Les nombreuses machines couvrant, sous forme de dessins, les carnets de Léonard de Vinci sont bien connues. On sait sans doute moins que l'homme avait découvert les lois du frottement qui s'y appliquent avec deux siècles d'avance. C'est ce que vient de confirmer, et de préciser, un chercheur britannique.

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    Au cours de sa vie, Léonard de Vinci aurait laissé environ 13.000 pages dans des carnets où il notait ses réflexions et dessinait des croquis touchant à l'ensemble des connaissances humaines. Il pouvait s'agir de géologiegéologie, d'optique, d'anatomieanatomie, de botanique, de mathématiques, de mécanique mais aussi de physique et d'astronomie. L'histoire n'a conservé qu'environ 7.000 de ces pages, rassemblées dans des ouvrages qui ont longtemps fait partie de collections privées (c'est encore le cas aujourd'hui pour certains d'entre eux) et que l'on appelle des Codex. Les plus célèbres sont sans doute les Codex Arundel, Atlanticus et, enfin, Leicester, ce dernier étant détenu par Bill Gates.

    On peut citer aussi le Codex Forster, conservé au Victoria and Albert Museum de Londres, qui est en réalité constitué de trois carnets. Il vient de permettre à un professeur de l'université de Cambridge (Royaume-Uni), spécialisé dans les problèmes de tribologie rencontrés dans la production industrielle, de préciser quand a été faite l'une des grandes découvertes de Léonard de VinciLéonard de Vinci. Comme souvent dans les domaines scientifiques et technologiques, l'homme était en avance de plusieurs siècles sur ses contemporains.

    Rappelons que la tribologie est la science qui étudie les phénomènes susceptibles de se produire entre deux systèmes matériels en contact, immobiles ou animés de mouvements relatifs. Ce terme recouvre donc tous les domaines où le frottement, l'usure, la lubrification interviennent. La tribologie est ainsi à l'interface du génie mécanique et de la science des matériaux. Elle ne pouvait qu'intéresser Léonard, tant il a produit d'études et de dessins, inventant et examinant des machines avec des engrenages, des poulies ou des roulements à billes tout en cherchant à rendre ces machines vraiment fonctionnelles et efficaces.

    La minutie bien connue avec laquelle Léonard de Vinci a dessiné ses machines, tout comme ses études sur l'anatomie humaine, est d'autant plus surprenante que ces œuvres d'art se trouvent dans des carnets de petite taille. Sur cette photo, sont réunis les trois carnets formant le Codex Forster. Ils ont pour dimension environ 9 cm sur 6. © <em>Victoria and Albert Museum</em>

    La minutie bien connue avec laquelle Léonard de Vinci a dessiné ses machines, tout comme ses études sur l'anatomie humaine, est d'autant plus surprenante que ces œuvres d'art se trouvent dans des carnets de petite taille. Sur cette photo, sont réunis les trois carnets formant le Codex Forster. Ils ont pour dimension environ 9 cm sur 6. © Victoria and Albert Museum

    Les deux lois fondamentales du frottement et Léonard de Vinci

    Parmi les premiers penseurs à baser leurs réflexions sur l'expérimentation et l'usage combiné des mathématiques, il est apparu que Léonard avait en fait découvert les deux premières lois du frottement presque deux siècles avant les travaux du Français Guillaume Amontons (1663-1705) en 1699. On le sait depuis 1797 grâce au physicienphysicien italien Giovanni Battista Venturi, qui avait eu accès à certains des feuillets de Léonard. Cependant, on ne savait pas vraiment à quelle période de sa vie Léonard de Vinci avait fait cette découverte, certainement à partir de l'expérimentation.

    Ces deux lois sont en tout cas très simples :

    • la première énonce que la force de frottement est directement proportionnelle à la charge appliquée ; la charge signifiant ici la force qui comprime l'une contre l'autre les deux surfaces.
    • La seconde énonce que la force de frottement est indépendante de l'aire de contact.
    Grand admirateur d'Archimède et des mécaniciens grecs, Léonard de Vinci tentait, comme certains de ses contemporains moins connus que lui, de construire des machines ingénieuses, augmentant les possibilités d'action de l'Homme. Il était aussi un précurseur de la physique expérimentale d'un Galilée. © Everett Historical, Shutterstock

    Grand admirateur d'Archimède et des mécaniciens grecs, Léonard de Vinci tentait, comme certains de ses contemporains moins connus que lui, de construire des machines ingénieuses, augmentant les possibilités d'action de l'Homme. Il était aussi un précurseur de la physique expérimentale d'un Galilée. © Everett Historical, Shutterstock

    Selon un article publié par le professeur Ian Hutchings dans le journal Wear (terme anglais signifiant « usure »), Léonard aurait eu connaissance de ces lois au moins depuis 1493. En effet, à côté du dessin d'une femme âgée accompagné d'une pensée de Léonard sur la fragilité de la beauté liée au temps, se trouvait un texte négligé par les précédents commentateurs ainsi que le schéma d'une expérience que les étudiants reproduisent aujourd'hui pour redécouvrir les lois du frottement. Il s'est avéré, selon Hutchings, que texte et schéma, datés, indiquaient bel et bien que Léonard connaissait ces lois à ce moment-là.

    En fait, l'étude des Codex de Léonard montre maintenant clairement qu'il a étudié le sujet pendant 20 ans en incorporant ces lois et en évaluant leurs effets dans les machines qu'il concevait. Il avait notamment compris que bien que le frottement fût parfois essentiel pour assurer le fonctionnement de certaines de ses machines, il pouvait aussi en limiter l'efficacité.