne leur paraît pas réaliste et ne mime pas la façon dont les maladies se comportent. Étant donné que les auteurs ignorent le contenu génétique de leurs sujets, ils ont cherché à trouver des artifices et ont regroupé les individus en 20 groupes, présentant chacun des probabilités de présenter les différentes maladies. Cela manque cependant de précision, à une époque où les généticiens ont déjà pu établir les risques liés à la présence de tel et tel variant géniquegénique. De ce fait, le modèle mathématique paraît trop approximatif.

    La dernière critique porteporte non pas sur le message lui-même, mais sur la façon dont il est transmis au public. Comme le décrit le généticien de Princeton Leonid Kruglyak dans Nature News, « je ne vois aucune menace à dire à la population une fois encore que le déterminisme génétique n'existe pas. En revanche, je m'inquiète de la façon dont l'information est retranscrite, expliquant que les gènes ne sont d'aucune utilité, ou que la recherche génétique n'en vaut pas la peine ».

    Il est donc important de préciser que la génomiquegénomique est certes une approche limitée, mais qu'elle ouvre de très nombreuses perspectives médicales très intéressantes. Si elle ne peut prédire à l'avance quelles maladies seront déclarées à coup sûr, on s'en sert pour mettre au point des thérapies personnalisées, donc plus efficaces. En effet, en fonction de son patrimoine génétique, la réaction à un médicament est variable, et cela affecte aussi bien son pouvoir guérissant que les effets secondaires qu'il entraîne. L'approche génomique est donc fondamentale... Mais il ne faut pas lui en demander trop.