Pour se nourrir, les étoiles de mer digèrent partiellement leurs proies à l’extérieur de leur corps, après avoir sorti leur estomac par la bouche. Une molécule clé impliquée dans la rétractation de cet organe digestif vient d’être identifiée : le neuropeptide NGFFYamide. Va-t-il nous permettre de développer une solution pour lutter contre certaines proliférations d’échinodermes ?

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    Les étoilesétoiles de mer cachent bien leur jeu, car certaines d'entre elles peuvent causer de sérieux problèmes environnementaux ou économiques. L'exemple le plus criant nous vient du Pacifique, où des proliférations d'acanthasters pourpres (Acanthaster planci), une espèce corallivore, sont responsables de la destruction de nombreux récifs coralliens. Ainsi, en 2006, plusieurs stations polynésiennes d'étude sur le corail affichaient un taux de recouvrement de 49 %. Trois ans plus tard, il n'était plus que de 2 %, après l'arrivée d'A. planci. À ce jour, la solution miracle pour réduire ces proliférations n'a toujours pas été trouvée.

    Une nouvelle piste à suivre vient d'être découverte par des chercheurs de l'université de Londres (Royaume-Uni), menés par Maurice Elphick, qui s'intéressent à la prise de nourriture des échinodermes. Pour s'alimenter, les étoiles de mer dévaginent leur estomacestomac (il sort par leur bouche, ce qui provoque son retournement), et le mettent en contact avec les tissus de leurs proies. Une lente digestion externe commence alors. Elle va se solder par la formation d'un liquideliquide, qui est absorbé lorsque l'estomac se rétracte, puis totalement digéré par dix glandesglandes adaptées. Le lien avec les proliférations d'étoiles de mer ? Le voici...

    Durant des études antérieures, la même équipe avait identifié le neuropeptide (une protéineprotéine sécrétée par un neuroneneurone) qui contrôle la dévagination de l'estomac : SALMFamide. Cette année, elle a découvert son antagoniste, la moléculemolécule qui provoque la contraction et la rétraction de l'organe digestif : NGFFYamide. L'information a été publiée dans le Journal of Experimental Biology (JEB).

    Les<em> Acanthaster planci</em> se nourrissent exclusivement de corail. Sur cette photographie, l'échinoderme, au centre, a déjà mangé les cnidaires de la moitié droite de l’image (fond blanc). La moitié gauche montre des scléractiniaires sains. © Steve L. Martin, Flickr, cc by 2.0

    Les Acanthaster planci se nourrissent exclusivement de corail. Sur cette photographie, l'échinoderme, au centre, a déjà mangé les cnidaires de la moitié droite de l’image (fond blanc). La moitié gauche montre des scléractiniaires sains. © Steve L. Martin, Flickr, cc by 2.0

    Forcer les étoiles de mer à moins manger ?

    Pour identifier cette protéine, les chercheurs ont étudié l'ensemble des molécules d'ARNARN issues de la transcription du génome dans des cellules nerveuses d'étoiles de mer communes (Asterias rubens). Plusieurs molécules d'intérêt ont alors été identifiées et analysées avec un spectromètrespectromètre de massemasse. Cependant, leur fonction restait encore inconnue à ce stade. Pour remédier au problème, des tests pharmaceutiques ont été réalisés avec des neuropeptides isolés sur des cellules stomacales in vitroin vitro, puis in vivoin vivo. Le résultat ? Nous l'avons évoqué : NGFFYamide provoque la contraction et la rétraction de l'estomac des échinodermes.

    Venons-en aux proliférations d'étoiles de mer. Grâce à cette découverte, il est envisageable de créer une substance qui forcerait la rétractation de l'estomac des « envahisseurs » en train de commettre leurs méfaits, les condamnant ainsi à moins manger. Une telle applicationapplication pourrait également être utile sous nos latitudes, où les étoiles de mer causent parfois de sérieux soucis chez les producteurs de moules et autres coquillages.

    Pour l'anecdote, les chercheurs ont également étudié l'origine évolutive du neuropeptide NGFFYamide. L'un de ses plus proches cousins est présent chez l'Homme, où il régule l'anxiété et l'excitation !