Des chercheurs américains viennent de découvrir une méthode étonnamment efficace pour produire de l’antimatière en grande quantité. Un faisceau laser bombardant une cible en or provoque en effet la création de milliards de positrons. Si elle est un jour appliquée à un système de propulsion, cette technique réduirait à quelques mois le voyage vers Mars...

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    Paul Dirac. Crédit : The Emilio Segrè Visual Archives, Niels Bohr Library, American Institute of Physics

    Paul Dirac. Crédit : The Emilio Segrè Visual Archives, Niels Bohr Library, American Institute of Physics

    A la fin des années 1990, les chercheurs du Lawrence Livermore National Laboratory (LLNL) étudiaient les applications possibles du laser Petawatt, notamment pour la fusion contrôlée par confinement inertiel. L'une des expériences consistait à soumettre à des impulsions laser une cible en or de l'épaisseur d'une feuille de papier. Les électrons arrachés aux atomes étaient en même temps accélérés par le faisceau laser à des énergies de plus de 100 MeV avant d'être freinés par le champ électrostatiqueélectrostatique des noyaux d'or. Il en résultait alors naturellement la production de rayons gammarayons gamma par le processus bien connu de Bremsstrahlung, le rayonnement de freinage.

    A la surprise des physiciensphysiciens, des positronspositrons, les antiparticulesantiparticules des électrons furent détectées en assez grand nombre. En fait, l'énergie des rayons gamma était telle que des paires d'électron-positron apparaissaient, toujours au voisinage des noyaux d'or.

    Le laser Petawatt n'existe plus aujourd'hui mais l'un de ses successeurs, le laser Jupiter, vient d'être utilisé par Hui Chen et ses collègues pour bombarder cette fois une feuille d'or épaisse d'un millimètre. D'après des simulations préalablement effectuées sur ordinateurordinateur, la production de positrons devait être sensiblement augmentée.

    Alors que la première expérience avait permis de détecter une centaine de positrons, les physiciens en ont cette fois-ci détectés un million. Or, dans les deux cas, il ne s'agissait que d'un échantillonnageéchantillonnage, ce qui signifie que dans la nouvelle expérience, c'est en réalité cent milliards de positrons environ qui ont été produits !

    Une vue d'artiste d'un projet de vaisseau avec propulsion à antimatière.

    Une vue d'artiste d'un projet de vaisseau avec propulsion à antimatière.

    Seize milligrammes de carburant pour un aller et retour entre la Terre et Mars

    On ne peut s'empêcher de rêver et d'y voir l'une des clés de la propulsion interplanétaire. Un tel mode de propulsion permettrait par exemple de se rendre sur Mars en quelques mois seulement, contre environ deux ans pour l'aller et le retour avec les techniques actuelles, ce qui diminuerait les risques d’irradiation par des éruptions solaires pour les explorateurs. En effet, plus on éjecte vite de la matièrematière, ou des particules, plus il est possible d'atteindre des grandes vitessesvitesses avec une massemasse de carburant faible. Ejecter des particules à la vitesse de la lumièrevitesse de la lumière ou presque serait donc la solution idéale minimisant tout à la fois les temps de voyage et la taille des vaisseaux.

    Pour se rendre compte à quel point cela est vrai on peut estimer qu'un vaisseau spatial de 100 tonnes à propulsion photonique, avec des photonsphotons gamma résultant de l'annihilation de particules de matière et d'antimatièreantimatière, ne nécessiterait que 4 milligrammes d’antimatière (plus 4 mg de matière...) pour un aller simple sur Mars ! Qu'on ne s'y trompe pas toutefois. Produire cette petite quantité d'antimatière nécessite une énergie colossale et il est douteux qu'un engin quitte la Terre avec une telle bombe à bord. Si dans une trentaine d'années la propulsion à antimatière devient possible, ce sera peut-être en utilisant un laser pour générer des positrons à bord d'un vaisseau spatial selon le processus aujourd'hui découvert par les chercheurs.

    Lorsqu'il avait découvert son équationéquation relativiste de l'électron par des considérations presque de pure mathématique et basées sur une intuition esthétique platonicienne, le physicien Paul Dirac avait dit d'elle : « elle est plus savante que moi ».

    Il faisait implicitement référence au fait que cette équation contenait des solutions inattendues pour lui à énergies négatives, qu'il ne tarda pas à interpréter comme des particules d'antimatière à énergie positive.

    La théorie de la propulsion à antimatière fait bien évidemment usage de cette équation, il se pourrait donc bien que dans un avenir proche, une fois de plus, des considérations tirées de recherches théoriques pures sans aucun objectif pratique aient des répercussions technologiques déterminantes et imprévues.