Certaines grenouilles n’ont pas besoin d’eau pour se reproduire. Seule la moitié des anoures engendrerait des têtards. Les autres pourraient avoir pris quelques raccourcis au cours de l’évolution. 

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    Ces deux Agalychnis sont en plein acte amoureux. La femelle choisira ensuite une feuille située au-dessus d'une pièce d'eau pour y déposer les œufs fécondés. Lors de l'éclosion, les têtards tomberont dans l'eau. © Ivan Gomez-Mestra

    Ces deux Agalychnis sont en plein acte amoureux. La femelle choisira ensuite une feuille située au-dessus d'une pièce d'eau pour y déposer les œufs fécondés. Lors de l'éclosion, les têtards tomberont dans l'eau. © Ivan Gomez-Mestra

    Au sein de nos contrées, les grenouilles et les crapauds sont considérés comme des organismes semi-aquatiques à développement indirect. Leurs œufs sont pondus dans l'eau, donnent naissance à des têtards qui se transformeront, lors de la métamorphose, en adultes pouvant vivre sur terre. Ce cycle de vie ne constitue cependant pas une règle absolue.

    En réalité, les anoures, des amphibiens dépourvus de queue, sont parmi les vertébrés terrestres les champions pour le nombre de cycles reproductifs différents. Ivan Gomez-Mestre de la Doñana Biological Station CSIC (Espagne) vient justement d'en dresser le bilan dans la revue Evolution. Parmi les centaines d'espèces étudiées, seules 50 % d'entre elles suivraient ce schéma considéré comme classique.

    Cette grenouille brune du genre <em>Albericus</em> protège ses œufs... dans un arbre. Elle vit en Papouasie Nouvelle-Guinée. © David Bickford

    Cette grenouille brune du genre Albericus protège ses œufs... dans un arbre. Elle vit en Papouasie Nouvelle-Guinée. © David Bickford

    Certaines grenouilles n’ont jamais été des têtards

    Les cycles de vie suivis par l'autre moitié des 720 espèces passées à la loupe sont variés. Pour protéger leurs pontes des prédateurs aquatiques, certaines grenouilles n'ont pas hésité à sortir leurs œufs hors de l'eau. Ils peuvent être placés sous des feuilles surplombant par exemple une mare ou un étang. Les larves tombent alors dans le précieux liquideliquide lors de l'éclosion. Dans ce cas, le stade aquatique n'a pas été perdu.

    Certains anoures terrestres sont dits à développement direct, les jeunes naissent en ayant l'apparence des adultes, il n'y a plus de métamorphosemétamorphose. Les œufs peuvent également être collés sur des feuilles, mais pas seulement. Certaines espèces déposeraient leur portée à l'intérieur de véritables nids faits par exemple de moussemousse. D'autres ont trouvé des solutions leur permettant de transporter et de protéger leurs œufs, par exemple en les conservant sur la peau, en bouche, dans le sac vocal ou même dans l'estomacestomac.

    Des analyses génétiques ont été menées pour comprendre l'histoire évolutive de ces cycles de vie. Selon les théories actuelles, le développement direct serait progressivement apparu en plusieurs étapes, chacune étant marquée par une transformation du cycle de base, par exemple par la sortie des œufs hors de l'eau. À la lueur des nouveaux résultats phylogénétiquesphylogénétiques, cette explication ne peut pas être généralisée. Certaines espèces à développement direct auraient évolué à partir d'organismes totalement inféodés au milieu aquatique. Des grenouilles ont donc en quelque sorte sauté des étapes de l'évolution.

    Un succès vieux de 220 millions d’années

    Plusieurs caractéristiques du développement des grenouilles seraient également liées à leur mode de vie. Les espèces terrestres pondent par exemple moins d'œufs que leurs homologues aquatiques, mais ils sont généralement plus grands et font l'objet de soins parentaux. De plus, les grenouilles à développement direct vivraient principalement au sein de milieux particulièrement chauds et humides.

    Ces quelques résultats permettraient d'expliquer le succès actuel du mode de reproduction « œufs dans l'eau - têtards - métamorphose - adultes » apparu pourtant voici 220 millions d'années. Grâce à lui, les femelles peuvent pondre en grandes quantités afin d'assurer au mieux leur descendance malgré les risques encourus par les œufs. Par ailleurs, ce mode permet également aux espèces l'utilisant de coloniser des milieux plus froids et moins humides.