L’apparence physique de certaines sportives arborant une musculature développée et de larges épaules peut susciter des interrogations. Le débat récent, en France, sur la légalité d'un « sexe neutre », montre que la réponse n'est pas simple. L’occasion de faire le point sur la définition du sexe biologique, qui n’est pas seulement une affaire de chromosomes… ni de gros bras.

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    Article publié le 19 août 2016

    Comment définir le sexe ? Génétiquement parlant, il est habituellement fixé par la présence des chromosomes XX chez la femme et XY chez l'homme. Cependant, la situation est plus compliquée pour certaines personnes dites « intersexuées », qui possèdent à la fois des caractères masculins et féminins. 1 à 2 % des naissances dans l'espèceespèce humaine sont concernées.

    Dans un article du Journal du CNRS, Francis Poulat, de l'institut de Génétique humaine à Montpellier, souligne la diversité des situations rencontrées : « Les manifestations les plus "extrêmes" de désordre du développement sexuel sont ce que l'on appelle "les inversions de sexe" : femmes XY dont les testicules ne se sont pas développés, avec un vagin et un clitoris, et hommes XX avec des testicules et un pénispénis. [...] Outre ces exemples, il existe nombre d'autres phénotypesphénotypes intermédiaires où certains des caractères sexuels masculins et féminins cohabitent chez le même sujet. »

    Le sexe biologique se base sur différents critères : les chromosomes certes, mais aussi les caractères sexuels (comme les organes génitaux externes et internes), la production de cellules reproductrices (ovulesovules ou spermatozoïdes) et d'hormoneshormones sexuelles (comme la testostéronetestostérone, hormone mâle). Toutefois, si l'on prend en compte tous ces critères, il est difficile de classer 100 % des individus en deux catégories bien distinctes, avec d'un côté des hommes XY ayant des organes génitaux masculins et des niveaux élevés de testostérone, et de l'autre des femmes XX avec des organes génitaux féminins et de faibles niveaux de testostérone.

    En fait, le sexe biologique se construit en plusieurs étapes au cours de la vie, comme le décrit Thierry HoquetHoquet, professeur à l'université Jean-Moulin Lyon 3, : « Les différents niveaux du sexe biologique [...] se déploient autour de quatre temps forts que sont la fécondationfécondation (où se détermine le sexe chromosomique), la vie intra-utérine (où se met en place le sexe gonophorique), la naissance (où est examiné le sexe périnéal qui va décider du sexe d'état civil) et la pubertépuberté (où s'épanouit le sexe hormonal), autant d'étapes au cours desquelles peuvent survenir des processus conduisant à une "condition intersexe".»

    En 2012, la Sud-Africaine Caster Semenya a remporté la médaille d’argent du 800 m aux Jeux olympiques de Londres. Elle avait dû se soumettre à un test de féminité en 2009. © Tab59, Wikimedia Commons, CC-by-sa 2.0

    En 2012, la Sud-Africaine Caster Semenya a remporté la médaille d’argent du 800 m aux Jeux olympiques de Londres. Elle avait dû se soumettre à un test de féminité en 2009. © Tab59, Wikimedia Commons, CC-by-sa 2.0

    Caster Semenya, l'athlète favorite du 800 m aux JO de Rio

    Autant de questions que se posent les instances sportives, qui se trouvent parfois confrontées à des athlètes intersexuées. Comme la testostérone favorise la massemasse musculaire, les femmes qui présentent naturellement des taux élevés de cette hormone peuvent paraître « avantagées » par la nature. C'est pourquoi, en 2012, la Fédération internationale d'athlétisme a fixé une limite de testostérone à ne pas dépasser pour les athlètes féminines.

    La Sud-Africaine Caster Semenya en a fait les frais, contrainte de limiter son taux naturel de testostérone en prenant des médicaments. Aux championnats du monde de Berlin en 2009, elle avait remporté le titre mondial, mais avait aussi fait l'objet d'une enquête sur son identité sexuelle. Sa musculature, sa voix grave avaient suscité des rumeurs, certains suggérant qu'elle était un homme, d'autres qu'elle se dopait. Pourtant, elle n'est ni l'un ni l'autre. Née fille et ayant grandi comme telle, Caster Semenya est une femme avec un taux de testostérone naturellement élevé : elle est hyperandrogène.

    Caster Semenya est de retour sur la piste de Rio sans ses médicaments, en partie grâce à une autre athlète hyperandrogène : la sprinteuse indienne Dutee Chand qui n'a pas pu participer aux Jeux du Commonwealth en 2014 et a porté une réclamation au tribunal arbitral du sport pour discrimination. Si les femmes hyperandrogènes présentent un avantage physiquephysique (qui d'ailleurs reste à prouver), que dire des basketteurs immensément grands qui, du fait de leur taille, peuvent marquer plus facilement des paniers ? Dutee Chand a obtenu gain de cause et les tests de testostérone ont été abandonnés.  

    Caster Semenya se présente donc aux JO de Rio comme la favorite du 800 m, sans ses médicaments. Que la meilleure gagne.