Après le volet marin, l'expédition terrestre de La planète revisitée en Guyane vient de s'achever. Son responsable, Olivier Pascal, directeur des opérations de recherche sur la biodiversité à l'ONG Pro-Natura International, nous dresse un premier bilan de cet inventaire de la biodiversité forestière.

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    Il n'y avait guère plus reculée comme zone de prospection lors du volet terrestre de la mission exploratoire de La planète revisitée en Guyane. C'est dans le massif du Mitaraka, à la pointe sud-ouest du département d'outre-mer français, près du Surinam et du Brésil, qu'une trentaine de naturalistes ont collecté, deux mois durant, des échantillons de la faune et de la flore locales.

    Premier constat pour ces spécialistes habitués des forêts tropicales : la couverture forestière n'est pas très haute, contrairement à d'autres zones telles qu'à Saül, commune située au centre du département. Pour autant, la région est très riche en espèces, certainement du fait de sa topographie complexe qui dessine des sous-bois denses et les inselbergs du Mitaraka, sorte de collines culminant à près de 700 mètres d'altitude. L'absence de toute habitation à moins de 120 km - et a priori de tout orpailleur - contribuent à l'attractivité des lieux, aux yeuxyeux des scientifiques.

    L'effort collectif déployé durant des semaines fut payant : deux tiers de la faune guyanaise connue ont été collectés et ils donnent une image assez exhaustive du milieu et de sa biodiversité. « À la marge, on a trouvé quelques originalités », rapporte Olivier Pascal, botanistebotaniste et responsable de l'expédition terrestre. C'est notamment le cas de certains animaux vivant habituellement en savane littorale. « Probablement parce que les inselbergs créent des conditions de savanes de roches », suppose-t-il.

    Massif de Mitaraka, Guyane. © Olivier Pascal, MNHN, PNI

    Massif de Mitaraka, Guyane. © Olivier Pascal, MNHN, PNI

    Une mission basée sur le partage d'expériences naturalistes

    Il faudra des mois, voire des années, pour que les hypothèses soient confirmées mais fort est à parier que de nouvelles espèces enrichiront les connaissances scientifiques, tous groupes confondus. Pour l'heure, des suspicions portent sur des orthoptères (grillons, sauterellessauterelles, criquets) et des diptèresdiptères (mouches, moustiquesmoustiques, taons, moucherons, etc.), mais aussi sur des champignonschampignons et des annélides (sangsues, lombrics, etc.), deux groupes étudiés depuis peu en Guyane. Du côté des poissonspoissons, 40 espèces d'eau douceeau douce ont été répertoriées et une à deux espèces pourraient être nouvelles. « Ce n'est pas formidable mais assez logique : nous sommes en tête de bassin », note Olivier Pascal.

    Déjà bien recensés en Guyane, les batraciensbatraciens et les reptilesreptiles ont fait l'objet d'études sur leur distribution dans la zone, tout comme les arbresarbres. « Les chercheurs veulent comprendre leur schéma de répartition pour pouvoir le comparer avec ceux d'autres sites », précise Olivier Pascal. « Avec environ 200 espèces d'arbre par hectare, on est dans le haut du panier », ajoute-t-il.

    Ni les oiseaux ni les mammifèresmammifères n'ont été officiellement étudiés mais certains chercheurs, par ailleurs très bons ornithologistes en plus de leur spécialité académique, rapportent de belles observations dont une espèce de colibricolibri qui n'avait été décrite qu'une seule fois à Cayenne, soit à 1.500 km du site. Ont également été entendus des jaguarsjaguars et des singes hurleurs. « Nous avons été surpris par l'attaque de quelques singes-araignéesaraignées, mais la pire, et de loin, a été celle des phlébotomes », une sorte de moucheron. « Tout le monde craint depuis d'avoir attrapé la leishmanioseleishmaniose », ironise-t-il.

    Pour Olivier Pascal, l'un des points forts de ce type de mission, assez unique au monde, est la collaboration entre les naturalistes. « Chacun travaille pour soi mais aussi pour les autres : les trocs et les échanges d'informations vont bon train. Un herpétologue a ainsi doublé sa collecte de serpents grâce aux spécimens que d'autres spécialistes lui ont rapportés. »

    Image du site Futura Sciences

    Piège lumineux permettant de capturer des insectes nocturnes. © J. Touroult, SEAG, MNHN, PNI

    La prochaine mission pourrait se dérouler dans la péninsule Arabique

    Comme pour le volet marin de l'expédition, un programme pédagogique est en cours. Le site forestier étant moins facile d'accès aux élèves que les îles du Salut, au large de Kourou, des vidéos de restitution seront bientôt accessibles sur un site Web dédié.

    À présent terminé, ce programme d'exploration marine et terrestre, mené conjointement par le Muséum national d'histoire naturelleMuséum national d'histoire naturelle et Pro-Natura International, fera sans nul doute référence dans les années à venir.

    Déjà, plusieurs scientifiques pensent monter de nouvelles missions en petits groupes pour prospecter des domaines naturalistes pointus en saisonsaison sèche. Des ichtyologues qui ont peut-être trouvé une espèce annuelleannuelle de poissons veulent dégoter des œufs qui vivraient dans des marres asséchées puis se développeraient dans les cours d'eau temporaires, à la saison des pluies. Des botanistes aimeraient trouver les fleurs correspondant aux fruits tout juste ramassés pour aider à la détermination des végétaux.

    En 2016, le programme de découverte de nouvelles espèces La planète revisitée fêtera ses dix ans. Ce sera l'occasion d'une double expédition vers la Nouvelle-Calédonie et le Sultanat d'Oman. À suivre.