La fourmi odorante, l’une des plus communes des habitations américaines, apprécie de manière surprenante le gîte et le couvert que les hommes mettent à sa disposition. Plutôt discret dans les bois, l'insecte change radicalement de comportement en ville, au point de former des colonies géantes.

au sommaire


    Grzegorz Buczkowski et son objet d’étude : la fourmi odorante. Cette fourmi indigène d’Amérique du nord se comporte en ville comme une espèce invasive en créant des super colonies. © Tom Campbell / Purdue Agricultural Communication

    Grzegorz Buczkowski et son objet d’étude : la fourmi odorante. Cette fourmi indigène d’Amérique du nord se comporte en ville comme une espèce invasive en créant des super colonies. © Tom Campbell / Purdue Agricultural Communication

    Il n'y a pas que les hommes, les pigeons, les moineaux, les pies et les rats pour profiter des avantages de la ville, les fourmis aussi. Plus particulièrement une espèce native d'Amérique : la fourmi odorante. Si cette espèce est à l'origine forestière, elle apprécie manifestement les bienfaits des cités où les hommes lui procurent abris, nourriture et chaleurchaleur.

    Elle en profite à tel point que si en forêt elle se contente de vivre en petites colonies de 50 individus autour d'une reine, elle peut, devenue urbaine, constituer des supercolonies de 6 millions de travailleuses au service de 50.000 reines !

    Au grand étonnement de Grzegorz Buczkowski de l'Université de Purdue, la fourmi odorante (Tapinoma sessilesessile), ainsi nommée car elle dégage une odeur de noix de coco quand on l'écrase, se comporte en ville comme une espèce invasiveespèce invasive. « Les fourmis indigènesindigènes ne sont pas supposées devenir invasives, dit-il. Nous ne connaissons pas d'autres fourmis indigènes qui surclassent les autres espèces indigènes comme celle-ci. »

    La fourmi odorante (<em>Tapinoma sessile</em>), l’une des fourmis indigènes les plus communes dans les maisons américaines. © April Nobil / AntWeb / Eol CC by-nc-sa 1.0

    La fourmi odorante (Tapinoma sessile), l’une des fourmis indigènes les plus communes dans les maisons américaines. © April Nobil / AntWeb / Eol CC by-nc-sa 1.0

    Fourmis de bois et fourmis des villes, une vie très différente

    L'étude de la structure des colonies de la fourmi odorante dans trois types d'habitat, naturel, semi-naturel et urbain, révèle que cette espèce réagit à l'urbanisation et à la disparition des autres espèces de fourmis forestières en adoptant des caractères d'espèce invasive. Tapinoma sessile passe ainsi d'une structure de petites colonies monogynes (une seule reine) et monodômes (une seule fourmilière) en zone forestière à une structure de supercolonies polygynes (plusieurs reines) et polydômes (plusieurs fourmilières).

    Ce comportement, décrit dans la revue Biological Invasions, n'a pas été observé chez d'autres espèces locales qui profitent pourtant des mêmes conditions favorables quand elles s'installent en ville. En conséquence, l'incroyable succès de la fourmi odorante, très robuste par ailleurs, semble avoir un effet négatif sur l'abondance et la diversité des autres fourmis autochtones.

    La dégradation des habitats et l'urbanisation semblent donc pouvoir faire émerger des traits invasifsinvasifs chez des espèces autochtones, en affectant de manière extrême leurs caractéristiques sociales et la structure spatiale de leurs colonies. C'est ainsi que des supercolonies peuvent se constituer et surclasser les autres espèces locales.

    Le chercheur Grzegorz Buczkowski se penche maintenant sur les raisons de cette modification de la structure des populations de fourmi odorante, notamment en explorant les secrets de leur génomegénome.