Des chercheurs de l'Institut Pasteur et du CNRS viennent de visualiser pour la première fois le mécanisme qu'utilisent les cellules souches musculaires adultes pour protéger leur patrimoine génétique. On sait que c'est au moment où l'ADN est recopié que des erreurs peuvent intervenir et entraîner des mutations, dont l'accumulation peut au cours du temps provoquer des dérégulations et des cancers. Dans un travail publié dans le journal Nature Cell Biology, les chercheurs ont montré par quel mécanisme les cellules souches n'emportent avec elles que l'ADN qui n'est pas recopié, ainsi préservées des erreurs qui pourraient, par exemple, les entraîner vers des processus de cancérisation graves. Ce mécanisme qui conserve un ADN "immortel" aux cellules implique des régulations cellulaires et moléculaires complexes à des niveaux non encore explorés.

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    Les souris ont éte marqué avec BrdU, qui est integré dans l'ADN (rouge); l'ADN immortel est retenu dans une seule cellule fille pendant la division de cellule satellite sur le fibre musculaire.© Shahragim Tajbakhsh

    Les souris ont éte marqué avec BrdU, qui est integré dans l'ADN (rouge); l'ADN immortel est retenu dans une seule cellule fille pendant la division de cellule satellite sur le fibre musculaire.© Shahragim Tajbakhsh

    Les cellules souches représentent un outil prometteur pour le développement des thérapies de l'avenir. Pour être maintenues en nombre constant dans l'organisme, ces cellules doivent s'auto renouveler. Ceci pourrait se produire par la division asymétriqueasymétrique, c'est-à-dire donnant naissance à deux cellules différentes, une cellule souche identique à celle d'origine, et une autre qui va se différencier. Il est essentiel de comprendre quels mécanismes permettent à ces cellules de se multiplier à l'identique sans altération, en conservant intact leur potentiel de régénération.

    Le groupe de recherche Cellules Souches et Développement, dirigé par Shahragim Tajbakhsh à l'Institut Pasteur, vient de faire une avancée considérable pour démontrer pour la première fois la véracité d'une théorie postulée il y a 30 ans (1), celle de l'ADN immortel. Cette théorie suggère que seules les cellules différenciées héritent de l'ADN « photocopié », nouvellement synthétisé, les cellules souches conservant l'ADN non recopié, non modifié, et qui reste ainsi « immortel » au cours des réplications successives.

    Les chercheurs ont utilisé des approches expérimentales sophistiquées, y compris la vidéomicroscopie, pour suivre spécifiquement le devenir de cellules souches adultes du muscle de souris, dites cellules « satellites », au cours de plusieurs cycles de division. En utilisant des outils permettant de visualiser soit l'ADN original soit la copie qui vient juste d'être synthétisée, ils ont montré que l'ADN original se retrouve dans une seule cellule destinatrice qui conserve les caractéristiques de cellule satellite. Cette démonstration a été faite aussi bien sur des cellules musculairescellules musculaires mises en culture que, et ce n'est pas le moindre exploit, directement in vivoin vivo au sein de fibres musculaires de souris.

    Cette distribution qui fait que les brins d'ADN, ceux nouvellement synthétisés et ceux qui sont recopiés, se retrouvent dans des cellules différentes défie clairement les lois de la biologie cellulaire et de la génétiquegénétique qui ne définissent qu'une répartition purement au hasard. Cela suggère que ces brins d'ADN ne sont pas équivalents et qu'au moment de la division cellulaire ils sont reconnus comme différents par la machinerie cellulaire. Un tel phénomène nécessite des mécanismes de régulation encore inconnus qui aboutissent à éviter l'introduction de mutation par erreur de lecture au sein de l'ADN « immortel ».

    De tels mécanismes de sauvegardesauvegarde du patrimoine génétique des cellules souches ont des implications multiples. La compréhension de ces phénomènes est importante pour arriver à maîtriser un jour la culture et le maintien de cellules souches destinées à être utilisées dans les voies de thérapies cellulairesthérapies cellulaires. D'autre part, il est établi que certains cancerscancers parmi les plus virulents sont occasionnés par des cellules qui ont des caractéristiques de cellules souches et qui, échappant au contrôle de multiplication cellulaire, prolifèrent anarchiquement. Les clefs de ce contrôle de prolifération sont peut-être situées au niveau de ce processus de sauvegarde de l'ADN immortel dont un des buts est justement de préserver intact tout au long de la vie le patrimoine génétique qui contient l'information qu'une cellule reste une cellule souche.

    Notes :
    1) CairnsCairns J., Mutation selection and the natural history of cancer, Nature. Mai 1975

    Références :
    « Asymmetric division and cosegregation of template DNADNA strands in adult muscle satellite cells » : Nature Cell Biology, juin 2006
    Vasily Shinin, Barbara Gayraud-Morel, Danièle Gomès et et Shahragim Tajbakhsh

    Groupe de recherche Cellules Souches et Développement, Institut Pasteur, CNRS

    Contacts :

    Service de presse de l'Institut Pasteur
    Bruno Baron
    Tél : 01 44 38 91 30
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    Service de presse du CNRS
    Delphine Kaczmarek
    Tél : 01 44 96 51 37
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