Depuis quelques jours, une nouvelle agite le Web : la Nasa serait à la recherche d'un planetary protection officer, comprenez un agent de protection de la planète. Pour nous protéger d'une invasion extra-terrestre ? Non, simplement pour s'assurer que notre planète ne risque pas de contamination. Et vice versa. Parce qu'il y un an et demi à peu près, des chercheurs nous racontaient l'histoire d'une bactérie étonnante. Bacillus safensis se développe beaucoup mieux dans la Station spatiale internationale (ISS) que sur la terre ferme. Cette bactérie, isolée sur des surfaces d’un vaisseau spatial, est peut-être même allée sur Mars ! Une véritable énigme microbiologique pour les chercheurs.

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    Article paru le 28 mars 2016

    Dans un vaisseau spatial, il est important de ne pas emporter de microbes pathogènes. Quant aux micro-organismes inoffensifs, ils semblent moins inquiéter les scientifiques mais jouent aussi un rôle important dans l'environnement microbien. En effet, les pathogènes doivent être capables de survivre dans le milieu extérieur avant d'infecter un hôte et leur capacité de survie dépend souvent de micro-organismes non pathogènes.

    Pourtant, il est quasiment impossible de retirer tous les microbes d'un engin à envoyer dans l'espace. C'est pourquoi les scientifiques ont besoin de savoir comment ces micro-organismes réagissent dans l'espace. Des travaux ont montré que l'intérieur de l'ISS (la Station spatiale internationaleStation spatiale internationale) a une communauté microbienne ressemblant à celle que l'on peut trouver sur Terre. Mais comment ces petites bêtes réagissent-elles à cet environnement « spatial » ?

    Pour le savoir, des scientifiques ont récolté des échantillons microbiens dans différentes surfaces en contact avec des humains : toilettes, poignées de porteporte, balustradesbalustrades, sols... 48 espèces microbiennes inoffensives ont alors été envoyées dans l'espace afin de voir comment elles s'y développaient. Cette expérience faisait partie du projet Merccuri (Microbial Ecology Research Combining Citizen and University Researchers on ISS) et les résultats paraissent dans Peer J.

    La courbe de croissance de la bactérie montre sa nette préférence pour la vie dans l’espace (en vert) par rapport à la vie sur Terre (en rouge). © Coil <em>et al. </em>2016,<em> Peer J</em>

    La courbe de croissance de la bactérie montre sa nette préférence pour la vie dans l’espace (en vert) par rapport à la vie sur Terre (en rouge). © Coil et al. 2016, Peer J

    Bacillus safensis, un passager clandestin des missions spatiales

    La plupart des espècesespèces ne se développaient pas bien en condition anaérobie (sans oxygène) et avaient donc besoin de réaliser des échanges gazeux avec l'airair. Sur les 48 espèces envoyées dans l'espace, 45 se développaient aussi bien sur Terre que dans l'ISS : les bactéries testées ne semblaient pas particulièrement souffrir de leur voyage dans l'espace.

    Une seule bactérie se développait vraiment mieux dans l'espace que sur Terre : Bacillus safensis qui, visiblement, faisait plus que s'adapter à la microgravité à 400 km de la Terre, puisqu'elle préférait même cet environnement où elle se développait 60 % mieux !

    La différence la plus importante entre les deux milieux est la gravitégravité. Pourtant, pour David Coil, microbiologiste et principal auteur de ce projet, il est peu probable que la gravité fasse une différence au niveau individuel : « Les micro-organismes sont vraiment petits, donc la gravité n'est pas un facteur déterminant sur leur métabolisme et leur physiologie au jour le jour ». En revanche, ce qui n'affecte pas un individu pourrait avoir un effet au niveau de la communauté : la faible gravité serait favorable à la croissance de la bactérie en tant que communauté.

    Bacillus safensis est une bactérie assez fascinante : pourquoi se développe-t-elle mieux dans l'espace ? Nul ne le sait et son nom vient d'ailleurs de cette propriété. Il ne faut en effet pas y lire « safe », signifiant qu'elle est inoffensive ; non, les trois premières lettres font référence au Spacecraft Assembly Facility (SAF), car la bactérie a été identifiée au JPLJPL, une division de la NasaNasa. De plus, elle est probablement allée sur Mars avec le roverrover OpportunityOpportunity en 2004 : la souche a été trouvée au Kennedy Space CenterKennedy Space Center dans la mission Mars Exploration Rover.

    Même si les scientifiques prennent des précautions pour que le milieu envoyé dans l'espace soit « propre », ils ne peuvent pas garantir que les surfaces soient libres de germes à 100 %.