Les grands requins blancs sont des adeptes de la migration, y compris les femelles attendant d'heureux événements. Quatre d’entre elles viennent justement d’être suivies, grâce à de la télémétrie par satellite, durant plus de deux ans, soit le temps d'un cycle migratoire complet. Un détail frappe, ces femelles font souvent tout leur possible pour éviter les mâles.

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    Les requins blancs Carcharodon carchariasCarcharodon carcharias sont longtemps restés des animaux marins méconnus, mais cette situation change depuis le développement de la télémétrietélémétrie par satellite. La pose de balises sur des mâles évoluant dans le nord-est du Pacifique, au large des États-Unis et du Mexique, a par exemple permis une identification précise des voies migratoires qu'ils empruntent durant leur vie, ou plutôt entre deux saisons de reproduction. Les grands blancs sont en effet philopatriquesphilopatriques, ils reviennent chaque année sur des sites d'agrégation bien précis pour s'y reproduire.

    Le comportement des femelles est en revanche moins connu, notamment parce que les balises satellite n'ont pas toujours eu l'autonomieautonomie requise pour suivre un individu durant un cycle migratoire complet. La situation a cependant évolué, ce qui a permis à Michael Domeier et Nicole Nasby-Lucas, du Marine Conservation Science Institute, de dévoiler des informations inédites sur la vie de quatre femelles qui ont été marquées au large de l'île de Guadalupe (Mexique). Les Carcharodon carcharias de sexe féminin suivent ainsi un cycle migratoire d'environ deux ans, mais divisé en quatre phases, lorsqu'elles ont été fécondées. Par ailleurs, d'après l'article paru dans la revue Animal Biotelemetry, elles se tiennent le plus éloigné possible des mâles. 


    Cette vidéo a été tournée en 2011 au large de l'île de Guadalupe, dans les eaux mexicaines du Pacifique. Ce lieu est un site d'agrégation pour grands requins blancs : mâles et femelles s'y rassemblent chaque année à la fin de l'été pour s'accoupler. © Silenthunterpty, YouTube

    L'île volcanique de Guadalupe est un point d’agrégation pour les requins blancs en mal de partenaire. Une fois fécondées, les femelles marquées ont quitté l'île en direction du large pour une duréedurée moyenne de 15,5 mois, soit l'équivalent de la gestation de leurs petits (estimée à 465 jours). Chose étonnante, les aires géographiques dans lesquelles elles ont vécu sont plus étendues que celles des mâles. Elles essaient même à tout prix de ne pas pénétrer dans des eaux hébergeant un Carcharodon carcharias du sexe opposé. 

    Des zones de vulnérabilité pour le requin blanc

    À l'issue de cette période, les femelles requins blancs se sont dirigées vers les eaux côtières de la Basse-Californie (un état mexicain), où elles ont donné naissance à leurs petits entre avril et août. Leurs séjours sur place ont duré environ deux mois. Ils se sont terminés lorsque la troisième phase de leur cycle migratoire a débutée, c'est-à-dire lorsque les femelles ont entamé leur voyage en direction du site de reproduction. Toutefois, elles ont une fois encore montré qu'elles cherchaient à éviter les mâles, car les voies migratrices qu'elles ont empruntées diffèrent de celles prises par leurs futurs prétendants.

    Enfin, le cycle se termine par la période d’accouplement qui débute entre fin septembre et fin octobre. Elle peut durer jusqu'à quatre mois et demi. Les femelles fécondées sont alors reparties pour un nouveau cycle de deux ans, les autres... sont revenues l'année suivante. Il reste désormais à savoir pourquoi mâles et femelles font route à part dès qu'ils le peuvent. Les requins observés en phase d'accouplement présentent pour la plupart des traces de morsures. Les femelles pourraient par exemple se tenir éloignées de leurs partenaires potentiels pour éviter d'éventuelles agressions, mais cela reste à vérifier.

    Cette étude dévoile sous un nouveau jour la vie insoupçonnée des grands requins blancs, mais elle suscite également quelques soucis. Elle a révélé l'existence de plusieurs zones où les femelles enceintes, mais aussi leur progéniture, pourraient être victimes de la pêche organisée pour prélever leurs ailerons.