Des chercheurs du Laboratoire national des champs magnétiques élevés (MagLab) ont réussi à créer un électro-aimant miniature d’une intensité magnétique de 45,5 teslas, supérieure à celle des énormes installations détenant jusqu’ici le record. Une technologie qui pourrait changer complètement l’horizon des domaines d’applications possibles.


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    Il n'est pas plus gros qu'un rouleau de papier-toilette et pèse à peine 390 grammes. Ce gros clou de 53,1 millimètres de longueur vient de battre un record vieux de 20 ans : celui du champ magnétique le plus élevé jamais créé, avec 45,5 teslasteslas. Par comparaison, un aimant typique d'IRM génère un champ magnétique de 2 à 3 teslas. Le 45,5-T, mis au point par le Laboratoire national des champs magnétiques élevés (MagLab), bat ainsi d'un-demi tesla le précédent record, détenu par un autre aimant du MagLab, le 45-T. Ce dernier, un appareil de 35 tonnes, est composé d'un cœur en cuivre à l'intérieur, d'une bobine en niobium-étain. Il nécessite 31 MW pour fonctionner (l'équivalent de la puissance de deux moteurs de fuséefusée Ariane 5Ariane 5) et génère tellement de chaleurchaleur qu'il faut des milliers de litres d'eau pour le refroidir.

    « Une révolution semblable à celle du silicium dans l’électronique »

    « Une telle miniaturisation représente une révolution aussi importante que ce que le siliciumsilicium a apporté à l'électronique, assure le directeur du MagLab, Greg Boebinger. De tels aimants pourraient être utilisés dans les détecteurs de particules, les réacteurs à fusion nucléaire et les outils de diagnosticdiagnostic en médecine ». Des aimants plus puissants permettraient par exemple d'améliorer la qualité de l'image des IRMIRM ou d'étudier les propriétés de matériaux. Mais comment un objet aussi petit a-t-il pu générer un champ magnétique aussi fort ?

    L’aimant, de taille d’un demi-rouleau de papier toilette, est enveloppé d’un ruban ultrafin de matériau supraconducteur ReBCO, puis dans de la fibre de verre. © MagLab
    L’aimant, de taille d’un demi-rouleau de papier toilette, est enveloppé d’un ruban ultrafin de matériau supraconducteur ReBCO, puis dans de la fibre de verre. © MagLab

    1.260 ampères par millimètre carré

    L'invention, décrite dans la revue Nature le 12 juin 2019, repose à la fois sur un nouveau matériaumatériau supraconducteursupraconducteur et un nouveau design. Au lieu d'utiliser du niobium, le métalmétal actuellement utilisé dans les gros aimants supraconducteurs, l'équipe de chercheurs dirigée par Seungyong Hahn a mis au point un nouveau matériau baptisé ReBCO (Rare-earth barium copper oxide), oxyde de cuivre et de baryumbaryum et de terres rares. Un alliagealliage capable de transporter 1.260 ampèresampères par millimètre carré, soit deux fois plus de courant que le niobium. Or, plus la densité de courant circulant dans la bobine est élevée, plus le champ magnétique sera intense.

    Des bandes de cuivre aussi fines qu’un cheveu

    L'autre innovation concerne l'isolationisolation, ou plus exactement l'absence d'isolation. Les aimants supraconducteurs actuels contiennent ainsi une isolation entre les couches conductrices, chargées de diriger le courant vers le chemin le plus efficace. Mais, lorsqu'une imperfection ou un obstacle se situent sur le trajet du courant, celui-ci se retrouve alors bloqué, entraînant une surchauffe potentiellement dommageable et une perte la supraconductivitésupraconductivité. La solution trouvée par l'équipe de chercheurs : supprimer l'isolation. « Comme les spires de la bobine ne sont pas isolées les unes des autres, elles peuvent partager le courant très facilement afin de contourner ces obstacles », explique David Larbalestier, l'un des co-auteurs de l'étude et directeur du département matériaux au MagLab. L'autre avantage est que cela enlève du poids et de l'encombrement au dispositif.

    Les bandes ont été découpées de façon à réduire les contraintes mécaniques et électriques générées par les hautes valeurs des champs magnétiques. © Université de Floride
    Les bandes ont été découpées de façon à réduire les contraintes mécaniques et électriques générées par les hautes valeurs des champs magnétiques. © Université de Floride

    Pour éviter les surchauffes en l'absence d'isolation, les chercheurs ont utilisé des bandes ultrafines de ReBCO de 0,043 mm d'épaisseur et de 4 mm de large, fabriquées par l'entreprise SuperPower. Un vrai défi, car ce matériau est très fragile et susceptible de se fissurer sur les côtés sous une contrainte mécanique ou magnétique. Chaque bande possède donc un bord non fendu, orienté vers l'extérieur de la bobine ; ce qui, selon les scientifiques, évite les dommages.

    L’aimant surpuissant, bientôt à la portée de tous ?

    En réalité, le champ magnétique record de 45,5 teslas n'est pas le fruit de la seule minibobine. Il a été obtenu en plaçant celle-ci à l'intérieur d'un aimant résistif plus puissant jusqu'à ce que les deux champs magnétiques combinés atteignent la valeur espérée (14,4 teslas pour la bobine et 31,1 pour l'aimant). De plus, ce champ magnétique très intense n'a pu être maintenu que quelques instants. Si des progrès sont encore à venir, « ce genre d'aimant polyvalent à haut rendement énergétique pourrait démocratiser l'accès national à cette technologie », assure Leonard Spinu, qui supervise le financement du MagLab.


    L'aimant le plus puissant du monde pour les expériences avec neutrons

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 17/04/2007

    L'institut Hahn-Meitner de Berlin a décidé de se doter du plus grand aimant au monde pour les expériences de diffusionsdiffusions avec des neutronsneutrons. Pour cela il a passé commande de celui-ci au National High Magnetic Field Laboratory et à l'Université de Floride. Cela devrait lui permettre de faire des découvertes importantes dans le domaine de la physiquephysique de la matièrematière condensée.

    Le HMI possède déjà un des plus puissants aimants sur la planète pour ce genre d'expériences. En 2011, celui qu'il possédera sera capable de créer des champs magnétiques de 25 à 30 tesla, ce qui est plus de 500 000 fois supérieur au champ magnétique terrestrechamp magnétique terrestre. Les expériences avec diffusions de neutrons ont toujours été très importantes pour comprendre les propriétés magnétiques des matériaux, notamment en ce qui concerne les phénomènes de supraconductivité.

    En l'occurrence, il s'agirait de percer les secrets des supraconducteurs à haute température critiques comme les LBCOLBCO et les YBCOYBCO. Cela devrait permettre aussi de mieux comprendre les moléculesmolécules organiques et les systèmes biologiques à partir de leurs atomesatomes d'hydrogène.

    Les études préparatoires sur les possibilités ouvertes avec ce futur instrument on convaincu le ministère fédéral de l'éducation et de la recherche que le projet valait bien la peine de débourser plus de 20 millions d'euros.

    Le futur système sera un hybridehybride d'un aimant classique en cuivre avec un aimant supraconducteur refroidi par de l'azoteazote liquideliquide entourant le précédent. De cette façon, tous en obtenant un champ magnétique particulièrement intense, seulement un tiers de la puissance utilisée pour un aimant classique produisant ce même champ sera nécessaire.

    L'aimant aura d'autres particularités, comme de permettre des angles de diffusions larges et à l'horizontal. Une telle configuration, encore trop peu employée, est en fait idéale pour les expériences de ce type. Ainsi, des études irréalisables jusqu'ici deviendront possibles et le HMI deviendra lui-même un aimant en attirant, de par le monde, un grand nombre de chercheurs.