La fragmentation des cours d’eau du bassin de l’Indus, causée par une série de barrages, menace de faire disparaître un cétacé déjà bien affaibli, le dauphin de l’Indus. C’est ce que démontre une étude, qui ajoute une cause supplémentaire : le prélèvement d’eau pour l’irrigation.

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    Au Pakistan, le développement des populations humaines ne fait pas bon ménage avec celles des cétacés qui vivent dans les eaux de l'Indus et ses affluents. Selon une étude du WWF menée par Gill Braulik (université de Saint-Andrews, Écosse) et son équipe, publiée dans la revue Plos One, c'est principalement le morcellement de son habitat par une succession de barrages qui met à mal les populations de dauphin de l’Indus, Platanista gangetica minor (ou Platanista minor selon les auteurs qui en font une espèce à part).

    Les chercheurs notent que ces barrages, dont le premier remonte à 1870, ont créé 17 tronçons et observent que le dauphin a disparu dans 10 d'entre eux avec un doute pour l'un des 7 restants. Les animaux ne subsistent donc plus que dans six petites sections de l'Indus et de ses affluents. La population totale avait été estimée en 2006 à 1.200 individus (rapport de la WDCS). Le plus gros de la troupe (environ 600 animaux) se trouve entre les barrages de Guddu et de Sukkur, séparés de seulement 200 km environ.

    La vallée de l'Indus, au Pakistan, avec tous ses barrages (en noir) à peu près infranchissables par les dauphins, qui ont créé 17 segments. Les couleurs indiquent les observations relatives à <em>Platanista gangenica minor</em>. En bleu : présence ; en rouge, orange, jaune et vert clair : pas d'observation depuis, respectivement, les années 1980, 1970, 1960 et 1950. En vert foncé : pas d'observation depuis celles d'Anderson en 1879. © Gill T. Braulik <em>et al.</em>, <em>Plos One</em>

    La vallée de l'Indus, au Pakistan, avec tous ses barrages (en noir) à peu près infranchissables par les dauphins, qui ont créé 17 segments. Les couleurs indiquent les observations relatives à Platanista gangenica minor. En bleu : présence ; en rouge, orange, jaune et vert clair : pas d'observation depuis, respectivement, les années 1980, 1970, 1960 et 1950. En vert foncé : pas d'observation depuis celles d'Anderson en 1879. © Gill T. Braulik et al., Plos One

    Les cétacés d’eau douce sont menacés partout

    En soi, l'observation n'est pas un scoop puisque l'espèce est déjà classée dans la Liste rouge par l'UICN comme menacée de disparition et, d'une manière générale, on sait que les cétacés d’eau douce sont particulièrement exposés aux activités humaines. Le dauphin de Chine, ou BaijiBaiji a, lui, définitivement disparu.

    Le but de l'étude était de déterminer la ou les causes ayant influé sur les effectifs. En prenant en compte l'évolution des populations au fil de l'édification des barrages, les auteurs démontrent une relation entre la disparition des animaux et la longueur des sections entre deux obstacles. C'est donc bien le rétrécissement de l'espace vital qui complique la vie de ces mangeurs de poissons.

    Ce n'est pas la seule cause, cependant. Le prélèvement d'eau pour l'irrigation des surfaces agricoles et l'approvisionnement des villes réduit le volumevolume disponible et en augmente la température. Pour les chercheurs, c'est le second impact.

    Le dauphin de l'Indus est doté d'un long rostre et mesure environ deux mètres de longueur. © Albert Reichert, Licence CC-BY

    Le dauphin de l'Indus est doté d'un long rostre et mesure environ deux mètres de longueur. © Albert Reichert, Licence CC-BY

    La pollution est importante dans ces cours d'eau, mais n'aurait joué qu'un rôle secondaire dans la diminution des effectifs du dauphin de l'Indus pour une raison simple : les populations avaient déjà disparu de nombreuses sections quand la qualité des eaux s'est dégradée brusquement durant les années 1980. Son accentuation depuis les dernières années sera sans doute un facteur supplémentaire de déclin, prévient l'UICNUICN. Quant à la chasse -- ces animaux furent longtemps recherchés pour l'huile et la viande --, elle est interdite depuis de nombreuses années et serait actuellement marginale.

    Pour les auteurs de l'étude, c'est la preuve qu'il faut prendre en compte l'impact des barrages sur la faunefaune lors de l'aménagement d'un fleuve pour en tirer des ressources énergétiques ou hydriques, en particulier pour les cétacés, en déclin dans de nombreux fleuves d'Asie, à l'instar du marsouin du Yang Tsé.