Si on leur présente des nombres sous forme de nuages de points, des macaques savent en calculer la somme en une seconde, avec des résultats à peine inférieurs à des étudiants...

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    Duel Homme-Singe. Crédit Duke University

    Duel Homme-Singe. Crédit Duke University

    Le fait que des animaux partagent avec les humains un certain sens des valeurs numériquesnumériques est bien établi. Ainsi, une série d'expériences ont démontré que de nombreuses espèces  (parmi les mammifères et les oiseaux) savent par exemple  déterminer lequel de deux groupes d'objets est plus le grand ou le plus petit, du moins à condition que la différence soit suffisamment élevée. Un animal confondra des représentations de 100 et 101 objets, alors qu'il établira aisément que 10 est plus grand que 5.

    Même en se limitant à cette représentation des nombres sous forme d'une collection d'objets, on peut réaliser des opérations arithmétiques simples, comme le tri et la somme. Peu d'études ont pourtant été menées pour tester la capacité d'animaux à réaliser ce genre d'opérations, et beaucoup moins encore ont tenté la comparaison des animaux et des humains adultes.

    Afin de lever le doute sur cette question, une équipe de chercheurs de la Duke University a organisé une série d'expériences confrontant des macaques à des étudiants. Les sujets ont été installés devant un écran tactileécran tactile faisant apparaître successivement deux ensembles de points de taille différente. L'image se divisait ensuite en deux parties, l'une montrant un nombre de points correspondant à la somme des deux premiers, l'autre une quantité différente. Les singes étaient récompensés s'ils touchaient la partie de l'écran montrant la bonne réponse.


    Deux ensembles de points sont montrés durant une demi-seconde. Puis deux sommes sont proposées, sous forme de points, l'une juste, l'autre fausse. Touchez du doigt la première et vous avez gagné une friandise (si vous êtes un macaque). Crédit Duke University

    Leurs résultats, étonnants, viennent de paraître dans la revue Plos Biology, sous la signature de Jessica F. Cantlon et Elizabeth M. Brannon.

    Soumis au test, les singes ont obtenu 76 % de réussite, et les étudiants 94 %, mais ces derniers effectuaient mentalement une addition alors que les animaux opéraient différemment. Les chercheurs parlent de représentation analogiqueanalogique. Toutefois, singes et étudiants s'octroyaient des temps de réflexion comparables, d'environ une seconde, avant de répondre.

    « Nous savions que des animaux pouvaient reconnaître des quantités mais il était moins évident de savoir s'ils étaient capables d'effectuer des opérations arithmétiques comme des additions. Notre étude montre qu'ils en sont capables », conclut Jessica Cantlon, du département de psychologie et neuroscience de la Duke University, Durham (Caroline du Nord, Etats-Unis).

    Des résultats qui interpellent

    Le nombre de bonnes réponses dépendait de l'écart entre bonne et mauvaise réponses. « Si la somme exacte était 11 et que la partie de l'écran avec la mauvaise réponse affichait 12 points, singes et étudiants prenaient plus de temps pour répondre et se trompaient plus souvent », rapporte Jessica Cantlon.

    Des résultats de cette expérience, il découle que les humains semblent partager avec les primates un système cognitif et non verbal pour résoudre des problèmes arithmétiques simples, qui traduit vraisemblablement une origine évolutive commune.

    Les singes ont obtenu leur somme en combinant deux représentations mentales (les images des ensembles de points). Les humains en appellent régulièrement à ce travail mental pour résoudre certains problèmes cognitifs, voire mathématiques. L'expérience, basée sur des problèmes identiques posés aux deux groupes, démontre que les singes sont capables de la même performance.

    Bien d'autres observations ont décrit des situations où des animaux semblent exécuter des calculs qui exigent de combiner différentes représentations mentales. Par exemple, pour l'écholocation, les chauves-sourischauves-souris doivent extraire les signaux utiles des multiples échos renvoyés dans de nombreuses fréquences par leur environnement. Les rats sont aussi à même d'intégrer des données de distance et d'orientation et de les intégrer à leur propre position dans cet espace durant leurs déplacements. Les chercheurs estiment que ces animaux - et bien d'autres - combinent diverses représentations numériques pour obtenir des résultats arithmétiques approximatifs.

    Le langage mathématique ne peut plus être considéré comme l'apanage des humains. Elizabeth Brannon, co-auteur de la recherche, l'affirme avec force : « Les performances mathématiques des adultes humains tiennent surtout à leur capacité de représenter des concepts numériques en utilisant des signes. Un singe est incapable de faire la différence entre 2000 et 2001 objets. Cependant, nos travaux ont montré que humains et singes peuvent manipuler mentalement des représentations de nombres pour générer des sommes approximatives de simples objets ».