Alors qu’on a longtemps considéré que nous ne pouvions détecter qu’environ 10.000 senteurs différentes, une nouvelle étude révèle le potentiel non suspecté contenu dans nos narines : nous pourrions en réalité distinguer plus de 1.000 milliards d’odeurs.

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    Tous nos sens ne se valent pas. L'être humain accorde par exemple beaucoup d'importance à sa vue et à son ouïe, qui répondent à un vaste continuum de stimuli (des longueurs d'ondelongueurs d'onde comprises approximativement entre 400 et 800 nm ou des fréquences sonores entre 20 et 20.000 HzHz). Notre œil percevrait entre 2,3 et 7,5 millions de couleurscouleurs et nos oreilles distingueraient 340.000 sons différents.

    En revanche, goût et olfactionolfaction ont souvent été associés, parce qu'ils fonctionnent de pair mais aussi dans la façon dont ils ont été définis. En 1927, des scientifiques considéraient que notre nez ne pouvait détecter que quatre senteurs (florale, animale, acideacide et brûlée) selon neuf intensités différentes, de 0 à 8. Soit un total de 94, ou 6.561 odeurs différentes, nombre finalement arrondi à 10.000 dans la littérature scientifique.

    Mais les chercheurs doutent depuis longtemps de la précision de ces mesures. Andreas Keller, de l'université Rockefeller de New York, s'est penché sur la question selon un protocoleprotocole original, décrit dans la revue Science, qui lui a permis de mettre en évidence une tout autre vérité.

    Des milliards et des milliards d’odeurs

    À partir de 128 moléculesmolécules différentes, les auteurs ont préparé 260 solutions différentes en les mélangeant équitablement par groupes de 10, 20 ou 30. En tout, 26 participants ont été amenés à remplir des tests : chacun devait sentir trois fioles, dont deux identiques et une autre différente, afin de discriminer l'intrus. Les expériences, menées à de nombreuses reprises, ont révélé que lorsque les solutions différaient dans leur contenu de plus de 50 %, la plupart des volontaires réussissaient l'exercice avec succès.

    La bonne odeur de certaines fleurs tient parfois en quelques-uns de leurs composés, que l’on est capable d’analyser ensemble pour détecter une seule et unique senteur. © Dennis Wong, Flickr, cc by 2.0

    La bonne odeur de certaines fleurs tient parfois en quelques-uns de leurs composés, que l’on est capable d’analyser ensemble pour détecter une seule et unique senteur. © Dennis Wong, Flickr, cc by 2.0

    Forts de ces données, les scientifiques ont recouru à quelques extrapolations statistiques. Considérant les multiples solutions odoriférantes différant de plus de 50 %, ils ont considéré que notre odorat pouvait discerner au moins 1.000 milliards d'odeurs. Un nombre pas envisagé jusque-là, qui pourrait encore être une sous-estimation de notre potentiel olfactif.

    Relativisons un peu malgré tout. Si à l'échelle d'un Homme ce résultat paraît élevé, ces 1012 fumets distingués restent bien peu de choses à côté des 1060 senteurs existant dans l'espace autour de nous. Cependant, la performance reste démesurée si on se rappelle que nous disposons de moins de 400 récepteurs olfactifs différents. Comment faire tant avec si peu ?

    L’odorat, ce sens mystérieux

    C'est bien le problème : les spécialistes l'ignorent. Si une pièce est parfumée par des roses, 275 composants flottent dans l'airair et pénètrent nos narines. Seuls une partie d'entre eux cependant sont réellement impliqués dans l'odeur ressentie. Différents récepteurs s'activent simultanément et sont interprétés comme un tout pour notre cerveau, qui distingue une seule senteur de ces multiples stimulations, celle de la rose. Et ce processus reste bien mal compris.

    Cette découverte tord donc le cou à des idées arrêtées depuis près de 90 ans. Et balaie aussi l'idée reçue que l'être humain a un mauvais odorat. Cependant, ce n'est pas le nombre qui fait la force : il faut surtout apprendre à s'en servir.