Le chirogale moyen possède un talent précieux. Il peut hiberner pendant sept mois sans pour autant dormir profondément. Des chercheurs étudiant cette faculté de près espèrent pouvoir un jour la reproduire chez l’Homme, et ainsi augmenter la durée des voyages spatiaux dans le futur.

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    Le chirogale moyen ou Cheirogaleus medius est un lémurien endémique de Madagascar. C’est l’un des plus petits primates au monde. C’est aussi le seul capable d’hiberner. © Petra Lahann, Wikimedia Commons, cc by sa 2.0

    Le chirogale moyen ou Cheirogaleus medius est un lémurien endémique de Madagascar. C’est l’un des plus petits primates au monde. C’est aussi le seul capable d’hiberner. © Petra Lahann, Wikimedia Commons, cc by sa 2.0

    Lorsque les conditions extérieures deviennent défavorables, certains animaux hibernent. Ils se blottissent dans leur logis et utilisent progressivement leurs graisses tout en ralentissant leur métabolisme. Dans cet état physiologique, ils peuvent alors surmonter les rudes conditions hivernales où la nourriture se fait plus rare.

    De nombreux animaux comme les marmottes, les hamsters, les grenouilles et certains poissons sont capables d'hiberner. Parmi nos cousins primates, seul le chirogale moyen, ou Cheirogaleus medius, peut se mettre dans cet état physiologique. Ce petit lémurien de Madagascar peut en effet rester sept mois en hibernation, ou plus précisément en torpeur, dès que la température diminue. Cet état est caractérisé par un réajustement de la température interne afin d'éviter le gaspillage d'énergieénergie pour se réchauffer.

    L’ours est souvent considéré à tort comme un animal hibernant. Il arrive à fortement diminuer son rythme cardiaque, mais sa température reste relativement stable. On dit plutôt qu’il hiverne. © rhlinuxguy, Flickr, cc by nc nd 2.0

    L’ours est souvent considéré à tort comme un animal hibernant. Il arrive à fortement diminuer son rythme cardiaque, mais sa température reste relativement stable. On dit plutôt qu’il hiverne. © rhlinuxguy, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Une équipe de l'université Duke en Caroline du Nord (États-Unis) s'est intéressée à cet animal particulier. Leurs travaux montrent qu'au cours de l'hibernation, le chirogale moyen ne dort pas complètement mais fait baisser considérablement sa température corporelletempérature corporelle et sa respiration. Cette étude est publiée dans la revue Plos one.

    Le lémurien hiberne sans dormir profondément

    Ces chercheurs états-uniens étudient les lémuriens depuis 2006. La tâche n'est cependant pas toujours évidente et ils doivent faire preuve de ténacitéténacité« En général, les lémuriens en captivité n'hibernent pas et ne sont pas très accommodants. Ils se débattent et nous mordent dès que l'on essaye de les étudier, explique Andrew Krystal, le directeur de l'équipe. Nous avons donc décidé d'aller à leur rencontre directement dans leur habitat naturel, à Madagascar. Mais les choses n'ont pas été plus simples pour autant ! »

    Les chercheurs ont finalement réussi à dompter six individus et leur ont fixé des électrodesélectrodes sur la tête afin d'analyser leur activité cérébrale au cours de la période de torpeur. Leur persévérance a payé. Ils ont montré que le chirogale moyen était presque toujours en phase de sommeil légersommeil léger. En effet, les électroencéphalogrammes présentaient rarement un profil caractéristique de la phase de sommeil paradoxal où les rêves se réalisent. En d'autres termes, pendant sept mois, le chirogale moyen ne dort quasiment pas !

    « Nous étions vraiment surpris de voir qu'un animal pouvait survivre si longtemps sans dormir », soulignent les chercheurs. Une étude réalisée en 1989 chez le rat avait montré que l'absence de sommeil paradoxal induisait des lésions de la peaulésions de la peau, une perte de poids et des dommages au niveau de l'intestin. Dans cette expérience, aucun des rats n'avait survécu plus de 32 jours. Chez l'Homme le record serait de 18 jours, 21 heures et 40 minutes selon l'université de Californie à Berkeley.

    Des Hommes sur de nouvelles planètes grâce à l’hibernation ?

    Les chercheurs ont également montré que le battement cardiaque de ces primates passait de 120 à 6 coups par minute et que leur respiration ralentissait. D'autre part, lorsqu'il fait moins de 25 °C, ils perdent leur capacité d'homéothermie et leur température se met à fluctuer en fonction de celle de l'environnement. Ainsi, ils économisent leur énergie pendant la période hivernale.

    Ces découvertes nous permettent d'en connaître plus sur l'hibernation chez les primates. Elles sont le point de départpoint de départ d'un champ de recherche qui pourrait s'étendre à l'Homme. Selon Chris Smith, du Duke Lemur Center à Durham en Caroline du Nord, les possibilités sont innombrables. « Chez les personnes malades en attente d'un organe, le temps est compté, explique-t-il. Si l'on pouvait ralentir leur métabolismemétabolisme comme le fait le chirogale moyen, on pourrait les faire patienter plus longtemps, et peut-être leur sauver la vie. » La même chose serait valable pour les astronautes. En les mettant en état d'hibernation, il serait possible de repousser les limites de l'exploration spatiale, et de visiter de nouvelles planètes !

    Dans le futur, les scientifiques veulent reproduire cette étude sur un plus grand nombre d'animaux et les étudier pendant plus longtemps. Ces recherches permettraient de mieux comprendre l'hibernation, et pourquoi pas, la reproduire un jour chez l'Homme.