Varroa destructor, un acarien parasite de l’abeille asiatique, s’est adapté à l’abeille européenne, ce qui a contribué à son déclin récent. La raison : l’acarien peut imiter la composition de leur cuticule, cette enveloppe externe qui protège l'insecte. Il tromperait ainsi la vigilance de ces deux espèces.

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    Le parasite de l’abeille asiatique a colonisé l’abeille domestique européenne. © Toshihiro Gamo, Flickr, CC by-nc-nd 2.0

    Le parasite de l’abeille asiatique a colonisé l’abeille domestique européenne. © Toshihiro Gamo, Flickr, CC by-nc-nd 2.0

    L'acarien Varroa destructor est un ectoparasite de l'abeille domestique, c'est-à-dire qu'il vit à sa surface. Celui-ci pose de nombreux problèmes sanitaires à leurs colonies. Il s'introduit en effet dans les alvéoles des ruches contenant les larves d'abeille et se nourrit de leur hémolymphe. Il parasite également les nymphes et les abeilles adultes, participant au déclin observé actuellement chez cette espèceespèce et provoquant des pertes économiques importantes en apiculture. L'hôte d'origine de cet acarien est Apis cerana, l'abeille asiatique, mais il est devenu une grave menace pour l'abeille européenne (Apis mellifera) qu'il a commencé à parasiter dans les années 40-50 et qui résiste moins bien à ses attaques. Les abeilles asiatiques présentent en effet des comportements (toilettage des adultes et vérification des larves par les ouvrières) qui leur permettent de détecter et d'éliminer le parasite. Ces comportements se retrouvent moins chez les abeilles mellifèresmellifères (qui transforment le nectar en miel) et, sans traitement chimique, leurs colonies meurent en deux à trois ans.

    La cuticule, c'est-à-dire l'enveloppe externe de l'abeille, est constituée d'un mélange d'une cinquantaine de composés lipidiques - des hydrocarbureshydrocarbures - qui servent, entre autres, à la communication chimique. Les abeilles sont capables de reconnaître la composition d'une cuticulecuticule et d'identifier ainsi l'espèce ou l'âge d'un individu. Cela leur sert également à détecter la présence des parasites, dont la cuticule est différente. Des études précédentes ont cependant montré que l'acarien Varroa destructor peut mimer les hydrocarbures cuticulaires de leur hôte et ainsi échapper au comportement hygiénique des abeilles.

    Dans ces nouveaux travaux, des chercheurs de l'institut de recherche sur la Biologie de l'insecteinsecte (CNRS, université François Rabelais de Tours) et du laboratoire Abeilles et environnement de l'Inra, en collaboration avec des collègues américains et chinois, se sont intéressés à la capacité des acariens, selon leur origine, à mimer la composition de la cuticule d'un nouvel hôte, d'une espèce différente, en transférant des acariens vivant dans une colonie d'abeilles asiatiques sur des larves d'abeilles européennes et inversement.

    Le minuscule parasite <em>Varroa destructor</em> menace la santé des abeilles (ici sur sa tête). © Gilles San Martin, Flickr, CC by-sa 2.0

    Le minuscule parasite Varroa destructor menace la santé des abeilles (ici sur sa tête). © Gilles San Martin, Flickr, CC by-sa 2.0

    Varroa destructor et le mimétisme chimique

    Leurs résultats parus dans la revue Biology Letters montrent que les parasites sont capables d'imiter les deux hôtes, même lorsqu'ils sont transférés artificiellement. En effet, les proportions des hydrocarbures cuticulaires des acariens changent après le transfert afin de mimer la cuticule de leur nouvel hôte. Le mimétismemimétisme chimique est donc maintenu et cette faculté d'adaptation remarquable pourrait expliquer comment ce parasite de l'abeille asiatique a pu coloniser l'abeille domestique.

    L'analyse des cuticules a aussi mis en lumièrelumière que les acariens issus de colonies d'abeilles asiatiques sont de meilleurs imitateurs que ceux provenant d'abeilles européennes. Ainsi la longue co-évolution entre Varroa destructor et Apis cerana a, semble-t-il, permis aux acariens d'être plus efficaces dans leur mimétisme chimique et aux abeilles asiatiques de développer des comportements plus adaptés à la lutte contre le parasite. À l'inverse, le passage relativement récent de l'acarien chez Apis mellifera explique pourquoi l'abeille européenne a du mal à détecter le parasite. Ce système hôte-parasite offre donc une belle illustration de la « course aux armements » à laquelle se livrent deux organismes au cours de leur évolution commune.