C'est au Français Louis de Broglie que l'on doit l'idée que certaines des lois de l'optique ondulatoire et géométrique s'appliquent aussi aux corpuscules matériels en physique quantique. Une équipe de chercheurs du CNRS vient de montrer à nouveau la justesse de cette physique à l'aide d'atomes d'hélium dans une expérience de Hong-Ou-Mandel.

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    Louis de Broglie a étudié l'histoire avant de se tourner vers la physique. Dans sa thèse, passée en 1923, il associe une onde au mouvement d'une particule et établit une relation entre la quantité de mouvement de la particule et la longueur d'onde. Ce faisant, il fonde la mécanique ondulatoire et pose les bases qui permettront à Schrödinger de découvrir sa fameuse équation quelques années plus tard. © DP, Wikipédia

    Louis de Broglie a étudié l'histoire avant de se tourner vers la physique. Dans sa thèse, passée en 1923, il associe une onde au mouvement d'une particule et établit une relation entre la quantité de mouvement de la particule et la longueur d'onde. Ce faisant, il fonde la mécanique ondulatoire et pose les bases qui permettront à Schrödinger de découvrir sa fameuse équation quelques années plus tard. © DP, Wikipédia

    Une équipe de physiciensphysiciens du CNRS et de l'université Paris-Sud au laboratoire Charles Fabry (CNRS/Institut d'Optique Graduate School) vient de réaliser une grande première qui a donné lieu à une publication dans le journal Nature. L'article est en accès libre sur arxiv et il aurait certainement fait plaisir au prix Nobel de physique français Louis de BroglieLouis de Broglie puisqu'il confirme une fois de plus la justesse de ses idées sur l'existence des ondes de matière.

    Comme il l'explique dans l'interview ci-dessous, de Broglie avait été conduit à étendre la dualité onde-corpuscule découverte par EinsteinEinstein dans le cas de la lumière aux particules matérielles comme les électrons. Cette dualité devenait alors une caractéristique universelle de la matière et de la lumière. Louis de Broglie s'était basé pour cela sur la théorie de la relativité restreinte.


    Interview, réalisée en 1967, de Louis de Broglie, prix Nobel de physique 1929 pour sa découverte de l'aspect ondulatoire des électrons qui introduit le champ de la mécanique ondulatoire. Louis de Broglie parle de la genèse de sa découverte et explique comment il a introduit la mécanique ondulatoire ; cette découverte révolutionnaire n'a pas été tout de suite acceptée mais Einstein a été l'un des premiers à en reconnaître l'importance. © Ina

    Les atomes peuvent se comporter comme des quanta de lumière

    Sa mécanique ondulatoiremécanique ondulatoire fut finalement généralisée par Schrödinger dans une direction inattendue avec des conséquences surprenantes aussi bien pour lui-même que pour Einstein et de Broglie. Ces ondes ne vivaient plus dans l'espace-tempsespace-temps mais dans l'espace de configurationespace de configuration d'un système mécanique. Sous l'influence des travaux de Max Born et Paul DiracPaul Dirac, il a fallu se rendre compte que les ondes de matière étaient en fait des amplitudes de probabilité. Comme l'explique Feynman dans son célèbre cours de mécanique quantique, ces amplitudes constituent le cœur du mystère de cette théorie. Tout comme les ondes lumineuses, elles sont capables de manifester des phénomènes d'interférenceinterférence et de diffractiondiffraction.

    La théorie de Schrödinger généralisée par Dirac en se basant sur les travaux de Heisenberg, Born et Pascual Jordan est une théorie cadre s'appliquant à la constructionconstruction de tous les phénomènes physiques. Elle implique que les atomesatomes eux-mêmes peuvent se comporter comme des quanta de lumière dans des expériences qui sont des analogues des expériences d'optique, et pas seulement les particules considérées comme élémentaires du temps de Louis de Broglie comme les électrons et les protonsprotons.

    Pour illustrer les principes de base de la mécanique quantique, c'est-à-dire ceux concernant les amplitudes de probabilité, on peut raisonner sur une expérience d'interférométrieinterférométrie à deux photonsphotons appelée expérience de Hong-Ou-Mandel (HOM). Elle repose aussi sur la notion de particules indiscernables découverte par Satyendra Nath Bose en analysant son erreur dans sa dérivation de la loi du corps noir de PlanckPlanck et dont Einstein, tout comme dans le cas des travaux de Louis de Broglie, avait tout de suite saisi l'importance.

    Principe de l'effet Hong, Ou et Mandel. Deux particules (rouge et bleue) entrent par les deux faces d'un miroir semi-réfléchissant (trait noir). Il existe <em>a priori</em> quatre configurations possibles pour la sortie des particules (détectées par un capteur, en gris). Toutefois, si les particules sont indiscernables, les processus dans lesquels les particules sont soit toutes deux transmises, soit toutes deux réfléchies (a et b), interfèrent de manière destructive. La possibilité pour les particules de sortir dans deux voies distinctes s'en trouve alors supprimée et celles-ci quittent obligatoirement le miroir par le même côté (c et d). © Denis Boiron, CNRS

    Principe de l'effet Hong, Ou et Mandel. Deux particules (rouge et bleue) entrent par les deux faces d'un miroir semi-réfléchissant (trait noir). Il existe a priori quatre configurations possibles pour la sortie des particules (détectées par un capteur, en gris). Toutefois, si les particules sont indiscernables, les processus dans lesquels les particules sont soit toutes deux transmises, soit toutes deux réfléchies (a et b), interfèrent de manière destructive. La possibilité pour les particules de sortir dans deux voies distinctes s'en trouve alors supprimée et celles-ci quittent obligatoirement le miroir par le même côté (c et d). © Denis Boiron, CNRS

    Un condensat de Bose-Einstein soumis à l'expérience HOM

    Dans l'expérience HOM, deux photons sont envoyés simultanément chacun sur l'une des faces d'un miroirmiroir semi-réfléchissant. Chaque photon a une chance sur deux de passer au travers et une chance sur deux d'être réfléchi. Le caractère indiscernable des photons et les règles de calcul des amplitudes quantiques impliquent, et l'expérience le vérifie, que les photons quittent le miroir d'un côté ou de l'autre, mais toujours ensemble. Autrement dit, il apparaît impossible aux deux photons de repartir chacun de leur côté.

    Personne ne doutait qu'il en serait de même avec des ondes de matière, par exemple avec deux atomes d'un même élément, et se comportant comme les photons qui sont des particules dites de Bose, on parle encore de bosonsbosons, par opposition aux électrons qui sont des fermionsfermions. Mais une telle expérience est difficile à réaliser avec des ondes de matière car il n'est pas facile d'obtenir des paires d'atomes isolées. C'est pourtant ce que viennent de réussir pour la première fois les chercheurs français.

    Les physiciens du laboratoire Charles Fabry ont commencé par fabriquer un condensat de Bose-Einstein (BE) en refroidissant à très basse température 100.000 atomes d'héliumhélium-4, bien connus pour être des bosons. En utilisant une autre conséquence des travaux d'Einstein sur la lumière, le laserlaser, ils ont ensuite manipulé des paires d'atomes s'échappant toutes les 30 secondes du condensat pour réaliser un effet Hong-Ou-Mandel. Ils ont fini par obtenir les mêmes résultats que dans les expériences réalisées avec des photons.

    Ce succès ne permet pas seulement de vérifier que les lois de la mécanique quantiquemécanique quantique continuent d'être valables dans un nouveau champ d'expériences. Il ouvre aussi de nouvelles perspectives dans le domaine de l'information quantique en confirmant que l'on peut aussi y utiliser des ondes de matière.