Championne de l'hydrophobie, la feuille de lotus inspire depuis longtemps les scientifiques à la recherche de surfaces qui ne retiennent pas l'eau. Une équipe américaine a fait encore mieux en perçant le secret d'une plante carnivore. Leur surface ets hydrophobe... et rugueuse.

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    La pratique du biomimétisme est aujourd'hui extrêmement répandue dans la communauté scientifique, quel que soit le domaine d'application. S'inspirer des stratégies mises en œuvre par la nature, c'est bien. Mais parfois, il est possible d'aller encore plus loin. C'est ce que prouvent les travaux de chercheurs de la Pennsylvania State University (Penn State) aux États-Unis. Ces derniers sont parvenus à mettre au point une surface ultraglissante. Celle-ci est plus hydrophobehydrophobe que la feuille de lotus notamment lorsque l'eau se présente sous forme de vapeur ou de gouttes minuscules.

    Lorsqu'il est question de matériaux superhydrophobes, la nature est souvent bonne conseillère. Depuis le milieu des années 1990, des chercheurs s'inspirent ainsi, dans leurs travaux de conception, d'insectesinsectes et plus encore de plantes aux caractéristiques étonnantes. L'un des exemples les plus connus est celui de la feuille de lotus. En Inde, elle est célèbre pour son aspect immaculé. Un aspect qui résulte de la composition chimique de la surface de la feuille de lotus ainsi que de sa rugosité nanométrique qui empêche l'adhésion des gouttes d’eau. Celles-ci roulent alors en emportant toutes les poussières avec elles. Sauf... si les gouttes sont minuscules ! Dans ce cas, elles collent à la surface et la mouille. Personne, pas même la feuille de lotus, n'est donc parfait. Et pour remédier à ce triste constat, les chercheurs de Penn State ont imaginé une nouvelle façon d'appréhender le problème de la mouillabilité d'une surface rugueuse. Ils se sont inspirés non pas d'une plante... mais de deux ! Et ils ont gardé le meilleur de l'architecture de surface de la feuille de lotus pour le combiner aux solutions imaginées par des plantes carnivorescarnivores.

    Dans les faits, il s'avère que la mouillabilité est largement liée à la mobilité des gouttes de liquide sur la surface. Une mobilité qui dépend elle-même de l'état dans lequel se trouve la gouttelette. Du moins, c'est ce que les spécialistes pensaient jusqu'à présent. Déposée sur une surface rugueuse, une gouttelette peut prendre deux formes distinctes :

    • Dans l'état dit de Cassie, la goutte repose sur les aspérités de la surface et apparaît comme flottant sur une couche d'air ou, de façon plus générale, de gaz ;
    • Dans l'état dit de Wenzel, la goutte épouse les aspérités de la surface.
    Sur une surface rugueuse classique, les petites gouttes dans l’état de Wenzel sont piégées par les structures de surface (en orange et en violet). Sur la surface imaginée par les chercheurs de <em>Penn State</em>, même les gouttelettes dans l’état de Wenzel restent mobiles (en bleu clair). © Xianming Dai, Chujun Zeng and Tak-Sing Wong, Penn State

    Sur une surface rugueuse classique, les petites gouttes dans l’état de Wenzel sont piégées par les structures de surface (en orange et en violet). Sur la surface imaginée par les chercheurs de Penn State, même les gouttelettes dans l’état de Wenzel restent mobiles (en bleu clair). © Xianming Dai, Chujun Zeng and Tak-Sing Wong, Penn State

    Mouillabilité et mobilité des gouttes

    Sur une surface rugueuse classique, les gouttes se révèlent mobilesmobiles lorsqu'elles sont dans l'état de Cassie et piégées lorsqu'elles sont dans l'état de Wenzel. Jusqu'alors, la plupart des travaux en matièrematière de mouillabilité portaient sur le fait d'empêcher la transition Cassie-Wenzel afin de maintenir une certaine mobilité pour les gouttes et, de fait, de rendre les surfaces moins adhérentes et plus hydrophobes. Mais l'idée développée par l'équipe de Penn State est de rendre les gouttelettes mobiles également lorsqu'elles se trouvent dans l'état de Wenzel pour ne plus avoir à se préoccuper de ces problèmes de transition.

    Grâce à la photolithographiephotolithographie et à une technique dite de gravuregravure ionique réactive, les chercheurs ont pu créer des microbosses sur une surface de silicium. Puis ils ont fait appel à la gravure humide pour recouvrir ces bosses de nanotextures. Pour finir, ils ont enduit ces nanostructures d'une couche de lubrifiantlubrifiant. De quoi réduire considérablement le piégeage des gouttelettes. Et, selon les auteurs de l'étude, une microstructure ou nanostructure identique peut être obtenue avec pour base de nombreux autres matériaux comme les métauxmétaux, le verre, les céramiquescéramiques ou les plastiquesplastiques.

    Ces découvertes pourraient s'appliquer à divers domaines. Dans le secteur de l'énergieénergie, par exemple, le transfert de chaleurchaleur par condensationcondensation dans les échangeurs de chaleur des centrales électriques pourrait ainsi être optimisé. Dans les régions arides, la récolte d'eau pourrait être organisée sur des surfaces plus efficaces. Et les techniques de dégivrage des ailes d'avion pourraient également profiter de ce nouveau design de surface. En effet, des surfaces structurées à l'image de celle présentée par l'équipe de Penn State ne givreraient pas puisque l'eau n'y adhérerait jamais.