En Afrique de l’Est, des canidés d'une espèce rare chasse ses proies en s'entourant de dizaines de singes. Pour se faire accepter des primates, les loups d’Éthiopie adoptent un comportement rassurant envers eux.

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    Le loup d’Éthiopie ou loup d’Abyssinie, ancien nom désignant le pays, se nourrissent essentiellement de rongeurs, comme le rat-taupe géant, et augmentent leurs chances de capture en se faufilant parmi des primates. © Harri J, Wikimedia Commons, cc by sa 2.5

    Le loup d’Éthiopie ou loup d’Abyssinie, ancien nom désignant le pays, se nourrissent essentiellement de rongeurs, comme le rat-taupe géant, et augmentent leurs chances de capture en se faufilant parmi des primates. © Harri J, Wikimedia Commons, cc by sa 2.5

    « Je ne te dévore pas, mais aide-moi à manger. » Tel pourrait être le comportement qu'adoptent les loups d'Éthiopie (Canis simensis) envers des singes appelés géladas (Theropithecus geladaTheropithecus gelada) vivant dans les hauts plateaux éthiopiens, indique une étude parue dans Journal of Mammalogy.

    Les auteurs de cet article démontrent les bienfaits réciproques de cette coexistence peu courante entre une espèce de prédateur carnivore et l'une de ses proies potentielles, toutes deux endémiques de la corne de l'Afrique. Pour ce faire, ils ont observé plusieurs des canidés tolérés plus d'une heure parmi un groupe de 200 primates, entre 2006 et 2011, sur le plateau de Guassa, au centre-nord du pays, à plus de 3.000 mètres d'altitude. 

    Les résultats révèlent tout d'abord que dans 68 % des rencontres avec les loups d’Éthiopie, les géladas ne fuient pas. En outre, dans 11 % des cas, les singes ne se déplacent guère à plus de 10 mètres de la menace potentielle. En revanche, à la vue d'autres prédateurs, tels que des chienschiens, les herbivoresherbivores s'éloignent sur de grandes distances et se réfugient sur des falaises. Quant aux loups, leur capture d'un rongeurrongeur parmi les géladas est couronnée de succès dans près de 67 % de leurs tentatives contre 25 % en dehors d'une troupe de primates.

    Les géladas vivent en horde et se nourrissent principalement de graminées, de brins d’herbe et de jeunes pousses, parfois en creusant la terre, ce qui peut déloger des rongeurs par la suite capturés par des loups d’Éthiopie. © Donald Macauley, Wikimedia Commons, cc by sa 2.0

    Les géladas vivent en horde et se nourrissent principalement de graminées, de brins d’herbe et de jeunes pousses, parfois en creusant la terre, ce qui peut déloger des rongeurs par la suite capturés par des loups d’Éthiopie. © Donald Macauley, Wikimedia Commons, cc by sa 2.0

    La stratégie adaptative est profitable aux loups comme aux singes

    Pour les scientifiques, ce taux de réussite s'explique par le fait que les petits animaux, dérangés par les géladas qui se nourrissent de la végétation, sortent de leur terrier. Leur champ visuelchamp visuel et leur sens auditif pourraient aussi être diminués ou perturbés par la présence des nombreux singes, les exposant ainsi davantage aux carnivores. Pour se faire accepter des primates au fil du temps, les loups d'Éthiopie adoptent un comportement non menaçant et renoncent à chasser les petits des primates.

    Bien que non listés comme espèce en danger, les géladas ne se dénombreraient qu'entre 60.000 et 200.000 individus. Les loups d'Éthiopie sont encore moins nombreux : de 300 à 500 individus confinés dans des zones isolées de prairies et de landes afroalpines et figurent parmi les canidés les plus rares au monde. La stratégie adaptative observée avec les géladas augmenterait leurs chances de se nourrir et cette association interspécifique permet de mieux cerner les circonstances écologiques contribuant à la stabilité des groupes mixtes de prédateurs et de proies potentielles.