Les accélérateurs de particules, qui utilisent des champs électromagnétiques pour produire des collisions de particules à très haute vitesse, mesurent des centaines de mètres de longueur. Des chercheurs de Stanford viennent pourtant de fabriquer une version miniature d’accélérateur de la largeur d’un cheveu. Un dispositif qui pourrait trouver des applications en médecine pour mieux cibler les radiothérapies.


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    À cheval sur la Suisse et la France, le LHC est l'accélérateur de particules le plus puissant au monde. Dans ce gigantesque tunnel sous vide, des rafales de faisceaux d’électrons ou de protons entrent en collision, créant des particules élémentaires fugaces qui constituent la matière. Afin d'atteindre des vitesses proches de celle de la lumière, ces gigantesques accélérateurs doivent en effet avoir la plus grande taille possible. Le LHC mesure par exemple 27 kilomètres de circonférence et un accélérateur encore plus immense, de 100 kilomètres de circonférence, est à l'étude (le FCC, Future Circular Collider). C'est pourtant à un défi complètement inverse que se sont attelés des chercheurs de l'université de Stanford (États-Unis) : construire un accélérateur de particules le plus petit possible mais avec une énorme puissance.

    Cibler des tumeurs de façon ultraprécise

    « Il n'y a que quelques accélérateurs de particules dans le monde », avance Jelena Vuckovic, qui a dirigé le projet. « Avec notre puce, nous voulons miniaturiser la technologie de façon à en faire un outil de recherche plus accessible », explique l'ingénieur. Un mini-accélérateur pourrait aussi mener à de nouvelles formes de radiothérapie contre le cancer. « Aujourd'hui, les appareils de radiothérapieradiothérapie médicale remplissent une salle et émettent un faisceau de rayonnement difficile à concentrer sur les tumeurstumeurs, ce qui oblige les patients à porter des écrans de plombplomb pour minimiser les dommages collatéraux », explique Robert Byer, également membre de l'équipe.

    Le saviez-vous ?

    L’énergie d’un accélérateur se calcule en électronvolt (eV), qui correspond à l’énergie gagnée par un électron accéléré sous une tension électrique de 1 volt. Dans le LHC, les protons acquièrent une énergie de 6,5 teraélectronvolts (TeV). À notre échelle, c’est minuscule : cela correspond à l'énergie d’une aiguille tombant de deux centimètres de haut. Mais lorsqu’on concentre cette énergie dans un tout petit espace, 10.000 milliards de fois plus petit, on atteint des densités d’énergie très élevées.

    Mais comment les chercheurs ont-ils réussi le tour de force consistant à miniaturiser un tunnel de plusieurs centaines de mètres de long ? Plutôt que d'utiliser les micro-ondes, comme dans les grands accélérateurs de particules, les mini-accélérateurs fonctionnent avec des impulsions laserlaser du domaine de l'infrarougeinfrarouge, avec des longueurs d'ondelongueurs d'onde 10 à 1.000 fois plus courtes. Or, plus la longueur d'onde est courte, plus les photonsphotons transportent d'énergieénergie.

    Les électrons sont accélérés par des lasers à impulsion infrarouge dans un minuscule canal de 250 nanomètres de large. En regroupant 1.000 canaux de ce type sur une puce, les chercheurs espèrent atteindre une vitesse de 94 % de celle de la lumière. © Neil Sapra
    Les électrons sont accélérés par des lasers à impulsion infrarouge dans un minuscule canal de 250 nanomètres de large. En regroupant 1.000 canaux de ce type sur une puce, les chercheurs espèrent atteindre une vitesse de 94 % de celle de la lumière. © Neil Sapra

    Une vitesse atteignant 94 % de celle de la lumière

    « Mais cela signifie aussi que les structures de la puce doivent être 100.000 fois plus petites que celles d'un accélérateur traditionnel », précise Jelena Vuckovic. Incapables de résoudre ce problème, les ingénieurs ont délégué sa conception à un algorithme. Ils ont indiqué à l'ordinateurordinateur la quantité d'énergie lumineuse qu'ils voulaient obtenir, et le logiciellogiciel leur a concocté la bonne disposition des éléments pour mettre les photons en contact avec le flux d'électronsélectrons. Le dispositif, décrit dans un article de Science du 3 janvier 2020, consiste en une puce en silicium de 25 micromètresmicromètres de long, dans laquelle est creusé un sillon de 250 nanomètresnanomètres de large où circulent les flux d'électrons. Des impulsions laser envoyées à travers le siliciumsilicium (transparenttransparent aux infrarouges), qui accélèrent les électrons avec une énergie de 0,915 kiloélectronvolt (KeV) sur 30 micromètres, ce qui correspond à 30,5 mégaélectronvolts (MeV) par mètre.

    « En regroupant 1.000 canaux de ce type sur une même puce, nous espérons atteindre une vitesse de 94 % de celle de la lumière », affirment les chercheurs (1 million d'eV ou MeV). Pas encore de quoi rivaliser avec le LHC (6,5 TeV), mais suffisant pour rendre accessible la technologie au plus grand nombre.


    Un accélérateur de particules qui tient sur le bout du doigt

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 04/10/2013

    Comme leurs collègues ailleurs dans le monde, les chercheurs de l'université Stanford cherchent à miniaturiser les accélérateurs de particules, et surtout à les rendre moins chers. Ils viennent d'obtenir d'excellentes performances en utilisant une sorte de réseau gravé sur du verre de quartzquartz de la taille d'un grain de riz, et illuminé par un laser infrarouge. Les accélérateurs de particules du futur pour lutter contre le cancercancer par protonthérapie tiendront peut-être sur une paillasse.

    NanotechnologieNanotechnologie et laser : telle est la recette qui a permis à un groupe de physiciensphysiciens du célèbre Centre de l'accélérateur linéaire de Stanford, le Slac, d'accélérer des électrons dix fois plus rapidement sur une distance de moins d'un millimètre qu'avec les techniques habituelles. Rappelons qu'avec ses 3,2 km de long, le Slac peut accélérer des électrons jusqu'à 50 GeVGeV. Il a permis des découvertes célèbres, comme la confirmation de la structure en quarksquarks des nucléonsnucléons ou celle du quark charméquark charmé par Burton Richter.

    On parle beaucoup ces derniers temps d'un autre accélérateur linéaire, mais qui reste pour le moment à l'état de projet, bien que les travaux nécessaires à sa conception soient arrivés à terme. Il s'agit de l'International Linear Collider (ILC). Il s'agit en fait d'un collisionneur formé de deux accélérateurs linéaires. Long de presque 31 km, il devrait produire des collisions d'électrons et de positronspositrons à des énergies d'au moins 500 GeV. Les chercheurs aimeraient bien pouvoir réduire drastiquement les coûts et les tailles des machines qui lui succéderont.


    Le principe de l'accélération par laser utilisé par les chercheurs du Slac est décrit dans cette vidéo. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle avec deux barres horizontales en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître, si ce n'est pas déjà le cas. En passant simplement la souris sur le rectangle, vous devriez voir l'expression « Traduire les sous-titres ». Cliquez pour faire apparaître le menu du choix de la langue, choisissez « Français », puis cliquez sur « OK ». © Slac National Accelerator Laboratory, YouTube

    Accélérateur de particules gravé comme sur une puce

    Devant l'absence de découvertes de nouvelles particules avec le LHC, il devient aussi de plus en plus difficile de convaincre les décideurs de débloquer des crédits pour se lancer dans des machines plus puissantes. En effet, cela est déjà assez complexe quand il s'agit de trouver des fonds pour compléter le budget de projets aux retombées pratiques directes, comme dans le domaine de la fusion contrôlée. Les choses changeraient si les accélérateurs pouvaient être miniaturisés et beaucoup moins chers.

    C'est certainement avec ces considérations à l'esprit que les chercheurs du Slac ont entrepris les travaux qui les ont conduits à publier un article dans Nature sur un début de solution à ces problèmes. Comme l'apprécieront certainement les tenants de la théorie de la singularité comme Ray Kurzweil, les physiciens ont mobilisé la nanotechnologie pour graver une sorte de réseau sur un morceau de verre de quartz de la taille d'un grain de riz. Long d'environ un demi-millimètre, ce réseau est constitué de canaux de taille micrométrique. Comme l'explique la vidéo ci-dessus, la structure de ce réseau modifie les oscillations du champ électromagnétiquechamp électromagnétique d'un faisceau laser dans l'infrarouge. Le bilan net pour un électron voyageant à travers ces canaux est une accélération causée par les champs électriqueschamps électriques oscillants de la lumière laser.


    Comme l'explique cette vidéo, le réseau a été gravé sur le verre de quartz avec les techniques de gravure des puces en silicium. De vastes perspectives sont ainsi ouvertes, comme des appareils de radiographie portables ou des LHC miniatures. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle avec deux barres horizontales en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître, si ce n'est pas déjà le cas. En passant simplement la souris sur le rectangle, vous devriez voir l'expression « Traduire les sous-titres ». Cliquez pour faire apparaître le menu du choix de la langue, choisissez « Français », puis cliquez sur « OK ». © Slac National Accelerator Laboratory, YouTube

    Des accélérateurs qui tiendraient sur une paillasse

    Dans leurs expériences, les physiciens sont arrivés à des taux d'accélération des électrons sur une longueur donnée équivalents à augmenter leur énergie de 300 MeV par mètre. Ils pensent pouvoir atteindre 1 GeV par mètre, ce qui veut dire qu'un Slac dans un futur proche pourrait bien n'avoir que 50 m de long.

    Il faut toutefois garder à l'esprit que les électrons pénétrant dans le dispositif mis au point à Stanford sont déjà des électrons ayant presque atteint la vitesse de la lumièrevitesse de la lumière. Il faut donc un accélérateur de particules classique qui sert de source primaire. C'est souvent le cas avec les autres accélérateurs dans le monde, où un second étage d'accélération n'augmente pas tellement la vitesse des particules, mais les dote surtout d'une énergie bien plus élevée.

    Gardons aussi à l'esprit que des accélérateurs de particules plus petits que ceux du Slac sont utilisés en médecine ou pour d'autres applicationsapplications, notamment sous forme de synchrotrons. On aimerait bien pouvoir les miniaturiser au point de les rendre presque portables, ou pour le moins facilement constructibles pour des hôpitaux et à bas prix. Le dispositif miniaturisé du Slac ne permet donc pas encore de réaliser de telles choses. Il reste à miniaturiser l'accélérateur primaire.