Les chercheurs ont déjà beaucoup étudié les anoles, ces lézards vivant en Amérique et dans les Caraïbes. Ils en connaissent davantage sur leurs habitats, leurs relations avec d'autres espèces ou encore leur morphologie. Une nouvelle découverte surprenante vient pourtant d'être faite. Elle révèle que l'appareil reproducteur masculin de cet animal évolue beaucoup plus rapidement que le reste de son anatomie.

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    Un double pénispénis qui évolue six fois plus vite que les autres parties du corps : les lézards Anolis ont de quoi surprendre. En fait, les hémipénis de ces animaux sont bien connus des spécialistes. Ils sont même l'un des caractères morphologiques externes qui permettent de distinguer le groupe des lézards, dit squamates ou saurophidiens, des autres reptiles.

    L'appareil copulateur des mâles se compose en effet de deux hémipénis symétriques, alors qu'il n'en existe qu'un seul, impair et médian, chez les tortues et les crocodiles. Les attributs des lézards mâles ne s'exhibent qu'au moment de l'accouplement par leur fente cloacale située à la base de leur queue.

    En revanche, les scientifiques ne savaient pas grand-chose de l'évolution de ces organes intéressants à plus d'un titre. Parmi les milliers d'espècesespèces de lézard répertoriées, certaines d'apparences presque identiques, peuvent présenter une importante variabilité d'hémipénis, ce qui en fait un bon outil de distinction. En outre, les chercheurs soupçonnent depuis longtemps que les organes génitaux masculins évoluent plus vite que les autres parties du corps. Aussi, pour la première fois, une étude parue dans la revue Journal of Zoology, s'est penchée sur la question de l'évolution de ces attributs sexuels.

    Variation morphologique des hémipénis de : (a) <em>Anolis litorali</em>s, (b) <em>A. evermani</em>, (c) <em>A. brunneus</em>, (d) <em>A. cybotes</em> et (e) <em>A. grahami</em> où sont mesurées (1) la longueur, (2) la largeur aux lobes et (3) la largeur au niveau du corps. La barre verticale de gauche représente une échelle de 1 mm. © Julia Klaczko <em>et al., Journal of Zoology</em>

    Variation morphologique des hémipénis de : (a) Anolis litoralis, (b) A. evermani, (c) A. brunneus, (d) A. cybotes et (e) A. grahami où sont mesurées (1) la longueur, (2) la largeur aux lobes et (3) la largeur au niveau du corps. La barre verticale de gauche représente une échelle de 1 mm. © Julia Klaczko et al., Journal of Zoology

    Un éventuel avantage pour mieux dominer ou séduire la femelle

    Les recherches ont porté sur les organes génitaux de 25 espèces d'Anolis, ce lézard qui vit notamment dans les Caraïbes. Les chercheurs les ont mesurés et comparés à d'autres traits morphologiques non sexuels mais également évolutifs comme les membres et le fanonfanon gulaire (il s'agit d'une membrane de peau située sous la gorge et qui se déploie pour séduire une femelle, chasser un intrus ou effrayer un prédateur).

    Les résultats de l'étude montrent que les hémipénis présentent des taux d'évolution six fois supérieurs à ceux des pattes et de l'organe de communication, d'où leur plus grande diversité de formes et de tailles par rapport aux autres parties du corps.

    Pour les auteurs de l'article scientifique, l'explication de tels faits reste difficile et plusieurs hypothèses sont émises. Il pourrait s'agir d'une compétition entre partenaires mâles et femelles pour dominer sur la reproduction. Chaque modification des organes au cours des générations pourrait en effet tendre au contrôle de l'acte alternativement par les mâles ou les femelles. Une autre possibilité serait que les femelles choisissent prioritairement de s'accoupler avec les mâles dont le sexe s'ajusterait au mieux à leur vaginvagin.

    De nouveaux travaux seront bientôt menés pour en savoir davantage sur les facteurs responsables de cette variabilité et sur l'existence éventuelle d'un lien avec les types d'habitats ou avec les relations entre les différentes espèces.