Isaac Asimov rêvait de robots avec des cerveaux positroniques mais il se pourrait bien que l'avenir de l'intelligence artificielle passe par la technologie d'ordinateurs utilisant des réseaux de neurones artificiels optiques. Les informations y seraient traitées non pas sous forme de courants de charges mais sous forme de photons émis par effet laser.

au sommaire


    Le cerveaucerveau humain, avec ses 85 à 100 milliards de neurones, est capable d'accomplir certaines tâches plus efficacement que les ordinateursordinateurs actuels issus des travaux de Von Neumann et Alan TuringAlan Turing. Il consomme notamment bien moins d'énergie dans certains cas. C'est l'une des raisons pour lesquelles on espère du Human Brain Project qu'il nous permette de mieux comprendre comment les neuronesneurones traitent l'information pour nous en inspirer afin de créer une nouvelle électronique.

    Un groupe de physiciensphysiciens du Laboratoire de photonique et de nanostructures (LPN) du CNRS vient de publier dans PRL les résultats de travaux qui montrent que des semi-conducteurs, dans lesquels se produit l'effet laser, permettraient de simuler avec des courants de photons le traitement de l'information effectué par les neurones à partir de courants électriquescourants électriques.

    Les neurones, des systèmes dynamiques non linéaires

    Dans le cadre des neurosciences computationnelles on cherche depuis longtemps à modéliser le comportement des neurones à partir de systèmes décrits par des équations différentielles non linéaires. Cela s'explique par les propriétés expérimentalement constatées des neurones. Lorsqu'une cellule nerveuse reçoit des signaux électriques en provenance de milliers d'autres de ses pairs, via des connexions synaptiques, il faut que la somme de ces signaux dépasse un certain seuil avant que le neurone n'envoie lui-même une série d'impulsions en direction de ses voisins. En dessous de ce seuil, le signal qu'il émet est faible et varie linéairement en réponse aux signaux d'entrée, alors qu'au-dessus son amplitude est grande et varie de façon non linéaire.

    Marvin Minsky (1927-) est un mathématicien qui a apporté de nombreuses contributions à l'IA, la psychologie cognitive, les mathématiques, la linguistique computationnelle, la robotique et l'optique. Il a été un des pionniers des réseaux de neurones artificiels et son nom apparaît dans le célèbre ouvrage d'Arthur Clarke <em>2001, l'Odyssée de l'espace</em>. Ses idées sur l'intelligence artificielle sont présentées dans deux ouvrages <em>La machine à émotions</em> et <em>La société de l'esprit</em>. © Bcjordan, Wikipédia, cc by 3.0

    Marvin Minsky (1927-) est un mathématicien qui a apporté de nombreuses contributions à l'IA, la psychologie cognitive, les mathématiques, la linguistique computationnelle, la robotique et l'optique. Il a été un des pionniers des réseaux de neurones artificiels et son nom apparaît dans le célèbre ouvrage d'Arthur Clarke 2001, l'Odyssée de l'espace. Ses idées sur l'intelligence artificielle sont présentées dans deux ouvrages La machine à émotions et La société de l'esprit. © Bcjordan, Wikipédia, cc by 3.0

    Des ordinateurs qui seraient conçus pour simuler au plus près le fonctionnement du cerveau humain devraient donc être constitués de neurones artificiels aptes à traiter des signaux de façons similaires. Dans l'idéal, l'utilisation de photons au lieu de charges électriques permettrait d'effectuer des calculs encore plus rapidement et en dissipant moins de chaleur. Le dispositif étudié par Sylvain Barbay et ses collègues du LPN correspond à certaines de ces exigences. De forme cylindrique, haute de 10 µm et large de quelques micronsmicrons, il est constitué d'un sandwich de matériaux semi-conducteurs et comme il peut être le lieu de la manifestation d'un effet laser, il a été nommé micropilier laser (micropillar laser en anglais).

    Des ordinateurs optiques avec des micropiliers laser

    Les chercheurs ont pu montrer qu'ils avaient bien obtenu un système excitable comme un neurone mais sous l'action d'impulsions lasers. Ses réponses sont très rapides, de l'ordre de 200 picosecondespicosecondes, duréedurée si courte qu'aucun autre neurone, aussi bien biologique qu'artificiel, ne peut se montrer aussi rapide. Surtout, pour la première fois avec un système optique excitable en complète analogieanalogie avec un neurone, une seconde impulsion ne peut pas être émise juste après la première. Il existe un intervalle de temps minimal à respecter ce qui limite la sensibilité du neurone à des signaux bruités qui pourraient rendre son fonctionnement chaotique.

    La voie menant à un ordinateur simulant un cerveau humain avec des neurones artificiels est encore longue, ne serait-ce que parce qu'elle exige de nombreux types de neurones spécialisés et que la technologie ne permet pas encore de réaliser un système aussi complexe. Mais on devrait déjà pouvoir fabriquer des réseaux de neurones artificiels de petites tailles avec ces micropilliers laser dans un avenir proche.