L’Institut Paoli-Calmettes, centre de traitement anticancer situé à Marseille, vient d’être doté d’un nouvel appareil de radiothérapie qui permettra de tester si de très hautes doses de rayons X peuvent effectivement se révéler plus efficaces encore pour éliminer les tumeurs visées. Son nom : Versa HD.

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    Globalement, la mortalité liée aux cancers recule. Ce n'est pas le fruit du hasard, mais bel et bien le prix des efforts et des progrès scientifiques. Les méthodes de dépistage et de soins s'améliorent, et peu à peu, des vies humaines, pour lesquelles on n'aurait rien pu faire voilà encore quelques années, sont aujourd'hui sauvées.

    Le domaine de la radiothérapie est particulièrement concerné par ces avancées. Autrefois limitées au traitement local des petites tumeurs primitives, les choses ont désormais changé. Grâce à des techniques modernes, son utilisation s'est même ouverte aux maladies qualifiées d'oligométastatiques, c'est-à-dire limitées à peu de métastases.

    Des termes barbares ont désormais intégré le champ de l'oncologie, comme stéréotaxie, modulationmodulation d'intensité ou arcthérapie dynamique. En substance, ils veulent dire que la radiothérapie gagne hautement en efficacité : les tumeurs sont localisées avec une précision inégalée, et les doses de rayons X envoyées exactement là où on le désire. Mais on peut toujours faire mieux.

    Tumeur ciblée, irradiée, et endomagée

    L'Institut Paoli-Calmettes de Marseille a été désigné comme site pilote dans le cadre d'un consortium de recherche européen sur le très haut débitdébit de dose. Ainsi, depuis février dernier, il a fait l'acquisition d'un nouvel appareil de radiothérapie appelé, à l'instar de six autres centres du Vieux Continent. Il sera amené à tester l'impact de doses plus fortes de rayons émis dans un délai plus court sur la survie des cellules tumorales. Des éléments tendent à penser que les thérapies anticancéreuses n'en seraient que plus efficaces.

    Le bras qui contient le collimateur (qui envoie les rayons X, en haut à droite) tourne tout autour du patient et envoie la dose de radiations voulue précisément sur la tumeur. © Jean-Michel Durey, IPC

    Le bras qui contient le collimateur (qui envoie les rayons X, en haut à droite) tourne tout autour du patient et envoie la dose de radiations voulue précisément sur la tumeur. © Jean-Michel Durey, IPC

    Comme l'explique Michel Resbeut, chef du service de radiothérapie, à Futura-Sciences, cet appareil apporte quelques améliorations sur ce qui existait déjà. Grâce à un système de 160 lames opaques aux rayons Xrayons X, mobilesmobiles à merci, il est possible de moduler l'intensité du rayonnement avec une précision supérieure à celle des machines de la précédente génération, de façon à irradier uniquement les régions concernées. Le bras de l'appareil décrit un cercle autour du patient avec une vitessevitesse variable, et porteporte à son extrémité un collimateur dans lequel les lames se déplacent très rapidement pendant l'irradiationirradiation. Tous ces paramètres permettent de réguler la dose envoyée : c'est l'arcthérapie dynamique.

    Ce faisceau de photonsphotons n'est pas envoyé au hasard : tout a été calculé à partir des images et des estimations réalisées préalablement à l'aide d'un scanner dédié et d'une fusionfusion d'images d'autres provenances (comme l'IRMIRM). On sait exactement où se situe la tumeur, et même lorsque celle-ci est mobile (comme pour un cancer du poumon : celle-ci bouge en même temps que l'individu respire), on peut envoyer les rayons X. Grâce à un système de contention qui limite les mouvementsmouvements et des données statistiques indiquant l'ampleur des déplacements de la tumeur, celle-ci peut être traitée.

    Le très haut débit de dose, la radiothérapie de demain ?

    Comme nous l'avons dit, ce procédé n'a rien de nouveau en soi, il s'agit juste de progrès par rapport à ce qui existait déjà. Mais au-delà de la précision et de la polyvalence de la machine, qui permettrait de voir passer des dizaines de patients par jour, le Versa HD pourrait cacher une amélioration plus qu'intéressante, et pas encore testée : le très haut débit de dose.

    « Nous avons la possibilité de travailler sans filtre, ce qui se traduit par une augmentation du débit de dose d'un facteur quatre environ, précise Michel Resbeut. En conséquence, cela divise d'autant le temps d'irradiation, et diminue la probabilité que le patient, et donc la tumeur, bouge. » Les rayons atteignent davantage la zone cancéreuse, et moins les tissus sains alentour, limitant les risques de dommages collatéraux.

    Mais ce ne serait pas tout. « D'après ce que suggère la littérature scientifique, délivrer une même dose dans un délai plus court entraînerait un effet radiobiologique supérieur, reprend le médecin. Nous allons donc tenter de vérifier l'hypothèse. »

    Progrès qui s’élargissent à plus de patients cancéreux

    Aux dernières nouvelles, le très haut débit de dose n'avait pas encore été testé sur les patients, mais les réglages avaient été effectués. Les premiers malades devraient en bénéficier prochainement. Ceux-ci sont atteints de tumeurs primitives précoces et inaccessibles à la chirurgiechirurgie notamment au poumonpoumon et au foiefoie, ou bien de petites métastases pas encore très nombreuses.

    « La chimiothérapiechimiothérapie seule ne suffit pas toujours pour éliminer une massemasse cancéreuse, ajoute Michel Resbeut. Il est bon de compléter avec un traitement local, comme la radiothérapie ou la chirurgie, pour stériliser définitivement la tumeur. La radiothérapie est conservatrice : le patient arrive sur ses jambes et repart dessus. »

    Les progrès sont continus, et de plus en plus de patients devraient pouvoir bénéficier de ces avancées, qui concernent peu à peu de nouveaux cancerscancers. Bientôt, les tumeurs de la prostate, du reinrein et peut-être du pancréaspancréas seront traitées par des rayons X en condition stéréotaxique. Les indications s'étendent, et cela pour le bien de tous les malades.