Comment éloigner les éléphants des cultures, qu'ils détruisent avec entrain ? En faisant appel à des abeilles. Ce n'est pas une farce. Lucy King, scientifique de l'université d'Oxford, vient d'être récompensée par le Programme des Nations unies pour l'environnement pour avoir mis au point ce procédé efficace et peu coûteux qui fonctionne maintenant depuis plusieurs années.

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    Les agriculteurs kényans protègent leur culture de l'intrusion des éléphants grâce à des abeilles. © Bruno Scala, cc by nc nd 2.0

    Les agriculteurs kényans protègent leur culture de l'intrusion des éléphants grâce à des abeilles. © Bruno Scala, cc by nc nd 2.0

    • Découvrez le dossier complet consacré aux éléphants 

    Les animaux ne sont pas forcément les amis de l’Homme et la vie en harmonie n'est pas toujours chose aisée. Dans certains cas, cela peut mener à des problèmes sanitaires. L'exemple des moustiques qui sont vecteurs de nombreuses maladies (dengue, paludisme, chikungunya, etc.) est certainement le plus représentatif. 

    Dans d'autres cas, le problème peut être économique. Il n'est pas rare que les loups dévoreurs de cheptels soient à l'origine de buzz médiatiques. La relation entre l'Homme et les animaux peut être également tout à fait conflictuelle, comme nous l'a récemment rappelé l'histoire des attaques de requins à la Réunion.

    Les éléphants fuient les abeilles

    En Afrique, et plus particulièrement au Kenya, les agriculteurs sont exposés à ce type de soucis avec les éléphants. Ces pachydermes, dont l'habitat ne cesse d'être réduit par les activités humaines, ont tendance à empiéter sur les espaces occupés par les agriculteurs et il en résulte une dégradation des cultures ou parfois même des habitations.

    Lucy King a été récompensée par le Programme des Nations unies pour l'environnement. © DR

    Lucy King a été récompensée par le Programme des Nations unies pour l'environnement. © DR

    Lucy King est chercheuse à l'université d’Oxford, au sein du département de zoologie. Récemment, elle a été récompensée par le Programme des Nations unies pour l'environnement - prix de thèse - pour avoir trouvé une solution pacifiste à ce problème. Cette solution provient... des abeilles.

    Dans une étude publiée en 2007 dans Current Biology, l'équipe de LucyLucy King a montré que plus de 90 % des éléphants sont effrayés quand ils entendent le bourdonnement des abeilles et fuient. De plus, lors de la fuite, ils émettent un grondement spécifique qui prévient leurs congénères du danger.


    Les éléphants sont surpris par un bruit de bourdonnement d'abeilles. Aussitôt, ils fuient la source du bruit. © Lucy King et al. 2010 - Plos One

    « Travailler avec la nature plutôt qu'à son encontre »

    À partir de cette découverte, l'équipe de chercheurs a mis en place un système permettant d'éloigner les éléphants des habitations et des cultures, au Kenya. Un projet pilote a donc été mis en place. Dix-sept fermes ont été entourées d'une barrière de ruches (une tous les 10 mètres, reliées deux à deux par des câbles), tandis que dix-sept autres (lot témoin) étaient encerclées par une haie de buisson classique.

    Lorsque les éléphants tentaient de s'approcher des fermes protégées par les barrières de ruches, la secousse des câbles provoquait une agitation des abeilles au sein de la ruche, faisant fuir immédiatement les intrus.

    Une barrière de ruches à l'entrée d'une parcelle agricole. © Lucy King/Université d'Oxford

    Une barrière de ruches à l'entrée d'une parcelle agricole. © Lucy King/Université d'Oxford

    Ce système a ensuite été adopté par de nombreux agriculteurs kenyans et les résultats sont spectaculaires. Sur 90 tentatives d'intrusion d'éléphants, seulement 6 ont provoqué un incident, soit 7 %. Ainsi non seulement les agriculteurs protègent leurs terres des pachydermes, mais ils bénéficient aussi du produit de l'apiculture.

    Une réussite qui fait des envieux en Tanzanie et en Ouganda où des barrières de ruches pourraient également être hérissées très prochainement. Et qui a valu une récompense bien méritée à son instigatrice, comme l'a affirmé Achim Steiner, secrétaire général adjoint de l'ONU et directeur exécutif du PNUEPNUE, lors de la remise de ce prix : « ses recherches soulignent que le fait de travailler avec la nature, plutôt qu'à son encontre, peut apporter à l'humanité de nombreuses solutions ».