Une étude réalisée en Bretagne et portant sur plusieurs mères et leurs enfants met en évidence une réduction des performances cognitives chez des jeunes exposés aux insecticides pyréthrinoïdes. Cette neurotoxicité a été observée pour des molécules présentes dans le sol ainsi que dans certains shampoings antipoux.

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    Les pyréthrinoïdes présents dans différents produits comme les antipoux sont associés à une baisse de performance cognitive chez l’enfant. © -JosephB-, Flickr, CC by-nc-nd 2.0

    Les pyréthrinoïdes présents dans différents produits comme les antipoux sont associés à une baisse de performance cognitive chez l’enfant. © -JosephB-, Flickr, CC by-nc-nd 2.0

    Les pyréthrinoïdespyréthrinoïdes constituent une famille d'insecticides largement employés dans divers domaines : agricole (plusieurs cultures), vétérinairevétérinaire (produits antiparasitaires) et domestique (shampoings antipoux, produits antimoustiques). Leur mode d'action consiste en un blocage de la neurotransmission des insectesinsectes provoquant leur paralysie. Du fait de leur efficacité et de leur relative sécurité chez l'Homme et les mammifèresmammifères, ils se sont substitués à des moléculesmolécules plus anciennes (organochlorés, organophosphorés, carbamate) considérées comme plus toxiques.

    L'exposition des enfants aux pyréthrinoïdes est fréquente. Elle diffère de celle des adultes étant donné leur plus grande proximité aux poussières du sol (qui stockent des polluants), des contacts main-bouche plus fréquents, des shampoings antipoux, etc. Chez l'enfant, les pyréthrinoïdes sont absorbés principalement par voie digestive mais aussi par voie cutanée. Ils sont rapidement métabolisés au niveau du foie, puis éliminés majoritairement dans les urines en 48 heures sous forme de métabolites.

    Compte tenu de ces éléments et du mode d'action (neurotoxicité) des insecticidesinsecticides pyréthrinoïdes, des chercheurs de l'Inserm (Unité Inserm 1085 - IRSET, institut de recherche sur la Santé, l'Environnement et le Travail, RennesRennes) en lien avec le laboratoire de psychologie du développement et de l'éducation (université Rennes 2) ont émis l'hypothèse d'un éventuel effet de ces contaminants sur le système nerveux et son développement chez l'enfant.

    La grossesse est également une période de vie importante pour la santé ultérieure de l'enfant. C'est pourquoi les chercheurs ont étudié la cohorte mère-enfant Pélagie, mise en place entre 2002 et 2006, suivant 3.500 couples mères-enfants. Cette cohorte prend en compte de façon simultanée l'exposition aux insecticides pyréthrinoïdes pendant la vie fœtale et pendant l'enfance. Un total de 287 femmes sélectionnées au hasard dans la cohorte Pélagie et contactées avec succès au sixième anniversaire de leur enfant, ont accepté de participer à cette étude.

    L’exposition aux insecticides pendant la grossesse ne semble pas impliquée. © Frank de Kleine, Flickr, CC by 2.0

    L’exposition aux insecticides pendant la grossesse ne semble pas impliquée. © Frank de Kleine, Flickr, CC by 2.0

    Une baisse des performances cognitives

    Deux psychologues se sont rendues à leur domicile. L'une a procédé à l'évaluation des performances neurocognitives de l'enfant à l'aide de l'échelle WISC (indice de compréhension verbale (ICV) et indice mémoire de travail (IMT)). L'autre psychologue a caractérisé l'environnement et les stimulationsstimulations familiales ayant possiblement un rôle sur le développement intellectuel de l’enfant. Elle a également procédé au recueil d'un échantillon d'urines de l'enfant et collecté des échantillons de poussières.

    L'exposition aux insecticides pyréthrinoïdes a été estimée par le dosagedosage de cinq métabolites (3-PBA, 4-F-3-PBA, cis-DCCA, trans-DCCA et cis-DBCA) dans les urines de la mère (recueillies entre la sixième et la dix-neuvième semaine de grossesse) et de l'enfant (recueillies à son sixième anniversaire). Les résultats montrent qu'une augmentation des taux urinaires chez l'enfant de deux métabolites (3 PBA et cis-DBCA) est associée à une baisse significative des performances cognitives, alors qu'aucune association n'est observée pour les trois autres métabolites (4-F-3-PBA, cis-DCCA, trans-DCCA). En ce qui concerne les concentrations de métabolites durant la grossessegrossesse aucun lien n'est mis en évidence avec les scores neurocognitifs.

    « Bien que ces observations doivent être reproduites par d'autres études afin de pouvoir conclure définitivement, elles pointent la responsabilité potentielle à faibles doses de la deltaméthrinedeltaméthrine en particulier (puisque le métabolite cis-DBCA est son métabolite principal et sélectif) et des insecticides pyréthrinoïdes en général (puisque le métabolite 3-BPABPA est un produit de dégradation d'une vingtaine de ces insecticides) », explique Cécile Chevrier, chargée de recherche à l'Inserm et principale auteure de ces travaux.

    « Les conséquences d'un déficit cognitif de l'enfant sur ses capacités d'apprentissage et son développement social constituent un handicap pour l'individu et la société. Les efforts de recherche doivent se poursuivre afin d'identifier des causes qui puissent faire l'objet de mesures de préventionprévention », souligne Jean-François Viel, co-auteur de ces travaux publiés dans la revue Environnement International.