En ce début de mois de février, la France connaît un épisode neigeux important conforté par des températures assez basses. Si la neige complique les transports au quotidien des humains, elle n’est pas sans conséquence sur la vie de la faune sauvage. Comment les animaux se nourrissent-ils lorsque le sol est recouvert d'une neige qui les empêche d’accéder à leur nourriture habituelle ? En 2013, nous vous présentions cette vidéo d’un renard qui n’hésite pas à bondir et plonger la tête la première dans la neige. Le renard roux est capable de repérer les rongeurs sous cinq mètres de neige avec une précision extrême, en particulier lorsque la proie se dirige vers le nord...

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    Article paru le 18 décembre 2013

    Un désert blanc, sans vie apparente, et du silence. C'est le décor que rencontre le renard roux (Vulpes vulpesVulpes vulpes) d'Amérique du Nord durant tout l'hiver. Les proies favorites de cet animal sont les rongeurs, bien souvent cachés sous un à cinq mètres de neige. S'il est rusé, le renard fait preuve de compétences absolument exceptionnelles pour les dénicher. Dans un silence glaçant, il bondit tel un léopard, plonge la tête la première dans la neige et s'extirpe avec aisance, rongeur en bouche. Le spectacle force l'admiration, et comment arrive-t-il à plonger avec une telle précision à l'endroit exact où la proie se cache sous cinq mètres de neige est encore quelque peu mystérieux.


    Le renard roux en Amérique du Nord utilise uniquement la technique du mulotage pour chasser sous la neige. Elle consiste à identifier la position de la proie, et bondir pour percer, tête la première, la couche de neige. © Discovery, YouTube

    La vidéo décryptée : le champ magnétique terrestre comme télémètre

    Issues d'un documentaire paru sur la chaîne de télévision DiscoveryDiscovery, ces images mettent en évidence l'étonnante habileté du canidé, véritable roi des neiges. À première vue, l'animal semble se concentrer et tendre l'oreille. Il est doté d'une ouïe extrêmement développée, qui lui permet d'identifier la position de ses proies. Ensuite, il bondit, en se courbant et sautant à pieds joints, caractéristiques d'une technique de chasse appelée « mulotage ». Ce saut, lui permet d'arriver en piqué sur sa proie, qui ne peut qu'être surprise puisqu'elle ne peut l'entendre surgir. En général, le rongeur, mordu à la nuque, est tué sur le coup.

    Le renard roux entend mieux que n'importe quel mammifère terrestre à très basse fréquence. Il repère ses proies grâce aux sons qu'elles émettent en grattant la neige pour se frayer un chemin. Toutefois, cela n'explique pas comment il peut localiser l'endroit exact où se trouve sa proie. Cela n'explique pas non plus comment évalue-t-il la hauteur et le moment où il doit bondir. Si aujourd'hui quelques zones d'ombres persistent, les scientifiques sont sur une piste : le renard roux utiliserait le champ magnétique terrestre. En observant, durant deux ans, cette espèceespèce en République Tchèque, Jaroslav Červený a analysé près de 600 sauts de mulotage, réalisés par 84 renards. Il a montré dans une étude publiée dans les Biology Letters que les renards réussissent 73 % de leurs attaques lorsqu'elles sont dirigées vers le nord.

    Une représentation schématique du « télémètre » du renard. Sur le panneau du haut, trois plans du paysage vu par le renard. Les étoiles jaunes montrent la position du rongeur, repérée par le son qu’il émet. Le panneau du milieu montre l’œil du renard, en fonction du paysage (panneau du haut) où il se trouve. Dans sa rétine, on montre la projection de la perception du son émis par le rongeur, la pente du champ magnétique (vecteur violet). Le panneau du bas associe le comportement du renard à sa position (panneau du haut) et à l’alignement du son de la proie et du champ magnétique dans son œil. Lorsque ces deux paramètres sont alignés, l’animal connaît la position de sa proie et bondit. © Jaroslav Červený <em>et al.</em>, <em>Biology Letters, </em>2011

    Une représentation schématique du « télémètre » du renard. Sur le panneau du haut, trois plans du paysage vu par le renard. Les étoiles jaunes montrent la position du rongeur, repérée par le son qu’il émet. Le panneau du milieu montre l’œil du renard, en fonction du paysage (panneau du haut) où il se trouve. Dans sa rétine, on montre la projection de la perception du son émis par le rongeur, la pente du champ magnétique (vecteur violet). Le panneau du bas associe le comportement du renard à sa position (panneau du haut) et à l’alignement du son de la proie et du champ magnétique dans son œil. Lorsque ces deux paramètres sont alignés, l’animal connaît la position de sa proie et bondit. © Jaroslav Červený et al., Biology Letters, 2011

    Tel un télémètre, le champ magnétique terrestre permet à l'animal de calculer la distance qui le sépare de sa proie. L'équipe tchèque suggère dans leur étude que le renard pourrait bien être capable de percevoir le nord magnétique comme une tâche sombre ou lumineuse. Dans l'hémisphère nordhémisphère nord, le champ magnétique suit une pente de 60 à 70° par rapport à l'horizontal. Les scientifiques pensent que lorsque dans la rétinerétine du renard, la perception du son émis par la proie est confondue avec la pente du champ magnétique, alors le renard sait exactement à quelle distance il se trouve de sa proie. La distance étant fixe, il réalise ainsi toujours le même saut.

    L’après-vidéo : l’unique animal à utiliser le magnétisme comme télémètre

    L'utilisation du champ magnétique comme télémètre n'est encore qu'une théorie chez le renard roux. Si elle est avérée, ce canidécanidé sera le premier animal connu à l'utiliser à des fins de chasse. Le géomagnétisme est largement utilisé par le monde animal. On sait par exemple que les saumons se servent du magnétismemagnétisme pour pondre à l'endroit où eux-mêmes sont nés. Les oiseaux migrateursmigrateurs s'en servent également tel un GPSGPS... Beaucoup d'animaux ont recours au magnétisme terrestre pour évaluer une position, mais jusque-là on ne connaissait aucune espèce capable de calculer une distance avec.

    Si elle est spéculative, cette théorie est loin d'être improbable. Les observations sont claires, le renard réussit ses attaques majoritairement lorsqu'il s'oriente vers le nord. Le bond qu'il fait semble être toujours le même, suggérant que la distance est fixe, donnant du poids à la notion d'alignement du champ magnétique et de la réflexion du son. De nouvelles études finiront bien par trouver une explication, en attendant, le mulotage est toujours subjuguant.

    Chronique : l'extrême en vidéo

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    Publiée toutes les deux semaines sur Futura-Sciences, la chronique L’extrême en vidéo décrypte des phénomènes naturels ou des exploits humains à couper le souffle. La nature déchaînée, mystérieuse ou étonnante, et les Hommes qui risquent leur vie pour l'explorer seront les thèmes de ces séquences spectaculaires que nous analyserons avec l'œil du scientifique.