Surnommé « le cancer vert » à Tahiti ou « la peste pourpre » à Hawaï, Miconia calvescens fait partie des 100 espèces les plus envahissantes du monde. Cet arbre envahit les forêts à une vitesse stupéfiante et prolifère au détriment de la flore locale. Face à cette menace, des chercheurs ont voulu savoir quel serait l’impact du changement climatique sur la progression du miconia à travers le monde. Ils ont mis en évidence que cet opportuniste allait perdre du terrain… mais pas forcément là où il fait le plus de dégâts.

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    Miconia calvescens, qui arbore de larges feuilles ourlées de pourpre, pousse naturellement dans les trouées lumineuses ou à la lisière des forêts tropicales d'Amérique latine sans nuire à ses semblables. Mais lorsque ce bel arbre exotiqueexotique est exporté loin de chez lui pour orner les jardins botaniques des quatre coins du monde, il se dissémine facilement dans les forêts environnantes et peut devenir très envahissant. Le miconia grandit alors à une vitessevitesse fulgurante - pouvant atteindre 12 mètres en seulement 8 ans - et plonge les sous-bois dans la pénombrepénombre la plus totale, privant les plantes autochtones de soleilsoleil et de nourriture. « À Tahiti, cet arbre nuisible menace d'extinction près de la moitié des 107 espècesespèces endémiquesendémiques de l'île, prévient Franck Courchamp, directeur de recherche au laboratoire d'ÉcologieÉcologie, systématique et évolution (ESE - CNRS/Université Paris-Sud/AgroParisTech). Là-bas, on le surnomme le cancercancer vert ! »

    Introduit à Tahiti en 1937 comme plante ornementale, le miconia recouvre aujourd'hui les deux tiers de l'île. Il sévit également dans les autres archipelsarchipels de la Polynésie française, à Hawaï, en Australie, au Sri Lanka et en Nouvelle-Calédonie. Mais comment cet envahisseur va-t-il réagir face au réchauffement climatique ?

    7 % des terres émergées offrent un terreau idéal au miconia

    Pour répondre à cette question, l'équipe de Franck Courchamp a commencé par localiser M. calvescens à la surface du globe et à décrire les endroits où elle vit. « Nous avons collaboré avec Jean-Michel Myer, le spécialiste mondial de cette espèce tropicale, ce qui nous a permis d'alimenter nos modèles avec des données de qualité, d'éliminer les erreurs d'identification d'espèce ou les cas particuliers, explique Franck Courchamp. Nous avons ensuite caractérisé, grâce à 19 variables climatiques, les endroits où se trouve actuellement le miconia et, à partir de là, projeté sur une carte du monde tous les endroits qui avaient exactement la même combinaison de paramètres et qui pouvaient donc être envahis ».

    Le miconia sur le mont Marau, à Tahiti, en novembre 2000. Introduit à Tahiti en 1937 comme plante ornementale, il recouvre aujourd’hui les deux tiers de l’île. © Eloise Killgore

    Le miconia sur le mont Marau, à Tahiti, en novembre 2000. Introduit à Tahiti en 1937 comme plante ornementale, il recouvre aujourd’hui les deux tiers de l’île. © Eloise Killgore

    En régression... dans son milieu naturel

    Résultat : plus de 7 % des terresterres émergées - des forêts tropicales de l'hémisphère sudhémisphère sud à plus de 80 % - offrent au miconia un terreau idéal pour se développer et détruire la végétation locale. Dans ce périmètre d'action, 79 pays, 167 îles et 164 aires protégées n'ont pas encore subi d'attaque et représentent donc des régions sensibles qu'il serait bon de surveiller.

    Dans un second temps, les chercheurs ont soumis leur modèle à différents scénarios de réchauffement climatique et ont regardé l'évolution des zones à risque sur leur carte. Globalement, d'ici 2080, l'étendue des territoires menacés par le miconia pourrait chuter de 7 à 3 % ! Une bonne nouvelle ? Pas si sûr... Car ce chiffre masque deux réalités très contrastées.

    Tandis que l'arbre perd du terrain dans son milieu naturel, là où il ne cause de tort à personne, il continue à proliférer dans les forêts tropicales du reste du monde. « On a généralement tendance à penser que le réchauffement climatiqueréchauffement climatique va accélérer les invasions biologiques et qu'il aura le même effet partout sur la planète, admet Franck Courchamp. Nous avons donc été surpris de ces résultats. »

    Ce type de cartes, les chercheurs l'espèrent, pourrait aider à concentrer les efforts d'éradication. Elles recensent notamment les jardins botaniques qui sont la porteporte d'entrée de cette espèce invasive ; parmi eux, 121 sont implantés dans des zones favorables au développement du miconia. « Comme en Australie ou en Nouvelle-Zélande, l'Europe tente de mettre en place une législation pour réguler les espèces invasives. Ça progresse, mais lentement, regrette le chercheur. Et le combat pour le miconia est d'autant plus difficile que les graines sont en vente libre. »

    Ces travaux ont été publiés dans Biological Invasions.