Prendre part à la quête du graal de la physique des hautes énergies, c'est-à-dire la découverte de particules exotiques issues d'une physique au-delà du Modèle standard, est désormais à la portée de tous. Il suffit de se connecter sur le site Higgs Hunters et de se laisser guider (en anglais) pour, avec de la chance, aider les physiciens à faire la lumière sur la nature de la matière noire.

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    Vous pensez que la découverte de nouvelles particules au LHC, peut-être même celle ou celles qui expliqueront la nature de la matière noirematière noire, est réservée aux happy few possédant un doctorat en physique des particules élémentaires et experts dans l'analyse des données collectées par les détecteurs géants Atlas et CMSCMS ? Eh bien non.

    Le Cern vient de rappeler qu'il existe un site depuis quelques années où tout le monde peut prendre part à cette quête. Il ne s'agit pas de prêter du temps de calcul sur son ordinateurordinateur, comme on peut le faire pour chasser les ondes gravitationnellesondes gravitationnelles ou des signaux radio d'origine E.T. Ce que chacun peut offrir, ce sont certaines des capacités uniques du cerveaucerveau humain dans la reconnaissance d'images qui échappent encore à l'intelligence artificielleintelligence artificielle.

    Pour cela, il suffit de se connecter au site Higgs Hunters qui fait partie du portail de science citoyenne Zooniverse, extension du projet original Galaxy Zoo qui invitait les internautes à classer les galaxies. Futura-Sciences a déjà consacré plusieurs articles à ce portail qui donne à tout un chacun l'occasion de se mettre dans la peau d'un chercheur sur le front de la recherche de pointe en devenant par exemple :

    Sur ce schéma, un boson de Brout-Englert-Higgs neutre, donc invisible directement dans un détecteur comme Atlas, se désintègre en deux particules exotiques également neutres. Instables, elles se désintègrent à leur tour en particules chargées laissant des traces (<em>tracks</em>) dans le détecteur. © <em>Higgs hunters</em>

    Sur ce schéma, un boson de Brout-Englert-Higgs neutre, donc invisible directement dans un détecteur comme Atlas, se désintègre en deux particules exotiques également neutres. Instables, elles se désintègrent à leur tour en particules chargées laissant des traces (tracks) dans le détecteur. © Higgs hunters

    Des particules exotiques cachées dans 60.000 images de collisions

    Mais quel est le rapport entre la chasse aux particules de matière noire et le titre du site ? En anglais Higgs Hunters signifie « chasseurs de Higgs », a priori, on ne voit pas le lien. Il se trouve que si les particules de matière noire existent, elles proviennent d'une extension des équations du Modèle standard. Plusieurs de ces extensions lient la désintégration des bosons de Brout-Englert-Higgs à des canaux dont certains contiennent de nouvelles particules et en particulier celles pouvant prétendre au titre de matière noire.

    Mais comment cela se manifesterait-il dans des détecteurs géants comme sont Atlas et CMS au LHCLHC ? Si le Higgs peut se désintégrer en particules exotiquesexotiques, ce peut être sous la forme de particules électriquement neutres. Elles ne laissent donc pas directement de traces dans ces détecteurs. Mais si elles sont très instables, elles se désintégreront rapidement en particules chargées, notamment du Modèle Standard. On verra donc un certain nombre de particules émergeant soudainement avec des trajectoires prenant naissance à un sommet (vertexvertex en anglais) loin du centre du détecteur. Les caractéristiques de ces trajectoires peuvent alors être utilisées pour identifier celles des particules leur ayant donné naissance et remonter à celles des particules signalant une nouvelle physique. Ces particules invisibles ne seraient cependant pas directement des particules de matière noire car elles doivent être très stables pour gouverner depuis des milliards d'années le monde des galaxies. Mais elles pourraient valider l'existence d'une théorie, par exemple supersymétrique, qui prédit précisément l'existence et les caractéristiques de la matière noire, rendant plus facile sa chasse par d'autres moyens.

    Un détecteur comme Atlas au Cern est souvent formé de plusieurs couches. Entourant la zone de collision au centre de ce schéma on voit ainsi la partie destinée à détecter et mesurer les trajectoires de particules chargées déviées par un puissant champ magnétique. Vient ensuite un calorimètre hadronique destiné à mesurer l'énergie déposée par les hadrons produits par les collisions et enfin un détecteur de muons, les cousins lourds de l'électron. Une particule exotique neutre peut se manifester dans le détecteur lorsqu'elle se désintègre loin du centre du détecteur en donnant deux trajectoires de particules chargées partant d'un sommet (<em>vertex</em> en anglais). © Higgs hunters

    Un détecteur comme Atlas au Cern est souvent formé de plusieurs couches. Entourant la zone de collision au centre de ce schéma on voit ainsi la partie destinée à détecter et mesurer les trajectoires de particules chargées déviées par un puissant champ magnétique. Vient ensuite un calorimètre hadronique destiné à mesurer l'énergie déposée par les hadrons produits par les collisions et enfin un détecteur de muons, les cousins lourds de l'électron. Une particule exotique neutre peut se manifester dans le détecteur lorsqu'elle se désintègre loin du centre du détecteur en donnant deux trajectoires de particules chargées partant d'un sommet (vertex en anglais). © Higgs hunters

    Les physiciensphysiciens ont donc sélectionné dans les données collectées par Atlas certaines images qui doivent être associées à la production d'un bosonboson de Brout-Englert-Higgs. S'il se désintègre en particules exotiques, on doit donc voir aussi des sommets de trajectoire hors centre, des off-center vertex ou OCV en anglais). L'internaute est donc invité à examiner 60.000 images en pointant des OCV que les chercheurs analyseront plus en détail afin de vérifier s'ils peuvent ou pas s'expliquer malgré tout dans la cadre du modèle standard. Depuis 2014, environ 20.000 de ces images ont déjà été examinées par plus de 20.000 scientifiques amateurs de 179 pays.

    Il reste encore du travail à faire et selon le physicien Will Kalderon qui travaille sur le projet : « Nous avons été stupéfaits, à la fois par le nombre de personnes intéressées et par leur capacité à faire un aussi bon travail, et j'ai vraiment hâte de voir ce que nous pourrions trouver ».