Former l’image d’un objet avec des ondes lumineuses qui n’en proviennent pas semble impossible. Du moins en physique classique. En utilisant des paires de photons intriqués, des physiciens autrichiens sont parvenus à le faire. L'intérêt de cette nouvelle technique d’imagerie quantique est de fournir des images d’objets dans une bande spectrale autrement inaccessible.

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    L'étude des propriétés de la lumière et des applications qu'elles ouvrent semble inépuisable comme vient de le montrer un groupe de chercheurs viennois, dans un article publié dans Nature (en accès libre sur arxiv). D'EuclideEuclide à Feynman en passant par Léonard de VinciLéonard de Vinci, Descartes et Huygens, la théorie de la lumière et des images n'a cessé de nous étonner au fur et à mesure que l'on est passé de l'optique géométrique à la théorie ondulatoire de Fresnel et Maxwell puis, finalement, à la théorie des photons d'EinsteinEinstein. Ces dernières décennies, c'est l'optique quantique qui est sur le devant de la scène avec juste derrière, les multiples applications de la théorie du traitement des images.

    Si l'intrication quantique des photons avait déjà des applications en cryptographie quantique et dans le cadre des recherches sur l'information quantique et les fondements de la physique, voilà maintenant qu'elle entre dans le domaine de l'imagerie où elle permet de nouveaux tours de magie... quantique. En l'occurrence, il s'agit d'obtenir l'image d'un objet à partir de photons n'ayant pas interagi avec lui, et même d'une longueur d'ondelongueur d'onde différente de ceux avec lesquels ils sont intriqués et qui, eux, sont entrés en interaction avec l'objet. Cette nouvelle technique permet donc de former des images d'objets dans une bande de longueurs d'onde donnée même s'il n'existe pas d'instruments permettant de prendre réellement une photo de ces objets.

    Le dispositif d’optique quantique qui a permis de tester le principe de l’imagerie d’un objet à l’aide du phénomène d’intrication quantique. Le faisceau laser entrant (en vert) tombe sur un séparateur en bas à droite (un cube) et le premier milieu non linéaire est juste en sortie à gauche du cube. Deux faisceaux, apparaissant ici en jaune et en rouge, apparaissent alors, dont les photons sont intriqués. L'objet à imager se trouve sur le chemin du faisceau représenté en rouge. (Voir les explications ci-dessous.) © Lois Lammerhuber

    Le dispositif d’optique quantique qui a permis de tester le principe de l’imagerie d’un objet à l’aide du phénomène d’intrication quantique. Le faisceau laser entrant (en vert) tombe sur un séparateur en bas à droite (un cube) et le premier milieu non linéaire est juste en sortie à gauche du cube. Deux faisceaux, apparaissant ici en jaune et en rouge, apparaissent alors, dont les photons sont intriqués. L'objet à imager se trouve sur le chemin du faisceau représenté en rouge. (Voir les explications ci-dessous.) © Lois Lammerhuber

    Une nouvelle technique d’imagerie quantique pour la biologie

    Mais comment les physiciensphysiciens de l'Institute for Quantum Optics and Quantum Information (IQOQI), du Vienna Center for Quantum Science and Technology (VCQ) et de l'université de Vienne s'y sont-ils pris pour accomplir une telle prouesse ? Comme souvent avec l'intrication quantiqueintrication quantique, ils y sont parvenus grâce au laser et aux phénomènes d'optique non linéaire que l'on peut générer avec certains cristaux.

    En effet, il existe des milieux cristallins non linéaires qui donnent en sortie deux faisceaux de paires de photons intriqués avec, en entrée, un faisceau de photons produit par un laserlaser. Dans le cadre de l'expérience conduite par les chercheurs, un faisceau laser (en vert dans l'image ci-dessus) que l'on va considérer comme de couleurcouleur rouge tombe d'abord sur un dispositif séparateur qui donne deux faisceaux donc chacun est ensuite dirigé vers un cristal non linéaire. En sortie de chaque cristal, on trouve alors un faisceau de photons rouges (en jaune dans l'image) et un faisceau de photons de plus grande longueur d'onde, par exemple dans l'infrarougeinfrarouge. Des photons rouges forment des paires intriquées avec des photons infrarouges.

    Le faisceau infrarouge du premier cristal est alors dirigé sur l'objet dont on veut étudier les caractéristiques dans une bande infrarouge difficilement, voire pas du tout, mesurable avec un dispositif de prise d'image. Les photons infrarouges diffusés par l'objet entrent alors dans le second cristal où ils se combinent avec les photons infrarouges générés par l'arrivée du second faisceau laser produit initialement dans l'expérience en sortie du séparateur. L'intrication quantique permet alors à l'information portée par les photons infrarouges issus de l'objet que l'on veut imager de se retrouver sous forme de corrélation avec les photons rouges sortant du second cristal. On recombine alors les faisceaux de photons rouges sortant du premier et du second cristal. Magiquement, une image de l'objet peut alors être formée dans la bande spectrale rouge, mais qui correspond à l'image que l'on voulait obtenir dans la bande spectrale infrarouge. Au final, on a contourné l'obstacle que représentait l'absence de détecteur efficace dans la bande spectrale où l'on voulait conduire des observations et l'on a obtenu une image d'un objet avec de la lumière qui n'est jamais entrée directement en interaction avec cet objet.

    Les physiciens pensent que cette technique d'imagerie quantique avec intrication de photons doit être suffisamment versatile pour qu'elle puisse avoir un jour des applications en biologie et en médecine.