Savez-vous Mesdames que la dépression post-partum peut aussi toucher les hommes ? Savez-vous également que ceux-ci produiront moins de testostérone une fois qu’ils seront papa ?


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    Il faut d'abord savoir que 80 % des femmes éprouvent une petite tristesse passagère après l’accouchement, on appelle cela le baby-blues. 10 % ressentent une véritable dépression, dite « dépression post-partum ». Mais ce qui est moins connu, c'est que le père peut également souffrir de cette forme de dépression. Cette pathologie peut avoir un effet désastreux sur le couple et sur la relation avec l’enfant... Ainsi quelques semaines après l'accouchement, le père peut devenir anormalement anxieux et triste, avoir une perte de l'appétit, des troubles du sommeil, voire des idées suicidaires.

    Dans une étude réalisée par l'université d'Oxford (Ramchandani et al., 2005) sur 26.000 parents, il apparaissait que 4 % des pères avaient eu des symptômes dépressifs cliniquement significatifs dans les huit semaines après la naissance de leurs enfants. Ces papas ont été évalués grâce à un questionnaire spécifique. Mais les chercheurs se sont aussi intéressés aux enfants et à l'impact que pouvait avoir l'état dépressif du père sur le développement du bébé. Les enfants ont donc aussi été testés.

    Les travaux concernant l'impact de la dépression des mères sur le développement de leurs bébés sont bien documentés. On sait depuis longtemps que l'état dépressif de la mère a une influence néfaste sur le développement du bébé (Sinclair et Murray, 1998). Cependant, les spécialistes ont découvert que la dépression du père en période « post-natale » augmentait aussi les risques de problèmes émotionnels et comportementaux chez leurs enfants vers 3 ans (42 mois).

    Et cette étude démontre aussi un impact négatif plus fort sur le développement de l'enfant.

    L'impact de la dépression des parents sur l'enfant. © Serge Ciccotti, tous droits réservés
    L'impact de la dépression des parents sur l'enfant. © Serge Ciccotti, tous droits réservés

    D'une façon générale, on peut dire que l'on remarque deux fois plus de problèmes psychiques chez les enfants ayant eu un parent dépressif. Mais si l'on ne s'intéresse qu'aux pères dépressifs, les résultats indiquent que leurs enfants ont un risque plus important de problèmes de comportement à l'âge de trois ans et demi. La dépression paternelle dans les premiers mois de l'enfant augmente donc les problèmes de développement, surtout chez les petits garçons. Bien que les chiffres n'apparaissent pas dans le tableau ci-dessus, l'étude de Ramchandani et de ses collègues rapporte que la dépression des pères n'affecte que leurs fils, pas leurs filles. Ce n'est pas le cas chez les mères dépressives dont garçons et filles présentent autant de troubles.

    Pourquoi la dépression du papa a-t-elle un impact sur le développement des enfants ?

    En réalité on ne sait pas vraiment. Il est probable que les réponses non adaptées du père aux sollicitations de l'enfant puissent en être la cause. Les interactions entre le papa et l'enfant ne seraient pas correctement ajustées. Les petits garçons seraient alors plus sensibles que les petites filles à ce mode de relation avec le père. Il est possible également que certains facteurs héréditaires puissent jouer : la vulnérabilité génétique du père et les troubles de l'enfant seraient ici liés. Mais pourquoi les nouveaux papas dépriment-ils après l'accouchement ? On pourrait penser que c'est à cause de problématiques liées à la paternité qui entraînent alors des ruminations mentales du type : « Aurais-je assez d'argentargent pour nourrir ma famille ? », « Aurais-je encore un peu de liberté ? », « Serais-je un père à la hauteur ? ». Pour les mères, la dépression s'explique davantage par les grands chamboulements dans la biologie hormonale qui va modifier le fonctionnement du cerveaucerveau.

    En réalité, cette façon de voir les choses est un peu dépassée, en tout cas pour les pères. Il a en effet été démontré que le fait de devenir papa modifie aussi la biologie des hommes ! De nombreux travaux témoignent du fait que les hormoneshormones des nouveaux pères se modifient. On a ainsi mis en évidence chez les singes marmouset une rapide augmentation des récepteurs de l'hormone vasopressine dans le cerveau des nouveaux papas primatesprimates. La vasopressine améliore le comportement parental chez les animaux. Il y a aussi des preuves que les niveaux de testostéronetestostérone ont tendance à baisser chez les hommes pendant la grossesse de leur partenaire, peut-être afin de faire des futurs pères moins agressifs, plus susceptibles de créer des liens avec leurs nouveau-nés.

    Harmonie parentale indispensable au bon équilibre d'un bébé. © RudyJeanPhotography, Pixabay, DP
    Harmonie parentale indispensable au bon équilibre d'un bébé. © RudyJeanPhotography, Pixabay, DP

    Situation familiale et niveau de testostérone

    GrayGray et ses collègues chercheurs de l'Université du Wisconsin et de Harvard (2004) ont regardé si l'état matrimonial avait un effet sur la testostérone. Ils ont mené leurs recherches sur la population Ariaal qui vit dans le nord du Kenya, en comparant les niveaux de testostérone des hommes célibataires, des hommes mariés à une femme, et des hommes mariés à plusieurs femmes. Des échantillons de salivesalive de 205 hommes de plus de 20 ans ont été examinés. Les scientifiques ont découvert qu'à âge égal, les hommes mariés avaient un niveau de testostérone nettement plus bas que les hommes célibataires. Et encore plus surprenant, chez les Ariaal polygames, le niveau de cette hormone était encore plus bas. Ces résultats suggèrent que la diminution de la testostérone ne s'arrête pas avec le fait d'avoir une femme. Dans une seconde étude, ces mêmes chercheurs ont également remarqué que le fait d'avoir des enfants avait le même type d'effet.

    La situation familiale et la responsabilité paternelle peuvent avoir un effet significatif sur le niveau de testostérone ainsi que sur celui d'autres hormones chez les hommes. On sait que la testostérone est la principale hormone mâle, qu'elle joue un rôle dans le désir sexuel chez l'homme, mais aussi sur son agressivité. On sait par ailleurs qu'il existe un lien entre la dépression et un niveau faible du taux de testostérone chez les hommes d'âge moyen : il est donc possible que cela augmente aussi le risque de dépression post-partum.

    Cependant on a remarqué que le meilleur prédicteur de la dépression post-partum paternelle est de loin celui d'avoir une partenaire déprimée. On a ainsi vu que les pères dont les partenaires déprimaient étaient à leur tour deux fois et demie plus déprimésdéprimés que les autres hommes. Ce n'est pas sans conséquence car si le père peut aider sa femme dans une période où elle est vulnérable, ce n'est plus le cas s'il déprime aussi. Le risque étant alors de compliquer le développement émotionnel et cognitif du bébé.