L'odeur des vieux livres pourrait servir à en estimer l'état de dégradation. Pour mieux les conserver, la British Library cherche à mettre au point un détecteur capable de déterminer les composés volatils émis par le papier vieillissant. De quoi éviter que les acides n'abîment les ouvrages voisins.

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    Les paroles s'envolent, les écrits restent... Pas tout à fait, car les écrits s’envolent aussi, certes beaucoup moins vite. Le papier, en effet, s'érode avec le temps et cette dégradation s'accompagne de l'émission dans l'air de molécules spécifiques. Captées par nos narines, elles confèrent aux vieux livre une odeur reconnaissable entre toutes. Des études ont même montré que le processus libérait plus d'une centaine de composés, que ce soit des acides, des alcools, des aldéhydesaldéhydes, des cétonescétones et d'autres appartenant à différentes familles chimiques.

    Tous ces produits inquiètent la British Library, détentrice d'environ 14 millions de livres, pas tous de première jeunesse : certains ont plus de 1.000 ans ! La bibliothèque londonienne a donc fait appel à une entreprise spécialisée dans la détection des molécules chimiques (et des bombes) : Owlstone Nanotech.

    La <em>British Library</em> possède un exemplaire du <em>Sûtra du Diamant</em>, un livre bouddhiste écrit et traduit entre le V<sup>e</sup> et le VIII<sup>e</sup> siècle. Celui disponible à la bibliothèque est considéré comme le plus vieux livre imprimé du monde, datant du 11 mai 868. © Earthsound, Wikipédia, DP

    La British Library possède un exemplaire du Sûtra du Diamant, un livre bouddhiste écrit et traduit entre le Ve et le VIIIe siècle. Celui disponible à la bibliothèque est considéré comme le plus vieux livre imprimé du monde, datant du 11 mai 868. © Earthsound, Wikipédia, DP

    Des livres millénaires sous acide

    Ensemble, ils travaillent à l'élaboration d'un dispositif en mesure d'identifier rapidement les composés organiques volatils (COVCOV) émis par les livres en dégradation et de les quantifier pour déterminer l'état d'avancement du processus.

    Comme le papier, selon son traitement, émet des substances différentes, il deviendra possible de deviner son mode de fabrication et, plus important, les risques qu'il fait encourir à ses voisins directs. En effet, certains composés acides ou oxydants peuvent agresser les livres environnants, accélérant leur dégradation. Or ces objets sont précieux et la bibliothèque tient à les conserver intacts le plus longtemps possible.

    De la vanille sur de la moisissure…

    Alors, ensemble ils testent un analyseur portable, appelé Lonestar. À la différence des techniques classiques, comme les chromatographies en phase gazeusechromatographies en phase gazeuse ou la spectrométrie de masse, qui ne sont pas à la portée de tous, ce détecteur est conçu pour être utilisable par le grand public. Il serait également plus rapide que ses concurrents pour déterminer la composition de l'échantillon. Avec quel succès et quelles répercussions sur la composition des livres ? Cela reste encore à mesurer, mais si cela peut sauver des pages entières, pourquoi s'en priver ?

    Quoi qu'il en soit cette odeur de vieux livre ne laisse pas indifférent, et de nombreux travaux de recherche ont porté sur la question. Une entreprise a lancé un parfum tandis que l'une de ces études décrivait même en 2009 les effluves comme étant « une combinaison de notes herbacées avec une saveur acide et un soupçon de vanille sur de la moisissure ». Voilà qui donnerait presque envie de dévorer des vieux bouquins...