Grâce aux essais thermonucléaires réalisés par le passé, nous savons désormais que les grands requins blancs vivent plus longtemps que ce qui a été précédemment estimé. Si l’on en croit de nouvelles mesures isotopiques, un mâle avait 73 ans lorsqu’il a été prélevé dans le nord-ouest de l’Atlantique. Bien que célèbre, cette espèce est loin d’être parfaitement connue.

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    Les grands requins blancs (Carcharodon carchariasCarcharodon carcharias) sont de redoutables prédateurs qui peuplent les océans du monde entier. Malgré l'attrait qu'ils suscitent, les informations à leur sujet restent lacunaires. Par ailleurs, ce que nous savons s'avère parfois faux, ou du moins imprécis. Un nouvel exemple vient de nous être fourni par Li Ling Hamady (Woods Hole Oceanographic Institution, États-Unis) et ses collaborateurs dans la revue Plos One.

    Pour déterminer l'âge des requins, une pratique courante consiste à compter les stries de croissance visibles sur divers éléments squelettiques, comme les vertèbres ou les rayons des nageoires. Ainsi, les plus vieux Carcharodon carcharias connus à partir d'études de vertèbres avaient respectivement 22 et 23 ans lorsqu'ils ont été pêchés dans le sud-ouest du Pacifique et dans l'océan Indien. Cependant, des doutes subsistent depuis longtemps sur la lisibilité des bandes de croissance. Par exemple, correspondent-elles avec certitude à une année chacune ? D'autres estimations avancent plutôt une longévité de 40 ans, voire 60 ans.

    Pour le vérifier, des vertèbres prélevées entre 1967 et 2010 sur huit requins dans le nord-ouest de l'Atlantique (4 mâles et 4 femelles) ont été analysées au National Ocean Sciences Accelerator Mass Spectrometry Facility. L'objectif était alors de quantifier la concentration en carbonecarbone 14 au travers des lignes de croissance, sachant que les océans ont été fortement enrichis en cet élément dans les années 1950 et 1960. À l'époque, des bombes thermonucléaires étaient régulièrement testées en mer. Or, la concentration en carbone 14 dans les océans a scrupuleusement été suivie année après année depuis, de quoi fournir une très bonne suite temporelle. Résultat : les grands requins blancs vivent bien plus longtemps qu'initialement cru.

    Les grands requins blancs sont notamment menacés par la pêche sportive. Par ailleurs, leurs mâchoires sont relativement prisées. © Scubaben, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Les grands requins blancs sont notamment menacés par la pêche sportive. Par ailleurs, leurs mâchoires sont relativement prisées. © Scubaben, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Un taux de croissance ralenti et lié au sexe ?

    Concrètement, l'un des mâles était âgé de 73 ans au moment de sa mort. Il mesurait alors 4,93 m (longueur fourche). Pour sa part, la plus vieille des femelles est décédée à l'âge de 40 ans, tandis qu'elle présentait une longueur fourche de 5,26 m. La longévité des requins blancs a donc bien été sous-estimée durant des décennies, ce qui a des conséquences. Le taux de croissance des Carcharodon carcharias serait ainsi plus faible que prévu. Par ailleurs, il différerait entre les sexes (cas de dimorphisme sexuelle).

    Les vertèbres ont également fait l'objet d'un comptage « conventionnel », à partir de photographiesphotographies prises au travers d'un microscopemicroscope. Concrètement, les bandes de croissance visibles correspondent bien à des années chez des requins de petite et moyenne taille. En revanche, elles deviennent tellement fines qu'elles sont illisibles chez les squales de grande taille, ceux qui sont sexuellement matures.

    Cette nouvelle détermination de la longévité des grands blancs, l'une des plus élevées chez un poisson cartilagineux (chondrichtyen), devrait permettre une amélioration des modèles de population de cette espèce. Elle devient de fait plus sensible aux perturbations anthropiques, puisqu'elle parvient moins rapidement à l'âge adulte que prévu.