Pantala flavescens peut parcourir 6.000 km pour trouver l’âme sœur. Cette libellule répandue dans le monde traverserait même l’océan Indien. C’est le résultat d’une analyse génétique qui a comparé des populations qui sont pourtant géographiquement éloignées.

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    Pour beaucoup d'animaux migrateurs, la migration saisonnière est indispensable pour accomplir leur cycle de reproduction. Mais voilà qu'un insecte ne semble pas se faciliter la vie en choisissant de parcourir des milliers de kilomètres pour se reproduire : Pantala flavescens, la « libellule globe-trotteur », détient le record mondial de la plus longue migration chez les insectes. Cette espèce d'environ 5 cm de long appartient à l'ordre des odonates, comprenant les libellules (anisoptères) et les demoiselles (zygoptères). Parmi les 6.000 espèces connues d'odonates, seulement 25 à 50 sont capables de migrer.

    Plutôt située dans la zone intertropicale, P. flavescens se trouve aussi dans de nombreuses zones tempérées : le nord-est des États-Unis, le sud du Canada, le nord-est de la Chine. Dans un article paru dans PLOS One, des chercheurs de l'université Rutgers ont donc voulu étudier les variations génétiquesgénétiques de cette libellule dans le monde, en utilisant des populations d'Amérique du nord, du sud et d'Asie. Pour cela, ils ont amplifié par PCRPCR l'ADNADN d'un gènegène mitochondrial : CO1, codant pour une cytochromecytochrome oxydaseoxydase.

    L'analyse génétique a montré que ces populations éloignées étaient très similaires du point de vue génétique : la libellule est donc capable de traverser les continents. Des populations du Texas, de l'est du Canada, du Japon, de la Corée, l'Inde et l'Amérique du sud avaient les mêmes profils génétiquesprofils génétiques.

    « Si le Pantala d'Amérique du Nord était seulement élevé avec le Pantala nord-américain et le japonais uniquement avec le japonais, nous verrions des résultats génétiques qui diffèrent les uns des autres », a expliqué Jessica Ware, un des auteurs de cette recherche. « Nous ne voyons pas cela. Ceci suggère le mélange des gènes à travers de vastes étendues géographiques. »

    <em>Pantala flavescens</em> serait la libellule la plus répandue dans le monde. © Achim Raschka, Wikipedia, CC by-sa 3.0

    Pantala flavescens serait la libellule la plus répandue dans le monde. © Achim Raschka, Wikipedia, CC by-sa 3.0

    Une migration multigénérationnelle d’un continent à un autre

    La migration de P. flavescens a aussi comme particularité de traverser les océans : l'insecte vole sur plus de 3.500 km au-dessus de l'océan Indien. Si la traversée des mers et des océans est courante chez des tortues de mer, des baleines, elle est beaucoup plus rare pour un insecte terrestre. La dispersion de la libellule pourrait aussi être en partie passive, utilisant les ventsvents.

    Chez les insectes, le papillon monarque est lui aussi célèbre pour ses grandes migrations : il parcourt environ 4.000 km de son habitat d'hiverhiver au Mexique vers les États-Unis et le Canada où il passe l'été. Ces voyages se font sur plusieurs générations. La migration des Pantala est bien plus longue ; il s'agit même d'une « mission suicide » dans laquelle le retour de l'individu n'est pas possible. Elle se fait elle aussi sur plusieurs générations. Mis bout à bout, les trajets des Pantala sur plusieurs générations totaliseraient plus de 18.000 km avec des parcours individuels de 6.000 km, notamment entre le nord de l'Inde et l'est de l'Afrique, nécessitant la traversée d'un océan.

    La stratégie de P. flavescens peut paraître particulièrement risquée. Mais, pendant son long voyage, la libellule tire profit de la météométéo et des pluies saisonnières. Elle utilise des mares temporaires comme habitat dans lesquelles elle se reproduit. Les larves ont un développement rapide en 38 à 65 jours ce qui leur permet de se développer avant que la mare ne s'assèche. Les nouveaux adultes continuent alors la migration.

    D'ailleurs ne dit-on pas que l'amour donne des ailes ?