On le pensait propre à l'Homme, mais le regret s'exprime aussi chez les rats. Ce sentiment est visible dans son comportement et dans son cerveau, affirment pour la première fois des neuroscientifiques de l’université du Minnesota aux États-Unis, après une expérience appétissante pour les rongeurs.

au sommaire


    Comme chez les humains, une région du cerveau des rats, le cortex orbitofrontal, est active lors de l’expression du regret face à une occasion manquée. © AlexK100, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0

    Comme chez les humains, une région du cerveau des rats, le cortex orbitofrontal, est active lors de l’expression du regret face à une occasion manquée. © AlexK100, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0

    À l'instar du rire chez les singes, le regret, pour la première fois observé chez le rat, ne serait plus un sentiment propre à l'Homme. Pour arriver à cette conclusion, Adam Steiner, un étudiant de troisième cycle en neurosciences à l'université du Minnesota, aux États-Unis, assisté du professeur David Redish, a testé des rats dans un circuit baptisé Restaurant Row.

    Dans le dispositif expérimental, chaque rat peut choisir entre quatre plateformes offrant chacune une friandise à base de banane, de chocolat, de cerise ou, pour faire office de témoin, une substance insipide. Pour les consommer, le rongeur est contraint à une attente plus ou moins longue de 1 à 45 secondes qui lui est mentionnée par un signal sonore.

    La difficulté de l'expérience reposait sur la distinction entre la déception, où la récompense obtenue est insatisfaisante, et le regret, où la non-réalisation de l'acte optimal est insatisfaisante. La solution : laisser le choix alimentaire au rat et cibler ses changements de décision. Ici, sur le circuit des chercheurs baptisé Restaurant Row, le rat en bas à droite court pour aller manger au restaurant à cerises (<em>running to eat at the cherry restaurant</em>). © Université du Minnesota

    La difficulté de l'expérience reposait sur la distinction entre la déception, où la récompense obtenue est insatisfaisante, et le regret, où la non-réalisation de l'acte optimal est insatisfaisante. La solution : laisser le choix alimentaire au rat et cibler ses changements de décision. Ici, sur le circuit des chercheurs baptisé Restaurant Row, le rat en bas à droite court pour aller manger au restaurant à cerises (running to eat at the cherry restaurant). © Université du Minnesota

    Sachant que son temps total de restauration est crédité de 60 minutes par jour, le gourmand doit gérer au mieux ses choix journaliers : patienter longtemps pour une récompense alléchante ou bien passer son chemin pour une autre possiblement moins appréciée. Lorsque cela arrive, le rat peut revenir sur ses pas et finalement accepter de « faire la queue » au premier restaurant. Il peut aussi ne pas prendre son temps, mais se précipiter pour manger son butin de second choix avant de poursuivre son chemin. Des preuves comportementales de regret, selon les scientifiques.

    Les regrets des rats pour mieux cerner ceux des humains

    Pour également vérifier l'hypothèse au niveau neurologique, les chercheurs ont analysé le cortexcortex orbitofrontal et le striatum de leurs participants, deux parties du cerveaucerveau connues chez l'Homme comme chez le rat pour être impliquées dans la mesure d'enjeu et la prise de décision. Ces zones se sont révélées actives après reniflement de certaines odeurs par les rats et de leur entrée dans certains restaurants.

    Dans des conditions de regret, les cellules neuronales réagissaient de façon significative après que les rats aient volontairement ignoré certaines portesportes d'entrée. L'activité du cortex orbitofrontal de ceux qui se retournaient vers le premier choix traduisait une mauvaise décision, rapportent aussi les neuroscientifiques.

    Leurs résultats, publiés dans la revue Nature Neuroscience, montrent que « chez les rats qui ont reconnu avoir fait une erreur, les indicateurs dans le cortex orbitofrontal représentaient l'occasion manquée », analyse le professeur Redish. De façon similaire au cerveau humain, « le cortex orbitofrontal du rat correspond à ce qu'il aurait dû faire et non à la récompense manquée. Cela a un sens parce qu'on ne regrette pas la chose que l'on ne possède pas, on regrette la chose que l'on n'a pas faite ».

    Selon leurs auteurs, ces découvertes serviront de travaux préliminaires en vue de mieux comprendre pourquoi les Hommes agissent comme ils le font et comment le regret affecte leurs décisions.