Une équipe Autrichienne vient de vérifier expérimentalement la propriété fondamentale sur laquelle reposent tous les espoirs de l'ordinateur quantique et des réseaux de communications quantiques. Deux photons qui n'ont aucune histoire commune, et qui ne se sont jamais vus auparavant, ont pourtant interféré entre eux comme le prévoit la mécanique quantique.

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    Rappel des faits

    Les communications quantiques sont un champ de recherche dont l'objectif est de tirer parti des possibilités offertes par la mécanique quantique, pour traiter et s'échanger l'information de manière plus efficace. En effet, les systèmes quantiques offrent une infinité de possibilités : l'état 1, l'état 0 et toutes les superpositions cohérentes des deux. On ne parle plus alors de bits, mais plutôt de qubits (quantum bits). L'objet quantique le plus simple à maîtriser est le photon unique, qui est utilisé comme support du qubit.

    Le concept de l'ordinateur quantique repose sur la possibilité de réaliser des opérations qui n'ont pas d'équivalents classiques car elles-même reposent justement sur des effets purement quantiques. Lorsque un photon unique arrive sur le port d'un miroir semi-réfléchissant (voir figure 1), il prend aléatoirement un des deux bras de sortie (ce qui est tout a fait "normal", le photon ne pouvant se couper en deux et ayant un comportement probabiliste). Cependant lorsque deux photons uniques (et identiques) arrivent simultanément sur deux ports différents d'un miroir semi-réfléchissant (montage dit de "Hong-Ou-Mandel"), ils interfèrent et se "collent" littéralement l'un à l'autre pour toujours prendre ensemble le même bras de sortie : c'est le principe de coalescencecoalescence des photons identiques qui n'a aucun équivalent classique.

    Figure 1 - Concept de la coalescence de photons sur un miroir semi-réfléchissant. Lorsqu'il est seul le photon choisit aléatoirement l'un des bras de sortie. Lorsqu'ils sont deux le choix est toujours aléatoire mais se fait de manière commune pour les deux qui prennent toujours le même bras de sortie ensemble.

    Figure 1 - Concept de la coalescence de photons sur un miroir semi-réfléchissant. Lorsqu'il est seul le photon choisit aléatoirement l'un des bras de sortie. Lorsqu'ils sont deux le choix est toujours aléatoire mais se fait de manière commune pour les deux qui prennent toujours le même bras de sortie ensemble.

    En imaginant qu'un photon "choisit" aléatoirement la direction de sortie qu'il emprunte, il faut comprendre qu'en arrivant simultanément sur le miroir deux photons prennent alors une décision aléatoire mais commune. Si ces photons avaient un passé en commun, ce phénomène de "conscience collective" ne nous étonnerait pas autant en nous appuyant sur le fait qu'ils auraient pu au préalable s'accorder sur une ligne de conduite à tenir à l'approche d'un miroir semi-réfléchissant. Ce qui n'est plus classique du tout, c'est précisément cette propriété qu'ont tous les photons peu importe leurs origines et l'instant où ils ont été créés.

    L'expérience

    Jusqu'a présent les expériences mettant en évidence ce phénomène présentaient toutes une faille qui permettait de remonter à l'instant t où les deux photons uniques n'étaient qu'un ou partageaient une origine commune. En effet, les montages reposaient soit sur une source commune de photons uniques et utilisaient deux photons émis successivement, soit sur deux sources de photons uniques distinctes qui puisaient cependant leurs photons dans un réservoir commun. La prouesse réussie par l'équipe du Professeur Zeilinger est d'avoir réuni deux sources de photons uniques fonctionnant chacune à partir de son propre réservoir de photons. A partir de deux laserslasers distincts, son équipe a donné naissance à deux photons uniques distincts qui ensuite ont interféré comme le prédit la mécanique quantique. La difficulté de leur travail a consisté à synchroniser les deux sources à une horloge commune et à imposer à leurs photons uniques les sévères conditions de similitude requises.

    Figure 2 - Schéma du montage utilisé a Vienne. Le principe est de créer une paire de photons dans chacun des couples laser+cristal non-linéaire et d'utiliser à chaque fois un des photons de la paire comme indicateur de la présence d'un photon unique à l'entrée du miroir semi-réfléchissant. Ici les miroirs semi-réfléchissant sont fibrés et nous observons une disparition des détections de photons en coïncidences entre ses sorties uniquement quand les deux lasers émettent des paires simultanément (delay=0).

    Figure 2 - Schéma du montage utilisé a Vienne. Le principe est de créer une paire de photons dans chacun des couples laser+cristal non-linéaire et d'utiliser à chaque fois un des photons de la paire comme indicateur de la présence d'un photon unique à l'entrée du miroir semi-réfléchissant. Ici les miroirs semi-réfléchissant sont fibrés et nous observons une disparition des détections de photons en coïncidences entre ses sorties uniquement quand les deux lasers émettent des paires simultanément (delay=0).

    Nul doute que cette expérience fait des réseaux de communications quantiques une réalité. Pourtant, il reste encore à vérifier la compatibilitécompatibilité entre les différents processus de créations des photons. A Vienne, les photons uniques étaient tout deux issus des interactions paramétriques dans des cristaux non-linéaires alors que nous connaissons une multitude d'autres moyens : les boites quantiquesboites quantiques dans les semi-conducteurssemi-conducteurs, les centres colorés dans les diamantsdiamants et enfin les atomesatomes qu'ils soient en nuagenuage froid ou en cavité. La route est encore longue mais le premier pas a été franchi en Europe...

    Référence : R. Kaltenbaek, B. Blauensteiner, M.Zukowski, M. Aspelmeyer, and A. Zeilinger. Experimental interference of independent photons. arXivarXiv :quant-ph/0603048, 20