Écouter la musique à fond dans son casque de manière prolongée est devenu monnaie courante chez de nombreux jeunes. Une pratique non sans risque pour leur audition. À l'occasion de la Semaine du son, une étude Ipsos révèle que les trois quarts des 15-30 ans ont déjà eu des bourdonnements ou des sifflements dans les oreilles.


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    « Je n'arrive pas à me dire : "Mathieu, il faut que tu baisses la musique, parce que sinon tu risques de perdre tes oreilles". » À 18 ans, il écoute du rap, du RnB, du zouk « tout le temps à fond, au maximum du volumevolume » pour « se sentir mieux ». « Quand je baisse un peu, j'ai l'impression que je n'entends plus la musique », se défend-il. Et le soir, il s'endort avec ses écouteurs. Au réveil, « j'ai les oreilles comme bouchées » et « souvent des acouphènes ».

    Mathieu fait partie des 10 % des 15-30 ans qui ne baissent jamais le volume et des trois quarts qui ont déjà eu des bourdonnements ou sifflements dans les oreilles. « Quand on est jeune, on a du mal à imaginer qu'on va vieillir, on a besoin de tester ses limites. Écouter de la musique forte, c'est un plaisir, dangereux, mais un plaisir », analyse Alain Londero, ORL à l'hôpital Georges-Pompidou à Paris, qui a participé à une étude Ipsos publiée à l'occasion de la Semaine du son. D'autant que 89 % des 15-30 ans sont de grands adeptes du casque audio et des écouteurs qu'ils utilisent en particulier avant d'aller se coucher (61 %). Un « facteur aggravant de l'exposition sonore », selon Alain Londero. « Le son, c'est une pressionpression. Plus le casque est obstructif, plus les oreillettesoreillettes bouchent le conduit, moins il y a de possibilité pour le son de s'échapper. Toute l'énergieénergie est concentrée sur le tympan », explique-t-il.

    En venant boucher le conduit auditif, le casque et les écouteurs empêchent le son de s'échapper. Ce dernier se dirige tout droit vers le tympan. © Wikimedia Commons
    En venant boucher le conduit auditif, le casque et les écouteurs empêchent le son de s'échapper. Ce dernier se dirige tout droit vers le tympan. © Wikimedia Commons

    Selon Jean-Louis Horvilleur, audio-prothésiste qui a également participé à l'étude, il faut se fier aux « dispositifs d'avertissement des baladeurs, qui signalent le dépassement des 85 décibels, entre un aboiement et un klaxon ». Pour l'expert, un test facile à réaliser pour se rendre compte du niveau sonore est d'« écouter un morceau d'abord dans les transports, puis de l'écouter au même volume dans sa chambre ».

    Oreilles cotonneuses et sifflements

    Les troubles auditifs ne sont donc plus réservés aux personnes âgées. Les 15-30 ans, pourtant conscients des risques pour 98 % d'entre eux, préfèrent s'enivrer de son. « Quand je serai vieux? Je n'aurai plus mes oreilles pour écouter puisque je n'entendrai plus », retorque Mathieu en haussant les épaules. D'autant que les dommages sont le plus souvent définitifs alerte Alain Londero : « Si l'acouphène dure plus de quelques jours, il est très probable qu'il persiste pour toujours. »

    « Il ne s'agit pas d'arrêter d'aller aux concerts ou en boîte de nuit », tempère le médecin, mais de « le faire de façon raisonnable et raisonnée ». C'est-à-dire faire des pauses « entre les périodes d'exposition » et « avoir toujours avec soi des bouchons de protection adéquats, qui permettent de profiter de la musique et de se protéger de façon efficace »« On prépare des générations de sourds, alerte Alain Londero. Si on commence à abîmer son système auditif à 18 ans, vers 85 ou 90 ans, on a -- en plus -- le vieillissement naturel ! »

    L'audio-prothésiste Jean-Louis Horvilleur regrette de son côté que certains jeunes « gardent les symptômes » plusieurs semaines avant de se faire soigner, ignorant qu'il « fallait se faire traiter le plus vite possible ». Il rappelle : « oreille cotonneuse, sifflement ou l'impression d'entendre tout trop fort ... Si cela persiste après une nuit de sommeil, il faut consulter ».