Un oiseau de proie méconnu révèle le mystère de sa migration, bien plus étonnant que ce que pouvaient imaginer les chercheurs : aucun obstacle ne l’arrête, ni les déserts, ni les jungles, ni les océans...

au sommaire


    Le Faucon d’Eléonore a été nommé d’après Giudicessa Eleonora de Arborea (1350-1404), une princesse guerrière sarde qui a créé les premières lois pour la protection des oiseaux de proies en Europe. © Naumann, Domaine public

    Le Faucon d’Eléonore a été nommé d’après Giudicessa Eleonora de Arborea (1350-1404), une princesse guerrière sarde qui a créé les premières lois pour la protection des oiseaux de proies en Europe. © Naumann, Domaine public

    Jusqu'à récemment, les scientifiques connaissaient peu de chose du Faucon d'Eléonore (Falco eleonorae), sauf que ce rapace migrateur nichait sur les îles et que ses effectifs étaient faibles. En 2007-2008, des chercheurs des universités de ValenceValence et d'Alicante ont réussi pour la première fois à capturer et à marquer quelques individus sur les îles Columbretes et Baléares.

    « C'est un jalon dans l'étude de cette espèceespèce, puisque personne n'avait été capable de capturer un Faucon d'Eléonore et de le marquer avec une technologie satellitaire dans une de leurs colonies de Méditerranée occidentale » raconte Pascual Lopez, l'auteur principal de l'étude parue dans Zoological Studies.

    Cliquer pour agrandir. Migration automnale de six faucons jusqu’à Madagascar. © Pascual Lopez <em>et al.</em> / SINC

    Cliquer pour agrandir. Migration automnale de six faucons jusqu’à Madagascar. © Pascual Lopez et al. / SINC

    Les pigeons voyageurs ridiculisés

    Le suivi satellite de ces oiseaux a révélé une migration de 9.500 kilomètres à travers toute l'Afrique jusqu'à Madagascar. Il a aussi mis au jour des comportements surprenants comme la capacité de migrer de jour comme nuit, ce qui était inconnu chez ce genre de rapace, ou de traverser des barrières écologiques. Contrairement à ce que pensaient les chercheurs, les faucons n'ont pas longé les côtes, ils ont directement traversé des bras de mer, le Sahara et la forêt équatoriale ! Au retour, ils ont même changé de trajet et survolé l'Océan Indien sur 1.500 km, c'est-à-dire aux limites de leurs capacités physiologiques !


    Un Faucon d’Eléonore en train de se nettoyer les plumes. © Nazanutria

    En dehors de ses aptitudes migratoires inattendues, le Faucon d'Eléonore possède d'autres singularités, comme un cycle de reproduction basé sur les migrations d'autres oiseaux et une histoire évolutive récente. C'est donc un modèle très intéressant pour l'étude de la phylogéographie (histoire de l'évolution génétiquegénétique et géographique d'une espèce), ainsi que pour découvrir comment un organisme peut effectuer un tel voyage.

    Comme beaucoup d'autres migrateurs, le Faucon d'Eléonore rappelle que la notion de frontière est purement humaine et donc que seules des approches globales et transnationales peuvent être efficaces pour préserver les espèces et l'environnement en général.