Toujours observé, longtemps ignoré ! Ces quelques mots résument à eux seuls l’histoire d’un os présent dans toutes les pattes d’éléphant. Il correspondrait à un sixième doigt dont le rôle au sein de la patte serait complémentaire à celui des 5 autres. Après le panda, les taupes et quelques grenouilles, les éléphants peuvent donc être ajoutés à la liste des animaux pour qui 5 doigts ne suffisent pas.


au sommaire


    Les éléphants possèdent les plus grandes pattes au monde. Devant leurs apparences massives et robustes, il est souvent surprenant d'imaginer qu'ils marchent sur leurs doigts, comme les chiens ou les chats. Les 5 doigts de la patte sont orientés vers l'avant et reposent, avec le talon, sur un coussin graisseux donnant l'impression que le pied est plat. C'est à l'intérieur de cette structure, jouant le rôle d'un amortisseur, que se trouve un élément osseux comparable à un sixième doigt. Il est connu depuis plus de trois siècles, mais personne ne s'y était intéressé jusqu'à présent.

    John Hutchinson et son équipe du Royal Vetenary College de Londres ont décidé de clarifier la situation en étudiant cet os. Leurs résultats ont été publiés dans la revue Science. L'anatomieanatomie et la fonction de cette structure ont été déterminées grâce à la tomographietomographie assistée par ordinateurordinateur (CT scan). À l'inverse des 5 vrais doigts, cet élément osseux, mesurant 5 à 10 cm, est orienté vers l'arrière. Il soutient donc la partie postérieure des pattes. Il limiterait l'écrasement du coussin adipeux lorsque l'animal pose le pied à terre. Rappelons qu'un éléphant est capable de marcher jusqu'à une vitessevitesse de 20 km/h (il ne sait ni courir ni galoper) et qu'il peut peser jusqu'à 6,3 tonnes (pour un éléphant d’Afrique Loxodonta africana).

    Mais d’où vient ce sixième doigt ?

    Après avoir décrit cet os, John Hutchinson a cherché à en découvrir l'origine. Il est arrivé à ses fins en réalisant des dissections et étudiant la structure même de l'os. Le sixième doigt serait en fait un os sésamoïde modifié. Ce type de structure est le plus souvent observé dans des articulationsarticulations telles que la chevillecheville ou dans des tendons. Des changements de fonction d'un os sésamoïde ont déjà été observés par le passé puisque ce phénomène a donné naissance au sixième doigt des pandas. Ce doigt surnuméraire est opposable aux 5 autres et permet aux pandas d'attraper le bambou (seuls les primates ont de vrais pouces opposables). Il y a néanmoins une différence importante entre les deux espèces : l'éléphant possède 6 doigts à chacune des quatre pattes tandis que seuls les membres antérieurs du panda ont cet appendice surnuméraire.

    Représentation classique de l'anatomie de la patte d'un éléphant. Les doigts pointent vers l'avant et reposent sur un coussinet. John Hutchinson et son équipe ont décrit un os négligé jusqu'à présent. Il pointe vers l'arrière du pied au travers du coussin adipeux. © DR
    Représentation classique de l'anatomie de la patte d'un éléphant. Les doigts pointent vers l'avant et reposent sur un coussinet. John Hutchinson et son équipe ont décrit un os négligé jusqu'à présent. Il pointe vers l'arrière du pied au travers du coussin adipeux. © DR

    Le sixième doigt des éléphants serait apparu il y a 40 millions d'années, lorsque la taille et la massemasse de ces grands mammifères sont devenues trop importantes. C'est à cette période qu'ils auraient commencé à marcher sur les doigts afin d'acquérir une posture permettant de mieux supporter leur poids. Ce changement aurait causé la transformation d'un os sésamoïde en un élément de soutien de la patte. Durant la croissance de l'éléphanteau, l'ossification du sixième doigt n'a pas lieu au même moment. Elle survient lorsque l'animal grandit et prend du poids tandis que les autres doigts apparaissent dès le début du développement.

    Cette découverte illustre parfaitement comment une structure peut évoluer pour acquérir une nouvelle fonction.