On sait fabriquer des antiprotons, des antineutrons et des antinoyaux d’hélium 4 mais bizarrement, personne n’avait encore mesuré la force entre deux antiprotons à l’état libre. Dans l’espoir d’en apprendre un peu plus sur l’origine de l’énigme de l’antimatière en cosmologie, les physiciens ont finalement comblé ce manque.

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    Rétrospectivement, nous savons que le résultat anormal de l'expérience de Michelson et Morley, l'étrange avance du périhélie de Mercure dont ne rendait pas compte la théorie de la gravitation de Newton ainsi que l'intrigante égalité entre masse pesante et masse gravitationnelle étaient les premiers signes d'une nouvelle physiquephysique, celle dont nous fêtons le centenaire ce mois-ci : la théorie de la relativité générale d’Einstein. Ces données de l'expérience ont de plus fourni certains des outils pour la développer et la tester.

    De nos jours les physiciensphysiciens cherchent de la même façon des indices pour pénétrer dans un nouveau territoire de la connaissance et parmi ceux qui sont les plus intéressants, on trouve les observations et les phénomènes en rapport avec l'énigme de l'antimatière cosmologique. Elle se trouve d'ailleurs à l'intersection de plusieurs des travaux d'EinsteinEinstein puisque l'existence de l'antimatièreantimatière découle des lois de la théorie de la relativité restreinterelativité restreinte et de la mécanique quantiquemécanique quantique et que le premier modèle de cosmologiecosmologie relativiste est l'œuvre d'Einstein.

    La véritable antimatière doit être composée d’antinoyaux

    En effet, on ne comprend pas pourquoi, lors du Big BangBig Bang, alors que le modèle standardmodèle standard de la physique prédit qu'il devrait exister autant de particules de matièrematière et d'antimatière à ce moment-là, quelque chose a provoqué la disparition de la majorité de ces dernières puisque nous n'en détectons presque pas dans l'universunivers observable (hormis celles créées ultérieurement par des processus astrophysiquesastrophysiques et non cosmologiques). Il doit donc exister des différences entre la physique de la matière et celle de l'antimatière reflétant l'existence d'une physique au-delà du modèle standard. Pour la découvrir, les physiciens étudient donc en laboratoire celle de l'antimatière.

    Une vue du détecteur Star du RHIC. Il permet d’explorer la physique des collisions d’ions lourds. © <em>Brookhaven National Lab</em>

    Une vue du détecteur Star du RHIC. Il permet d’explorer la physique des collisions d’ions lourds. © Brookhaven National Lab

    Comme l'avait fortement soutenu Paul DiracPaul Dirac, dont les travaux sur la théorie quantique relativiste de la matière ont conduit à la découverte de l'antimatière, théorique d'abord, puis finalement expérimentale avec la mise en évidence du positronpositron puis de l'antiprotonantiproton et de l'antineutron, il ne suffit pas que ces antiparticulesantiparticules existent pour que l'on puisse vraiment parler d'antimatière. Il faut qu'existent aussi des antinoyaux et des antiatomes. Cela posait la question de savoir si les forces entre les particules de matière elles-mêmes autorisaient la formation de ces objets composites.

    La première réponse expérimentale à cette question est venue de la découverte en laboratoire du premier antinoyau de deutérium. Elle a été faite indépendamment en 1965 par deux équipes de chercheurs, l'une menée par Antonino Zichichi (voir sa conférence fascinante sur l'histoire de l'antimatière et le théorème CPT) avec le ProtonProton Synchrotron (PS) du CernCern et l'autre, menée aux États-Unis par Leon Lederman. Nous savons donc qu'il existe bel et bien des forces nucléaires entre les nucléonsnucléons des antinoyaux et encore récemment au Cern, les physiciens ont exploré la physique des antinoyaux d'héliumhélium 3 grâce au LHCLHC et au détecteur Alice.

    250.000 fois la température du Soleil dans le volume d’un noyau

    Leurs collègues états-uniens leur ont emboîté le pas, également en étudiant des collisions d'ionsions lourds produites avec le Relativistic Heavy Ion Collider (RHIC). Cette fois-ci c'est le détecteur Star qui est parti sur la piste de l'énigme de l'antimatière cosmologique comme on peut le voir dans une publication déposée sur arxiv.

    Bien que la physique des collisions entre protons et antiprotons ait été étudiée au Cern lors des expériences ayant conduit à la découverte des bosons W et Z ainsi que dans les expériences faites avec le Tevatron, le prédécesseur état-uniens du LHC, personne n'avait mesuré la force nucléaire entre deux antiprotons. Or il est possible de le faire avec le détecteur Star. Pour cela, les chercheurs ont commencé par faire entrer en collisions des noyaux d'or de façon a reproduire dans le volumevolume d'un noyau des températures 250.000 fois plus élevées qu'au cœur du SoleilSoleil (qui sont de l'ordre de 15 millions de degrés kelvinskelvins) et donc, des conditions qui régnaient quelques microsecondes après l'hypothétique temps zéro du Big Bang.

    Il s'avère que pour le moment, les forces nucléaires entre antiprotons ne semblent pas différer de celles entre protons. La seule contrainte que cela pose sur de la nouvelle physique et qu'elle ne doit pas se manifester, à la précision des mesures, entre les forces nucléaires qui attirent deux antiprotons comme elles le feraient avec deux protons.